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Dr Anderson Ruffin Abbott, 1837-1913

Le jeudi 27 novembre 2008, la Fiducie du patrimoine ontarien et la Chatham-Kent Black Historical Society ont dévoilé une plaque provinciale au Centre W.I.S.H. de Chatham, en Ontario, pour commémorer le Dr Anderson Ruffin Abbott, 1837-1913.

La plaque bilingue se lit comme suit :

DR ANDERSON RUFFIN ABBOTT 1837-1913

    Anderson Ruffin Abbott naît à Toronto, en 1837. Ses parents, Wilson et Ellen Toyer Abbott, sont des personnes de couleur libres arrivées au Canada en 1835, en quête d’une meilleure situation financière et de justice sociale. Il fréquente l’école de l’établissement Elgin, près de Chatham, et étudie par la suite à la Toronto School of Medicine. Il obtient son permis d’exercice de la médecine en 1861, devenant le premier médecin de descendance africaine né au Canada. Après avoir obtenu son diplôme, le Dr Abbott devient l’un des huit chirurgiens noirs que compte l’Armée de l’Union durant la guerre de Sécession; il sert avec distinction comme chirurgien en chef au Freedmen’s Hospital à Washington, D.C. En 1871, il s’installe à Chatham, où il ouvre un cabinet de médecin et devient président du Wilberforce Educational Institute. Il devient également le premier coroner noir du comté de Kent, président de la Chatham Medical Society et rédacteur en chef associé du Missionary Messenger, publication officielle de l’Église épiscopale méthodiste britannique. Le Dr Abbott finit ses jours à Toronto. Il est inhumé à la nécropole de Toronto.

DR. ANDERSON RUFFIN ABBOTT 1837-1913

    Anderson Ruffin Abbott was born in Toronto in 1837. His parents, Wilson and Ellen Toyer Abbott, were free people of colour who came to Canada in 1835 in pursuit of economic advancement and social justice. Abbott was educated at the Elgin Settlement near Chatham, and then studied at the Toronto School of Medicine. He received his medical licence in 1861, becoming the first Canadian-born doctor of African descent. Upon completing his studies, Dr. Abbott became one of eight Black surgeons to serve in the Union Army during the American Civil War and served with distinction as the surgeon-in-chief at Freedmen’s Hospital in Washington, D.C. In 1871, he settled in Chatham, where he established a medical practice and served as president of the Wilberforce Educational Institute. He also became Kent County’s first Black coroner, president of the Chatham Medical Society and associate editor of the Missionary Messenger, the official publication of the British Methodist Episcopal Church. Abbott eventually returned to Toronto. He is buried at the Toronto Necropolis.

Historique

Le Dr Anderson Ruffin Abbott était un homme aux grandes qualités, érudit et bien éduqué. Vétéran décoré de la guerre de Sécession, musicien et conférencier accompli, il s’impliqua activement dans la vie communautaire et fut un membre influent de la communauté religieuse. Canadien d’origine africaine, ses réalisations sont d'autant plus remarquables qu'elles eurent lieu au XIXe siècle, à une époque où le respect et les possibilités d’avancement social, politique et économique étaient refusés à de nombreux Canadiens d’origine africaine. De son vivant, le Dr Abbott a brisé les barrières de la couleur dans certaines institutions les plus distinguées du Canada, a défié la ségrégation par ses réalisations exceptionnelles et a gagné l'admiration de familles les plus éminentes d'Amérique du Nord. Bien qu’il n’ait jamais prétendu être radical et qu’il ait vécu une vie sans prétention, l’histoire se souviendra du Dr Abbott comme étant le pionnier le plus improbable, établissant un précédent de professionnalisme scientifique que de nombreux futurs Canadiens d’origine africaine suivront.

Le père d'Anderson, Wilson Abbott, charpentier de métier, quitta Richmond, en Virginie, à l'âge de 15 ans, pour Mobile, en Alabama, où il travailla dans un hôtel afin de gagner son gîte et son couvert. N'étant pas du genre à se laisser décourager par le racisme des États du Sud, Wilson Abbott travailla également sur un bateau à vapeur du Mississippi. C’est alors qu’il rencontra et épousa la mère d'Anderson, Ellen Toyer, en 1830. Les deux travailleurs, qui vivaient à Mobile, étaient des « personnes de couleur libres ». Ils étaient propriétaires d’un magasin général et possédaient plusieurs propriétés. Cependant, en raison des lois discriminatoires de plus en plus nombreuses à l’encontre des Afro-Américains libres, le couple partit de Mobile. Ils déménagèrent à La Nouvelle-Orléans et, plus tard, à New York, avant de quitter définitivement les États-Unis pour s’installer au Canada en 1835. Les Abbott passèrent le reste de leur vie à Toronto, où Wilson devint un homme d’affaires prospère et riche.1 Le couple fut actif dans les milieux abolitionnistes. C’est à Toronto que naquit Anderson en 1837.2

Wilson et Ellen Toyer Abbott voulaient que leurs enfants reçoivent la meilleure éducation possible, sachant qu’elle ouvrirait aux personnes d’ascendance africaine de nombreux débouchés. Dès son plus jeune âge, Anderson s’inscrivit dans la première classe de la célèbre école Buxton Mission, dans la colonie d’Elgin, près de Chatham, en Ontario. Il fréquenta ensuite la faculté préparatoire de l'Oberlin College dans l'Ohio, où il reçut l’équivalent des cours du secondaire qui le préparèrent à l'université. En 1857, Abbott entra au collège universitaire de Toronto pour étudier la chimie et, un an plus tard, à la Toronto School of Medecine, qui par la suite fut affiliée à l'Université de Toronto. En 1861, après avoir été accrédité par le Medical Board of Upper Canada, le jeune médecin de 23 ans obtint son permis d'exercer la médecine. Il suivit notamment les traces du Dr Alexander T. Augusta (1825-1890), un Noir libre de Virginie. Si Augusta fut le premier diplômé connu d'ascendance africaine dans le domaine de la médecine en 1856,3 Abbott fut le premier Noir né au Canada à obtenir un diplôme de médecine.

Abbott acquit son expérience en médecine sous la direction du Dr Augusta qui dirigeait l’hôpital de la ville de Toronto4 et possédait une pharmacie sur la rue Yonge dans les années 1850.

Malgré sa réussite en tant qu’érudit et médecin, Abbott était parfaitement conscient des injustices subies par les esclaves noirs des États-Unis. À l’âge de 26 ans, Abbott suivit l’exemple d’Augusta pendant la guerre de Sécession (1861-1865). Augusta s’enrôla dans l’Armée de l’Union et, malgré la résistance, devint le premier major et chirurgien des 7e United States Colored Troops. En 1863, le Dr Abbott, un Canadien, adressa une pétition directement au secrétaire américain à la Guerre dans l’espoir d’obtenir la permission de se battre pour l’Armée de l’Union pendant la guerre de Sécession. Sa demande fut acceptée.

En 1863, le Dr Anderson Ruffin Abbott fut un des huit chirurgiens noirs à servir dans l'Armée de l'Union. Rattaché au Camp Barker, à Washington D.C., il servit à nouveau sous les ordres du Dr Augusta. Alors que le racisme persistait dans l'Armée de l'Union, Anderson s’engagea activement dans la lutte pour mettre fin à l'esclavage aux États-Unis. Il resta attaché aux régiments entièrement composés de Noirs et se heurta au racisme de nombreux Blancs qui n’acceptaient pas l’idée de servir dans l’armée aux côtés des personnes d'ascendance africaine. Néanmoins, Anderson mena le combat jusqu'à son dénouement, servant jusqu’à la fin de la guerre comme chirurgien en chef au Freedmen's Hospital de Washington, D.C.,5 jusqu'à ce qu’il démissionne en 1866. Après la guerre, Anderson resta aux États-Unis pendant qu’il décida où s’installer et faire carrière en médecine. Pendant la même période, le vétéran fut hautement honoré pour les services qu’il rendit pendant le conflit. Mary Todd Lincoln, la veuve du président Abraham Lincoln, lui remit l’écharpe que portait son mari lors de son investiture en 1861.

Le Dr Abbott revint au Canada en 1871 et ouvrit son propre cabinet dans le Hunton Block, sur la rue William à Chatham, en Ontario, qu’il gardera pendant près d'une décennie. C'est à peu près à cette époque qu'il épousa, Mary Ann Casey. Le couple mena une vie plus discrète, mais non moins épanouie. Les Abbott eurent cinq enfants - Helene, Wilson, Grace, Ida et Gordon - qui devinrent tous des adultes prospères. Trois demeurèrent au Canada et deux épousèrent des Américains et vécurent aux États-Unis.6

En plus d’exercer la médecine, le Dr Anderson donna fréquemment des conférences sur des sujets d'intérêt scientifique, s’impliqua activement dans l'Église afro-canadienne, la British Methodist Episcopal Church (BME), et devint un fervent défenseur de l'éducation. En plus de ces responsabilités, le Dr Abbott fut rédacteur en chef adjoint du périodique bimensuel, le Missionary Messenger, une publication de l'Église BME. De 1873 à 1880, le Dr Abbott fut président du Wilberforce Educational Institute, une école très prisée par les étudiants noirs de Chatham se préparant aux études universitaires.7 Le Dr Abbott occupa des postes de direction et d'importance, non seulement dans la communauté noire de Chatham, mais aussi dans la communauté en général. En 1874, il devint un des premiers coroners du comté de Kent et le premier coroner noir. Il fut également président de la Chatham Literary and Debating Society et, en 1878, de la Chatham Medical Society. Tout au long de sa vie adulte, Anderson Ruffin Abbott cultiva l’image d’une personne aux goûts raffinés et travailla sans relâche pour faire progresser sa famille sur le plan économique et social.

En 1881, le Dr Abbott et sa famille déménagèrent de Chatham à Dundas, en Ontario. Le médecin continua d’exercer la médecine et demeura très impliqué dans les activités de la communauté, en particulier dans les questions relatives à l'éducation et à l'église. Il devint également administrateur du Dundas Mechanics' Institute.8 Dans les années 1890, la famille déménagea à Oakville, à Toronto, puis à Chicago, où il occupa le poste de surintendant médical du Provident Hospital, un nouvel établissement qui accueillait la clientèle afro-américaine.9 Au début des années 1900, la famille Abbott revient habiter à Toronto. Le Dr Abbott continua à donner des conférences, à rédiger des articles pour divers périodiques et à participer activement à la vie de la ville. Il décéda en décembre 1913, laissant un héritage de réalisations professionnelles et un fier bilan de services rendus à sa communauté. Le Dr Anderson Ruffin Abbott est enterré dans la nécropole de Toronto.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier sincèrement Adrienne Shadd dont les travaux de recherche nous ont permis de rédiger le présent document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2008


1 Wilson servit dans la milice pendant la rébellion de 1837.

2 L'histoire de la famille Abbott est contenue dans deux livres : Dalyce Newby, Anderson Ruffin Abbott : First Afro-Canadian Doctor, Markham, Ont. : Fitzhenry and Whiteside, 1998 et Catherine Slaney, Family Secrets : Crossing the Colour Line, Toronto : Natural Heritage Books, 2003. Voir également Daniel G. Hill, The Freedom-Seekers : Blacks in Early Canada, Agincourt, Ont. : The Book Society of Canada, 1981, chapitre 12 intitulé “The Freedom Seekers”.

3 Le Dr Augusta fréquenta le Trinity Medical College à Toronto.

4 Maintenant l'hôpital général de Toronto.

5 Le Freedmen's Hospital (aujourd'hui l'hôpital universitaire Howard) servit la communauté noire du District de Columbia pendant plus d'un siècle. Créé en 1862 sur le terrain du Camp Barker, le Freedmen's Hospital and Asylum s'occupa des Noirs libérés, handicapés et âgés. En 1863, il fut placé sous la direction du Dr Alexander Augusta, le premier Afro-Américain à diriger un hôpital aux États-Unis. Après la guerre civile, il devint l'hôpital universitaire de l'école de médecine de l'Université Howard, créée en 1868. La Howard University School of Medicine devint une des rares grandes écoles de médecine américaines à se consacrer à la formation de médecins noirs.

6 Les sœurs Abbott épousèrent des hommes noirs et les deux frères, des femmes blanches. Catherine Slaney, arrière-petite-fille d'Abbott, retraça sa lignée familiale et révéla comment certains descendants devinrent « blancs » et se séparèrent d'autres parents qui restèrent « noirs. » Slaney, Secrets de famille, chapitres 18-21.

7 À cette époque, le système scolaire public de Chatham était ségrégué et les élèves afro-canadiens du primaire fréquentaient la King Street School, la seule école qui leur était réservée, dans l'est de la ville.

8 À Dundas, en Ontario, les premiers services de bibliothèque furent fournis par le Dundas Mechanics' Institute, qui fut constitué en société en 1857. En 1883, elle devint la bibliothèque publique de Dundas.

9 Le Provident Hospital and Training School for Nurses fut le premier hôpital détenu et géré par des Noirs aux États-Unis. Il fut fondé en 1891 par le Dr Daniel Hale Williams. Provident assurait la formation des infirmières et des internes à Chicago. Avant cela, les patients noirs se voyaient refuser l'admission dans les hôpitaux blancs et les médecins noirs ne disposaient pas d'installations adéquates pour traiter leurs patients.