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L'Amérique du Nord vue par Samuel de Champlain

Pendant les longues années qu’il consacre à l’exploration de l’Amérique du Nord, Champlain consigne méticuleusement ses observations des paysages qu’il découvre et des personnes qu’il rencontre. Ces observations sont dictées par ce qu’il constate de visu, mais sont également façonnées par sa vision du monde et par les expériences qu’il a accumulées en France et aux Antilles. Les œuvres qu’il a publiées constituent un précieux témoignage des impressions que l’Amérique du Nord du début du XVIIe siècle produit sur les Européens. Les citations ci-après sont extraites des The Publications of the Champlain Society: The Works of Samuel de Champlain, vol. I à III (sous la direction de H.P. Biggar, Toronto, Société Champlain, 1922-1936).



Tadoussac, 1603

« Ledit port de Tadousac est petit, où il ne pourroit que dix ou douze vaisseaux : mais il y a de l’eau assez à Est à l’abry de ladite riuiere de Sagenay le long d’vne petite montagne qui est presque coupee de la mer […]. » (vol. I, p. 96)


Acadie, 1604-1607

Île Sainte-Croix

« […] puis sans perdre temps le sieur de Monts commança à employer les ouuriers à bastir des maisons pour nostre demeure, & me permit de faire l’ordōnāce de nostre logemēt. » (vol. I, p. 275)
« Durant cet yuer nos boissons gelerent toutes, horsmis le vin d’Espagne. […] Nous estions cōtraints d’vser de tresmauuaises eaux, & boire de la nege fondue, pour n’auoir n’y fontaines n’y ruisseaux : car il n’estoit pas possible d’aller en la grand terre, à cause des grādes glaces que le flus & reflus charioit, qui est de trois brasses de basse & haute mer. » (vol. I, p. 306)

Port Royal

« Le plan de l’habitation estoit de 10. toises de long, & 8. de large […]. Du costé de l’orient est vn magazin de la largeur d’icelle, & vne fort belle caue de 5. a 6. pieds de haut. […] Au tour de la basse court sont les logemens des ouuriers. » (vol. I, p. 373)


Nouvelle-Angleterre : 1604-1606

« […] dont la coste, bien qu’elle soit basse, ne laisse d’estre belle & bonne, toutesfois de difficile abbord, n’ayant aucunes retraictes, les lieux fort batturiers, & peu d’eau à prés de deux lieues de terre. » (vol. I, p. 426)
« Or voyant tousiours le vent contraire & ne nous pouuans mettre en la mer. Nous resolumes cependant d’auoir quelques sauuages de ce lieu pour les emmener en nostre habitation & leur faire moudre du bled à vn moulin à bras, pour punition de l’assacinat qu’ils auoiēt commis en la personne de cinq ou six de nos gens : mais que cela ce peust faire les armes en la main, il estoit fort malaysé, d’autāt que quād on alloit à eux en deliberation de se battre, ils prenoient la fuite, & s’en alloient dans les bois, où on ne les pouuoit attraper. Il fallut donc auoir recours aux finesses […]. » (vol. I, p. 427)


Québec : 1608-1609

« Ie fis continuer nostre logement, qui estoit de trois corps de logis à deux estages. […] Tout autour de nos logemens ie fis faire vne galerie par dehors au secōd estage, qui estoit fort commode […]. » (vol. II, p. 35)
« Autour du logement y a des iardins qui sont tres-bon, & vne place du costé de Septemptrion qui a quelque cent ou six vingts pas de long, 50. ou 60. de large. » (vol. II, p. ;36)


Les alliances avec les Autochtones : 1609-1610

« Les nostres commencerent à m’appeler à grands cris : & pour me donner passage ils s’ouurirent en deux, & me mis à la teste, marchant quelque 20. pas deuāt, iusqu’à ce que ie fusse à quelque 30. pas des ennemis, où aussitost ils m’aperceurent, & firent alte en me contemplant, & moy eux. Cōme ie les veis esbranler pour tirer sur nous, ie couchay mon arquebuse en iouë, & visay droit à vn des trois chefs […]. » (vol. II, p. 99)
« Ie dōnay charge à mes compagnōs de me suiure tousiours, & ne m’escarter point. Ie m’approchay de la barricade des ennemis pour la recognoistre. Elle estoit faite de puissants arbres, arrangez les vns sur les autres en rond, qui est la forme ordinaire de leurs forteresses. Tous les Montagnets & Algoumequins s’approcherēt aussi de lad. barricade. Lors nous commēçasmes à tirer force coups d’arquebuse à trauers les fueillards, d’autant que nous ne les pouuions voir comme eux nous. » (vol. II, p. ;128-129)


Champlain et la Huronie : 1615

« Nous nous approchasmes pour attaquer ce village, faisant porter nostre Cauallier par 200. hommes les plus forts, qui le poserent deuant ce village, à la longueur d’vne picque, où ie fis monter trois harquebusiers, bien à couuert des flesches & pierres, qui leur pouuoient estre tirées, & jettées. Cependant l’ennemy ne laissa pour cela de tirer vn grand nombre de flesches, qui ne manquerent point, & quantité de pierres qu’ils iettoient par dessus leurs pallissades. » (vol. III, p. 71)

« Ie vous asseure qu’il y a vn singulier plaisir en ceste chasse, qui se faisoit de deux iours en deux iours, & firēt si bien qu’en trente-huit iours que nous y fusmes ils prirent six-vingts Cerfs, desquels ils se donnent bonne curée […]. » (vol. III, p. 85)

« […] en ceste façon poupinement vestuës & habillées, elles se montrent volontiers aux dances, où leurs peres, & meres les enuoyent, n’oubliant rien de ce qu’ils peuuent apporter d’inuention pour embellir & parer leurs filles, & puis asseurer auoir veu en des dances où i’ay esté, telle fille qui auoit plus de douze liures de pourceline sur elle(s), sans les autres bagatelles, dont elles sont chargées & attourées. » (vol. III, p. 135)
« […] & se trouuent parmy ces nations de puissantes femmes, & de hauteur extraordinaire : car ce sont elles qui ont presque tout le soing de la maison, & du trauail, car elles labourent la terre, sement le bled d’Inde, font la prouision de bois pour l’hyuer, tillent la chanure, & la fillent, dont du fillet ils font les rets à pescher, & prendre le poisson, & autres choses necessaires, dōt ils ont affaire […]. » (vol. III, p. 136)

« Ils n’ont que de deux sortes de dances qui ont quelque mesure, l’vne de quatre pas, & l’autre de douze, comme si on dançoit le Trioly deBretagne. Ils ont assez bonne grace en dançant, il se met souuent auec elles de ieunes hommes […]. » (vol. III, p. 150)

« Pour ce qui est de l’enterrement des deffuncts, ils prennent le corps du decedé, l’enueloppēt de fourreures, le couurent d’escorces d’arbres fort proprement, puis ils l’esleuent sur quatre pilliers, sur lesquels ils font vne cabanne, couuerte d’escorces d’arbres, de la longueur du corps […]. » (vol. III, p. 160)