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Dialogue sur la diaspora : Exposition sur le thème du patrimoine des Noirs

Thomas H.B. Symons, C.C., O.Ont, FRSC, LL.D., D.Litt., D.U., D.Cn.L., FRGS, KSS – Président, Fiducie du patrimoine ontarien

C’est un immense plaisir pour moi, en tant que président de la Fiducie du patrimoine ontarien, de vous accueillir et de vous transmettre mes chaleureuses salutations. Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour participer à un passionnant programme de présentations et de discussions sur les thèmes du patrimoine, des droits de la personne et de la justice sociale, dans le cadre de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine.

Désignée par les Nations Unies, cette année vise à renforcer l’action et la coopération – au niveau international, national et régional – pour promouvoir la possibilité pour les peuples d’ascendance africaine de jouir pleinement de leurs droits économiques, culturels, sociaux, civils et politiques, et commémorer leur patrimoine et leur culture diversifiés.

L’édifice dans lequel nous nous trouvons revêt une importance toute particulière pour le sujet qui nous rassemble aujourd’hui. Construit en 1850 et dessiné par William Thomas dans le style Renaissance, il a accueilli nombre de réunions d’Afro-Canadiens et Canadiennes et d’autres personnes qui ont milité en faveur de l’abolition de la traite des esclaves et du bien-être des peuples asservis réfugiés à Toronto. Durant cette période, l’édifice a accueilli divers orateurs abolitionnistes, notamment Frederick Douglass, Samuel Ringgold Ward et Francis Ellen Watkins Harper.

La première conférence donnée ici le 1er avril 1851 par un membre du Parlement britannique portait sur l’esclavage. Un peu plus tard cette année-là, la North American Convention of Coloured Freemen a tenu un événement très important dans cet édifice. Parmi les personnes présentes, on peut citer Frederick Douglass, Henry Bibb et Thornton Blackburn. La discussion a tourné autour de la question de la réinstallation permanente des réfugiés qui avaient fui l’esclavage américain. Dans sa résolution finale, la Convention a confirmé que le Canada était la meilleure destination pour ces émigrants.

Compte tenu de son importance historique pour le mouvement abolitionniste, le St. Lawrence Hall est un lieu idéal pour poursuivre la conversation sur la diaspora africaine et sur ses liens avec le Canada et l’Ontario en particulier.

Nombre des activités de la Fiducie du patrimoine ontarien cadrent parfaitement avec les objectifs de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine. Le site Web de la Fiducie héberge la ressource Web « De l’esclavage à la liberté », qui fournit des renseignements sur un réseau de 18 sites et organismes consacrés au patrimoine noir en Ontario. La Fiducie est heureuse d’avoir collaboré avec ces sites et ces organismes – de même qu’avec des universitaires et d’autres groupes communautaires afro-canadiens de toute la province tout au long de l’année 2011 – pour célébrer l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine.

La communauté noire de l’Ontario a joué, et continue à jouer, un rôle social, culturel et économique extrêmement important dans la vie et le développement de cette province. Le passé riche et diversifié de cette communauté constitue une composante essentielle du patrimoine de l’Ontario. Son histoire a une influence et des répercussions sur les discussions actuelles autour de la justice sociale et des droits de la personne. Elle est une source d’inspiration pour ceux et celles qui s’efforcent de bâtir un avenir meilleur et plus équitable pour tous les citoyens canadiens.

Pour soutenir cet important travail, la Fiducie du patrimoine ontarien a lancé un programme varié d’événements et d’activités, en partenariat avec le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration, et avec le soutien financier de ce dernier, qui vise à favoriser un plus grand respect, au sein de la communauté noire de l’Ontario et de l’ensemble de la population ontarienne, du patrimoine et de la culture diversifiés des peuples d’ascendance africaine, et à assurer une meilleure sensibilisation en la matière. Ce programme a mobilisé un vaste éventail de partenaires, d’organismes, d’intervenants et de citoyens dans le cadre d’un certain nombre d’initiatives importantes.

Voici quelques exemples de ces initiatives :

  • Le dévoilement d’une plaque provinciale pour commémorer la First Regular Baptist Church à Dresden il y a quelques jours, le 20 novembre;
  • Un numéro spécial de Questions de patrimoine, avec Afua Cooper comme rédactrice en chef invitée, numéro spécial disponible ici aujourd’hui;
  • La remise de prix dans le cadre du programme Jeunes leaders du patrimoine et du Programme de reconnaissance des activités patrimoniales communautaires pour les réalisations en matière de préservation du patrimoine des Noirs et de leur culture;
  • La coordination de visites guidées sur le patrimoine des Noirs dans le Sud-Ouest de l’Ontario pour six écoles défavorisées au sein de la région du grand Toronto;
  • Et, bien évidemment, l’événement « Exposition sur le patrimoine des Noirs » qui se tient ici aujourd’hui.

Axé sur le patrimoine des Noirs en Ontario, l’événement d’aujourd’hui nous permet de réfléchir à la façon dont nous pourrions utiliser le passé pour entamer, à notre époque, des conversations et lancer des initiatives visant à assurer un avenir positif aux personnes d’ascendance africaine dans la province.

L’Ontario accueille depuis fort longtemps une vaste communauté de personnes d’ascendance africaine. Au fil des générations, les membres de cette communauté ont joué un rôle immense dans la vie et le développement de cette province, et ce, dès ses débuts; je dirais même qu’ils ont contribué à sa sécurité et à sa survie.

Parmi ceux et celles qui ont combattu pour la Couronne pendant la Révolution américaine, des milliers de personnes d’ascendance africaine ont servi au sein d’unités spéciales – comme le Black Pioneer Corps et l’Ethiopian Corps, des régiments d’anciens esclaves constitués dans les colonies du Sud – ou ont participé à des activités de résistance locale. D’autres encore ont servi au sein des British Line Regiments, notamment dans les Queen’s Rangers sous le commandement de John Graves Simcoe, ou leur ont porté assistance.

Bien des personnes d’ascendance africaine, pendant et à la fin de la Révolution américaine, ont fui vers le Nord comme réfugiés, avec d’autres Loyalistes de l’Empire-Uni, en quête d’une nouvelle vie dans un nouveau pays relevant de la Couronne. Les chiffres varient selon les sources mais on sait que plusieurs milliers de Loyalistes noirs ont joué un rôle essentiel dans la refondation de l’Amérique du Nord britannique, le territoire de ce qui allait devenir le Canada, notamment en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Un certain nombre de Loyalistes noirs se sont également rendus au Québec, par voie maritime ou terrestre.

Plus tard, lorsque le pays a été envahi en 1812, les unités noires et les volontaires noirs servant dans la milice canadienne et au sein des forces britanniques ont contribué de façon importante aux efforts de défense. Par exemple, le « Colored Corps », basé dans la région de Niagara pendant la guerre, a combattu durant la bataille de Queenston Heights, en octobre 1812, et au siège de Fort George, en mai 1813.

Il convient également de noter que l’une des premières mesures prises en 1793 par le premier Parlement de notre province a été de limiter l’esclavage, ce qui a constitué une étape importante vers l’abolition de la traite des esclaves en Ontario – l’un des premiers territoires au monde à le faire. C’était un pas important mais ce n’était qu’un début. De nombreux Ontariens – des Noirs et des Blancs – ont soutenu William Wilberforce et ses collègues en Angleterre, ou ont étroitement collaboré avec eux, pour obtenir l’abolition de la traite des esclaves au sein de l’Empire britannique en 1807, puis l’abolition de l’esclavage lui-même au sein de l’Empire britannique en 1834, soit trois décennies avant que M. Lincoln soit en mesure de faire de même aux États-Unis.

On commence à mieux connaître le rôle important qu’ont joué les nombreuses personnes d’ascendance africaine basées au Canada – mais aussi un grand nombre de Blancs et d’Autochtones – dans le cadre du chemin de fer clandestin, pour aider les Noirs à fuir les États-Unis et à trouver refuge au Canada. Des initiatives comme celle intitulée « Breaking the Chains: Presenting a New Narrative of Canada’s Role in the Underground Railroad », et présentée un peu plus tard dans le programme, permettront certainement de proposer de nouvelles idées et de nouvelles perspectives à ce sujet.

Mais le rôle important et croissant des personnes d’ascendance africaine dans la vie publique de l’Ontario et du Canada n’est toujours pas entièrement apprécié à sa juste valeur. On a presque oublié la longue carrière de William Hubbard, conseiller respecté et bien-aimé et maire intérimaire de Toronto, de même que le rôle joué par d’autres Noirs dans la vie municipale. Leur histoire est bien racontée, par exemple, dans l’ouvrage récemment publié sur les Afro-Canadiens à Hamilton. Il n’y a pas plus éminent Canadien que l’honorable Lincoln Alexander, mon prédécesseur à la présidence de la Fiducie du patrimoine ontarien. Lincoln Alexander a été le représentant de la Reine en Ontario, en tant que député et ministre au sein du cabinet fédéral.

Dans la même veine, nous avons l’honneur de compter parmi nous aujourd’hui l’honorable Jean Augustine, première femme d’ascendance africaine à avoir été élue au Parlement canadien, la première à siéger au cabinet, et qui occupe désormais le poste de commissaire à l’équité. Nous nous réjouissons de sa participation à notre programme.

Les citoyens ontariens d’ascendance africaine ont également joué un rôle crucial dans la promotion des droits de la personne dans notre province et dans tout le Canada. Parmi les provinces du Canada et des États de l’Union américaine, l’Ontario a été le premier territoire à créer une Commission des droits de la personne et le premier président de cette commission, le Dr Daniel Hill, était d’ascendance africaine. J’ai eu l’honneur de lui succéder à ce poste. Je suis ravi que son fils, Lawrence Hill, soit parmi nous aujourd’hui comme conférencier. Les nombreux ouvrages et projets de M. Hill s’appuient sur le travail remarquable réalisé par son père dans le domaine des droits de la personne; son œuvre occupe une place importante dans le domaine des études afro-canadiennes.

Le monde de la musique, des arts, des lettres et de l’éducation en Ontario et à travers le Canada regorge de personnes d’origine africaine, comme M. Hill, qui ont joué et continuent de jouer un rôle essentiel dans le domaine du savoir et de la culture dans notre pays. Le dévoilement à Ottawa l’année dernière par Sa Majesté la Reine de la remarquable sculpture d’Oscar Peterson, musicien brillant et estimé, est un des moyens de rappeler à l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes que les personnes d’ascendance africaine jouent un rôle important dans la vie culturelle de notre pays. Les spectacles aujourd’hui de Denise Pelley, Beyond Sound Collective et Ballet Creole en sont un autre exemple.

En tant que président de la Fiducie du patrimoine ontarien, je vous adresse mes meilleurs vœux de succès pour cette journée de dialogue et de réflexion. J’espère que de nouveaux partenariats pourront se nouer et que les relations existantes en sortiront renforcées. La Fiducie est heureuse de continuer à appuyer l’important travail mené dans notre province pour commémorer le patrimoine noir de l’Ontario et de contribuer à alimenter la réflexion sur l’impact de ce patrimoine sur les discussions contemporaines qui sont menées autour des problèmes auxquels la diaspora africaine fait face.

Je vous remercie.