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Le 50e anniversaire du Code des droits de la personne de l'Ontario

Dévoilement de la plaque provincial pour commémorer le 50e anniversaire du Code des droits de la personne de l'Ontario

Thomas H.B. Symons, C.C., O.Ont, FRSC, LL.D., D.Litt., D.U., D.Cn.L., FRGS, KSS – Président, Fiducie du patrimoine ontarien

En tant que président de la Fiducie du patrimoine ontarien et ancien président de la Commission ontarienne des droits de la personne, je suis ravi d'être présent cet après-midi pour me joindre à cette commémoration exceptionnelle du 50e anniversaire du Code des droits de la personne de l'Ontario.

Le respect des droits de la personne est une tradition ancienne en Ontario; une tradition qui a énormément évolué au cours de nombreuses décennies. C'est l'une de nos traditions les plus importantes, dans la mesure où une société véritablement juste et démocratique se doit d'être exempte de toute discrimination ou iniquité. Les efforts déployés par les habitants de ce qui est aujourd'hui l'Ontario pour définir et affirmer les droits et les libertés sont au moins aussi vieux que la province elle-même. Depuis l'avènement du Haut-Canada, les habitants de l'Ontario actuel considèrent les droits et libertés comme des principes fondamentaux découlant de traditions politiques et juridiques qui constituent une part essentielle de notre héritage britannique.

En outre, sur la base de ces traditions ancrées dans un contexte spécifiquement canadien, des approches uniques en matière de droits ont émergé des us et coutumes des Premières Nations, du Canada francophone et des nombreuses autres composantes culturelles qui caractérisent et enrichissent ce pays. Les échanges et rapports d'interdépendance entre ces éléments divers ont également engendré des approches particulières en matière de droits et de libertés. Bien souvent, ces approches mettaient en avant des droits collectifs, et ont trouvé leur traduction juridique au Parlement, avec notamment l'Acte de Québec en 1774, l'Acte constitutionnel en 1791, la Loi visant à restreindre l'esclavage du Haut-Canada en 1793, et la Loi sur l'Amérique du Nord britannique, textes qui prévoyaient tous des protections de groupes minoritaires. Même si elles n'étaient pas dépourvues de limitations, ces protections ont contribué à créer un socle sur lequel repose l'établissement d'une société pluraliste et multiculturelle.

Néanmoins, même si la province se développait et évoluait, des lacunes majeures subsistaient dans les législations canadienne et ontarienne, qui autorisaient et encourageaient même parfois l'oppression, la discrimination et l'intolérance. Bien que la province eût édicté un nombre considérable de lois progressistes à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la présence de racisme, de sectarisme et d'injustice systémiques dans la société ontarienne restait une réalité regrettable et bien souvent insupportable!

Cependant, en parallèle, l'immigration croissante dans la province avait pour conséquences la diversification constante de la population et la formulation de nouveaux principes d'égalité, de tolérance et de citoyenneté.

Durant la première moitié du XXe siècle, la Première Guerre mondiale et la Grande Crise ont entraîné des changements profonds et durables dans le secteur des droits de la personne en Ontario. Le sentiment xénophobe, les lois et pratiques discriminatoires, et les politiques gouvernementales purement et simplement racistes étaient des réalités à la fois perpétuées et subies par différents segments de la population ontarienne. Ces réalités ont donné naissance à un combat pour les droits de la personne au sein de la province, lequel n'a pas cessé de gagner en intensité et en crédit pendant les années suivant la Deuxième Guerre mondiale.

En 1945 et 1946, les anciens combattants qui revenaient des champs de bataille d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Extrême-Orient ont contribué à transformer fondamentalement l’opinion du public à l’égard de nombreux aspects des droits de la personne. Leur expérience directe de la discrimination et de ses conséquences les avait profondément et durablement marqués, tout comme l'esprit de groupe et de camaraderie qui régnait lorsqu'on servait au sein des Forces aux côtés d'un aussi grand nombre de personnes de différents horizons.

Ce combat pour les droits de la personne a pris de l'essor quand il s'est vu légitimé en 1948, lors de l'adoption par les Nations Unies de la Déclaration universelle des droits de l'homme, une initiative en grande partie canadienne qui a instauré de nouvelles normes internationales en matière de droits de la personne et contribué à l'émergence d'une nouvelle culture durable des droits, laquelle a remis en cause les hiérarchies raciales en place et conduit à réaliser d'importantes modifications législatives en Ontario.

Au début des années 1950, après des campagnes inlassables menées par des groupes comme la National Unity Association de Chatham, Dresden et North Buxton (avec à sa tête Hugh Burnett, activiste noir chevronné né à Dresden), le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario, dirigé par l'honorable Leslie Frost, a adopté des textes qui ont ensuite constitué collectivement le cadre législatif sur les « pratiques équitables ». Parmi ces lois, il faut citer la première Fair Employment Practices Act (loi concernant les pratiques d'emploi équitables) du pays et la Female Employees Fair Remuneration Act (loi concernant la rémunération équitable des femmes au travail), promulguées en 1951, ainsi que la Fair Accommodation Practices Act (loi concernant les pratiques équitables en matière d'hébergement), adoptée en 1954.

Simultanément, dans les cours, la généralisation de la liberté s'accélérait au gré des affaires et des précédents. En 1945, par exemple, Monsieur le juge Keiller Mackay, qui est devenu plus tard lieutenant-gouverneur de l'Ontario, a prononcé un jugement remarquable dans le dossier Re Drummond Wren, ayant annulé un covenant restrictif injuste et discriminatoire relatif à la propriété, qui visait les « Juifs ou personnes de nationalité inconvenante ».

Les efforts d'individus et de groupes pour encourager le changement et se mobiliser contre les pratiques et les idées discriminatoires au niveau de l'État et de la société sont parvenus à susciter un fort élan. Dans les années 1950, les associations favorables aux libertés civiles, les associations ethnoculturelles, les groupes religieux et les groupes syndicaux sont devenus des alliés utiles des défenseurs des droits des minorités. Collectivement, ces groupes se sont posés en locomotive du mouvement pour les droits de la personne, qui a continué de se renforcer au cours des années 1960 et 1970.

La révolution des droits dans la province a marqué des points décisifs en mars 1961 lors de la fondation de la première commission des droits de la personne du pays, et l'une des premières au monde, à vrai dire. La Commission ontarienne des droits de la personne s'est vu confier le mandat d'administrer ce qui, en fin de compte, est devenu le premier Code des droits de la personne de l'Ontario. Le projet de loi 54 (An Act to establish the Ontario Code of Human Rights and provide for its administration) était un acte exhaustif interdisant la discrimination motivée par diverses causes dans les domaines du logement, des services et de l'emploi. Il intégrait les différentes lois en matière de pratiques équitables antérieures au Code des droits de la personne de l'Ontario, et les regroupait.

Le Code est entré en vigueur il y a 50 ans jour pour jour, à la date anniversaire de la signature de la Magna Carta à Runnymede, en 1215. Il faisait partie des premiers textes de loi déposés par l'honorable John Robarts lorsqu'il a pris la tête du gouvernement de l’Ontario.

Le Code des droits de la personne de l'Ontario a permis d'offrir plus de justice et de démocratie en Ontario. Tourné vers l'avenir, il a continué d'évoluer en donnant un sens légal aux valeurs comme la dignité, l'égalité et le respect. Daniel Hill, l'éminent premier président de la Commission ontarienne des droits de la personne, a milité avec zèle en faveur de l'introduction de nouvelles protections dans le Code. En 1969, il a montré comment certains articles du Code qu'il avait identifiés étaient de plus en plus utilisés par des groupes spécifiques, notamment les Autochtones, les immigrants récents et les femmes, et a suggéré des pistes d’amélioration.

J'ai eu l'insigne honneur de succéder à M. Hill en qualité de président de la Commission ontarienne des droits de la personne, de 1975 à 1978. Durant cette période, la Commission a entrepris un examen de fond des droits de la personne en Ontario, qui s'est soldé par une révision complète du Code des droits de la personne de l'Ontario.

En tant que président, j'ai eu la chance de collaborer avec une équipe de commissaires exceptionnelle qui, grâce à son dévouement indéfectible et à ses efforts inlassables, a produit un rapport qui a modifié le paysage des droits de la personne dans la province. L'un des membres de cette formidable équipe de commissaires est présent parmi nous aujourd'hui. Il s'agit de M. Bromley Armstrong, et je vous invite à le saluer et à le remercier.

Considérant qu'en matière de droits de la personne, la responsabilité est partagée par tous les membres de la société, nous avons sollicité la pleine participation de la population ontarienne à chaque étape de l'examen. De mai à septembre 1976, la Commission a organisé 17 consultations publiques dans toute la province et reçu plus de 300 mémoires écrits. Le processus a suscité des discussions publiques sur les droits de la personne, que les gens n'avaient jamais eues jusqu'alors.

Au fil de l'examen, il est devenu évident que pour que la vie en Ontario soit vraiment placée sous le signe de l'entente mutuelle et du respect de la dignité de chaque personne, le champ d'application du Code des droits de la personne de l'Ontario devait être considérablement élargi.

En collaboration étroite avec la population de l’Ontario, la Commission des droits de la personne a œuvré à l’expansion de la portée des droits de la personne dans la province. Le rapport qui s’en est suivi, Life Together, formulait près de 100 recommandations, dont les recommandations progressistes préconisant l’inclusion du casier judiciaire, du handicap et de l'orientation sexuelle parmi les causes de discrimination proscrites. Le rapport proposait également une plus grande allocation des ressources à la recherche et à la sensibilisation du public.

Comme l'a exprimé Madame la juge Rosalie Abella, l'un des auteurs du rapport, il s'agissait du « remaniement le plus profond des droits de la personne depuis l'avènement des commissions des droits de la personne dans ce pays », et il a débouché sur une vision nouvelle et plus inclusive des droits de la personne en Ontario. Alors que les recommandations étaient progressivement mises en œuvre dans les décennies qui ont suivi, le Code et la Commission des droits de la personne de l'Ontario ont adopté l'approche moderne, inclusive et active des droits de la personne qui est aujourd'hui la leur.

Effectivement, le processus et la tradition perdurent! L'ensemble de la population ontarienne peut s'enorgueillir et se réjouir du fait que cette semaine, mercredi, il y a à peine deux jours, l'Assemblée législative de l'Ontario a modifié le Code des droits de la personne de l'Ontario pour étendre ses mesures protectives aux personnes transgenres, qui forment une communauté fréquemment marginalisée et vulnérable, ayant le même besoin que quiconque d'être protégée de la discrimination.

Les membres des trois partis ont voté pour la modification consistant à ajouter au Code les expressions « identité sexuelle » et « expression de l'identité sexuelle » afin d'empêcher toute discrimination à l'encontre des personnes transgenres, notamment lorsqu'elles cherchent un emploi ou un logement. À vrai dire, une myriade de possibilités va s'offrir à elles grâce à cette modification.

C'est la première modification de fond apportée au Code depuis ses révisions majeures suite aux consultations et à l'examen publics des années 1970, qui ont ajouté les mots « orientation sexuelle » en vue de protéger les gais et les lesbiennes.

Fort à propos, le texte modifiant le Code est baptisé Loi Toby en hommage à Toby Dancer, musicienne défunte qui dirigeait la chorale de l'église torontoise où Cheri DiNovo, qui a milité avec tant d'énergie en faveur de cette réforme, officiait avant de devenir députée provincial.

À nouveau, l’Assemblée législative de l’Ontario a été la première assemblée législative provinciale à adopter cette modification. Le Manitoba a fait de même le lendemain, et les autres territoires et provinces suivent le même chemin. L'Ontario est réellement la première instance majeure en Amérique du Nord à offrir une protection en matière des droits de la personne aux personnes transgenres, même s'il faut avouer que nous avons été devancés par les Territoires du Nord-Ouest!

Dans un discours prononcé lors du Caucus canadien sur les droits de la personne, au début des années 1980, le secrétaire d'État de l'époque avait déclaré : « Nul ne peut ignorer le fait que pour que les droits deviennent réels et vivants, il faut que des citoyens éclairés et instruits acceptent qu’ils le deviennent ». Les efforts constants des organismes, des groupes de défense et des citoyens contribuent à garantir que la tradition consistant à protéger et à renforcer les droits de la personne en Ontario se perpétue.

De nos jours, le Code continue de tenir compte de l’évolution de la société tout en restant fidèle à son essence et à ses valeurs fondamentales de justice et d'égalité. Ce faisant, il continue de façonner la perception que les Ontariennes et les Ontariens ont d’eux-mêmes en tant que peuple, et d’être façonné par cette perception. Les habitants de la province peuvent en être très fiers.

C'est avec un plaisir immense et particulier que je dévoile aujourd'hui, en ce 15 juin 2012, une plaque provinciale pour commémorer, en votre compagnie, le 50e anniversaire du Code des droits de la personne de l'Ontario.

Je vous remercie.