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Historique

On décrit Samuel de Champlain (1574-1635) comme un navigateur confirmé, un cartographe méticuleux, un soldat rusé1 et un administrateur colonial efficace.

Entre 1603 et 1632, il effectue 23 voyages transatlantiques (12 vers l’ouest et 11 vers l’est)2. Au cours de ces voyages, il noue des relations diplomatiques avec les peuples des Premières Nations du Canada, établit des colonies dans ce qui devient peu de temps après la Nouvelle-France3 et explore une large portion de l’Amérique du Nord, notamment les côtes de ce qui constitue aujourd’hui la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec, le Maine, le New Hampshire et le Massachusetts, ainsi que le corridor du lac Champlain, dans le Vermont et l’État de New York. Il voyage également au cœur de l’Ontario en remontant la rivière des Outaouais jusqu’à la baie Georgienne4. Champlain n’est pas le premier Européen à explorer le nord-est de l’Amérique du Nord. Toutefois, ses écrits – qui contiennent des descriptions détaillées du paysage et des peuples autochtones, accompagnées de dessins minutieux fournis par un illustrateur – constituent le premier récit original, quoique assez subjectif, de cette première période de contacts entre les Européens et les Premières Nations5.

Des documents récemment découverts prouvent que Champlain a été baptisé à La Rochelle, en France, le 13 août 1574, en tant que fils d’Anthoynne Chapeleau6 et de Margerite Le Roy, ses parents huguenots (protestants) résidant à Brouage.7 Bien qu’il soit possible qu’il ait appris certaines de ses techniques de navigation avancées en pilotant aux côtés de son père, à Brouage, il est plus probable qu’il ait acquis cette expérience sur le navire espagnol San Julián lors d’une expédition pour les « Indes-Occidentales ».

En 1603, Champlain effectue son premier voyage en Nouvelle-France en compagnie de François Gravé du Pont (v. 1560-1629), un capitaine de navire et commerçant de fourrures expérimenté. Ils remontent le fleuve Saint-Laurent et atteignent Tadoussac, puis poursuivent leur expédition jusqu’aux rapides de Lachine8. Champlain avait pour mission de faire un état des ressources disponibles pour le compte du roi de France, Henri IV, afin de déterminer s’il était possible pour les Français de coloniser le Canada. L’année suivante, Champlain embarque pour l’Acadie avec le commerçant de fourrures protestant, Pierre Du Gua de Monts (v. 1558-1628), en tant que cartographe. En plus de ses autres responsabilités, Champlain reçoit l’ordre d’établir l’Habitation (1605) de Port-Royal (aujourd’hui Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse). Vers 1608, de Monts commence à s’intéresser à la vallée du Saint-Laurent, où Champlain est enjoint de construire une deuxième Habitation, cette fois dans la ville de Québec, pour remplir les obligations prévues dans l’accord établissant un monopole commercial que de Monts remet au roi. Quatre siècles plus tard, cette colonie de peuplement est devenue la célèbre capitale de la province du Québec9.

Le 24 avril 1615, Samuel de Champlain embarque avec quatre missionnaires récollets sur le navire Saint-Étienne, dans le port français de Honfleur, pour son septième voyage en Amérique du Nord10. Dans son journal, il indique avoir bénéficié d’un « vent très favorable » qui lui permet de traverser l’Atlantique en 31 jours, sans rencontrer le moindre incident11. À son arrivée à Québec, Champlain est informé qu’afin de finaliser l’alliance des Français avec les Anishinaabe et les Wendats12, la France lui demande de se rendre à Wendake (en Huronie), dans ce qui constitue aujourd’hui la province de l’Ontario, pour participer avec ses alliés des Premières Nations à un nouveau raid contre leurs ennemis ancestraux, les Haudenosaunee. Champlain s’était déjà rendu dans la vallée supérieure de l’Outaouais deux ans auparavant, lorsqu’il avait remonté la rivière des Outaouais, mais avait été contraint de faire demi-tour par les Anishinaabe de la vallée de l’Outaouais. Lors de cette nouvelle expédition, il s’aventure plus loin à l’intérieur des terres et découvre la Mer Douce (le lac Huron) dont Jacques Cartier avait entendu parler.

Dans son ouvrage paru en 1619, Champlain rend compte pour la première fois de ses visites dans plusieurs villages, de ses efforts diplomatiques et de certains aspects de la culture wendate et du paysage. Durant cette période, sa première destination est la ville wendate puissamment fortifiée de Cahiagué, qui comptait plus de 200 maisons longues et dont on estime que la population était comprise entre 3 000 et 6 000 habitants, dans ce qui constitue aujourd’hui le comté de Simcoe. Début septembre, en compagnie d’une force mixte composée de 400 à 500 guerriers Anishinaabe et wendats, Champlain suit le réseau hydrographique de la rivière Trent en direction du sud-est, puis traverse l’extrémité est du lac Ontario avant d’attaquer le village fortifié de leurs ennemis, les Haudenosaunee, près du lac Onondaga, dans l’actuel État de New York. Pendant la bataille, Champlain est blessé à la jambe. En l’absence de renforts et face à la résistance coriace de l’ennemi et à la perspective d’un hiver de plus en plus rude, les alliés battent rapidement en retraire et regagnent Cahiagué avec Champlain. Une fois rétabli, celui-ci effectue des visites diplomatiques dans les établissements Anishinaabe et tionnontatés (pétuns) voisins. Champlain quitte Wendake le 20 mai pour rentrer à Québec, avant de reprendre la mer pour Honfleur le 3 août 1616. Il continue toutefois d’effectuer des voyages en Amérique du Nord pendant les 15 années suivantes13.

Champlain est la personne qui joue le rôle le plus important dans la fondation et la gestion de la Nouvelle-France pendant les premières décennies du XVIIe siècle. Sa loyauté totale envers ses supérieurs et l’honnêteté avec laquelle il les conseille sont ses atouts en cette époque riche en intrigues et en tentatives d’avancement personnelles. Champlain a vécu plus longtemps que plusieurs de ses supérieurs, dont un lieutenant-général et cinq vice-rois, et a fini sa carrière comme lieutenant du cardinal de Richelieu. Personne avant lui n’a compris aussi rapidement qu’il était possible d’explorer le Canada et de s’y établir pacifiquement en concluant des alliances avec les peuples des Premières Nations et en bénéficiant de leurs enseignements. Champlain et le père Paul Le Jeune finissent par proposer aux Wendats et aux Anishinaabe de se marier avec les Français – « pour former un seul et même peuple ». 

Après le passage de Champlain en 1615, les Français déploient des efforts concertés pour convertir les Premières Nations des Grands Lacs au catholicisme romain et pour faire en sorte de conclure avec elles des alliances diplomatiques et commerciales. Les liens prolongés entre les Premières Nations et les Français ont des répercussions profondes sur les deux groupes – incluant les ravages que font les maladies européennes au sein des peuples autochtones, les tensions qui caractérisent les relations entre les Autochtones et les nouveaux arrivants, ainsi que les attaques perpétrées par les Iroquois de New York, qui entraînent la chute des Hurons et d’autres sociétés autochtones dans cette région. Les membres des Premières Nations des Grands Lacs ne parviendront jamais vraiment à s’en remettre et à retrouver le mode de vie et la population qui étaient les leurs avant les contacts avec les Européens.

Champlain avait une foi inébranlable en l’avenir du Canada. Avant de retourner au Canada en 1632, il se départit de ses biens en France pour s’établir définitivement en Nouvelle-France. Il considère que ses cartes et le fait d’avoir « préparé le terrain pour permettre à d’autres de suivre la même voie » constituent son héritage. Dans un hommage exceptionnel de la part du deuxième personnage le plus puissant de France, le cardinal de Richelieu vante les mérites de Champlain et notamment « (…) l’expérience que vous avez acquise en vous familiarisant avec le territoire de la Nouvelle-France et ses habitants (…) ainsi que ce que nous savons de vous, de votre bon sens, de votre compétence, de votre générosité, de votre prudence, de votre zèle à la gloire de Dieu et de votre affection et votre fidélité au service du roi ».

Dans l’Ontario du XIXe siècle et du début du XXe siècle, Champlain devient le symbole de ce que bon nombre de personnes considèrent comme les origines européennes de la région. Aujourd’hui, nous sommes conscients que sans Champlain, il n’y aurait pas eu de présence française au Canada – une présence qui a posé les jalons de la diversité ethnique pacifique qui caractérise notre pays.

Remarque : Ce débat sur l’héritage de Champlain se veut être un dialogue continu et, dans cette optique, tous les participants sont invités à exprimer leurs points de vue. Pour faire part de vos réflexions sur ce sujet, veuillez communiquer avec nous en envoyant un courriel à programs@heritagetrust.on.ca.

Le document d’information historique fournit des détails sur le texte de la plaque et ouvre le débat sur l’héritage de Champlain. En outre, la Fiducie a sollicité et obtenu la rétroaction de la Nation Huronne Wendat, de la Première Nation de Curve Lake, de la Première Nation de Saugeen et de la Première Nation algonquine de Pikwàkanagàn. La Fiducie du patrimoine ontarien exprime sa reconnaissance pour l’aide, l’orientation et les contributions fournies par ce groupe de spécialistes reconnus :

Michael Eamon, directeur, Collège Catharine Parr Traill. Directeur, formation continue (Continuing Education) et professeur, études canadiennes et autochtones (Canadian Studies and Indigenous Studies), Université Trent.

Carl Benn, professeur d’histoire, Université Ryerson. Spécialiste de la période des contacts avec les Européens dans l’histoire canadienne et des interactions entre les Européens et les Premières Nations.

David Hackett Fischer, professeur à l’Université Brandeis. Spécialiste de l’histoire américaine et de l’histoire comparative. Auteur de la biographie intitulée Le rêve de Champlain.

Yves Frenette, professeur. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada Migrations, transferts et communautés francophones, Université de Saint-Boniface.

Alicia Hawkins, professeure agrégée, archéo-anthropologue, Université Laurentienne.

Conrad Heidenreich, professeur émérite, géographe historien et spécialiste de Champlain, Université York. Auteur de Samuel de Champlain in Wendake: The country of the Huron in Ontario, 1615-1616.

Brian Osborne, professeur émérite, géographie, Université Queen’s. Spécialiste de l’histoire autochtone, de l’histoire du peuplement et des paysages culturels.

Nous remercions également le vice-président de la Fiducie, Harvey McCue, pour les conseils et le soutien qu’il nous a apportés. Sa connaissance des questions autochtones s’est avérée extrêmement précieuse. M. McCue est le cofondateur du département d’études autochtones (Department of Indigenous Studies) de l’Université Trent, qu’il a contribué à promouvoir.

1. Champlain occupait les fonctions de fourrier – sergent quartier-maître – et d’aide du quartier-maître général (maréchal de logis), Jean Hardy, dans l’armée du roi Henri IV, en Bretagne.

2. Une chronologie détaillée de ces voyages figure à l’annexe B de l’ouvrage de David Hackett Fischer, Le rêve de Champlain (Québec : Éditions du Boréal, 2011).

3. Voir : Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Les voyages du sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine [...], « abitasion du port royal » (e010764747) et « Abitation de Quebecq » (e010774131), 1613.

4. Voir : BAC, collection Alexander E. MacDonald, Carte de la Nouvelle France ... faicte [sic] ... par le sieur Champlain, 1632, NMC 51970.

5. Dans sa description de la vie des Wendats, Champlain passe sous silence certains éléments essentiels de leur culture, comme la confédération des nations wendates. Il apparaît également que Champlain a pu exagérer son importance en tant que diplomate auprès des Premières Nations. Pour approfondir ces points, consultez les ouvrages de Bruce Trigger.

6. Des preuves tangibles donnent à penser que Champlain était le fils illégitime du roi de France, Henri IV. Cette possibilité est examinée par les historiens. Voir le débat à ce sujet dans l’ouvrage de David Hackett-Fischer, Le rêve de Champlain, 2011.

7. Janet Ritch, « Discovery of the Baptismal Certificate of Samuel de Champlain », site Web de The Champlain Society, www.champlainsociety.ca/discovery-of-the-baptismal-certificate-of-samuel-de-champlain (date de consultation : 13 mai 2015); version française originale dans Les amitiés généalogiques canadiennes-françaises : bulletin de l’amicale des familles d’alliance canadienne-française, n° 36 (2013), p. 20-23.

8. Champlain fournit une description détaillée de ce voyage dans son compte-rendu intitulé Des sauvages, ou Voyage de Samuel Champlain, de Brouage, fait en la France nouvelle l’an mil six cens trois : Contenant les mœurs, façons de vivre, mariages, guerres, & habitations des sauvages de Canadas [sic]. Paris : Claude de Monstroeil, 1603.

9. En 1609, en contrepartie de l’accord des Montagnais autorisant les Français à s’établir à Québec, et pour tenir la promesse d’une aide militaire que leur a faite le roi Henri IV (1602-1603), Champlain est obligé d’accompagner ses nouveaux alliés, avec deux autres Français, lors d’un raid contre les Mohawks.

10. H.P. Biggar, dir. The Works of Samuel de Champlain: 1608-1620, volume IV. Toronto : The Champlain Society, 1932, p. 226.

11. H.P. Biggar, dir. The Works of Samuel de Champlain: 1615-1618 (Voyages), volume III. Toronto : The Champlain Society, 1929, p. 59.

12. Les Wendats étaient les principaux alliés des Français, mais Champlain ne parlait pas leur langue et devait recourir aux services d’un interprète, et parfois même de deux interprètes successifs (pour assurer une traduction du français à l’algonquin puis de l’algonquin au wendat, et inversement).

13. Selon David Hackett Fischer, il se pourrait que Champlain ait visité ce qui constitue aujourd’hui l’Ontario jusqu’à trois autres reprises : en 1620-1624, en 1626-1629 et en 1633-1634.