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Marie-Rose Turcot 1887-1977

Le samedi 25 juin 2005, à 14 h 30, la Fiducie du patrimoine ontarien a dévoilé une plaque provinciale commémorant Marie-Rose Turcot, journaliste, écrivaine et spécialiste du folklore, à l’Astrolabe, à Ottawa, durant le Festival franco-ontarien.

La plaque a été dévoilée par L’honorable Madeleine Meilleur, ministre de la Culture de l’Ontario et ministre déléguée aux Affaires francophones, et Mme Paul Doucet, membre du conseil d’administration de la Fiducie du patrimoine ontarien. La plaque provinciale sera érigée de façon permanente a la succursale Rideau de la bibliothèque publique d’Ottawa, 377, rue Rideau.

Voici le texte de la paque bilingue :

MARIE-ROSE TURCOT, 1887-1977

    Née à Laurierville, au Québec, Marie-Rose Turcot a déménagé à Ottawa vers l’âge de 20 ans pour travailler à la fonction publique. Plus tard, comme journaliste, Marie-Rose Turcot a écrit des articles pour le quotidien Le Droit, de même que pour plusieurs autres quotidiens et hebdomadaires d’Ottawa et de Montréal, parfois sous le pseudonyme de Constance Bayard. Elle a aussi été journaliste à la station radio française CKCH, à Hull, au Québec. Mme Turcot est l'auteure d’un roman, de plusieurs collections de nouvelles et de poèmes. Elle a collectionné et publié des contes folkloriques franco-ontariens, faisant figure de pionnière en la matière. Elle a œuvré au sein de plusieurs associations professionnelles et organismes culturels franco-ontariens, à Ottawa, comme Le Caveau. Elle a vécu à Ottawa pendant la majeure partie de sa vie. Elle est morte à Orléans.

MARIE-ROSE TURCOT 1887-1977

    Born in Laurierville, Quebec, Marie-Rose Turcot moved to Ottawa around the age of 20 to work in the civil service. Later, working as a journalist, Marie-Rose Turcot published in the daily newspaper Le Droit, as well as in several other weekly and daily publications in Ottawa and Montreal, sometimes using the pseudonym Constance Bayard. She also worked in broadcast journalism for the French radio station CKCH in Hull, Quebec. Turcot was the author of a novel, several collections of short stories, and poems, and was a pioneer in collecting and publishing Franco-Ontarian folk tales. She was active in a number of French-Canadian cultural organizations in Ottawa, including Le Caveau, as well as in professional associations. She lived in Ottawa for most of her life, and died in Orléans.

Historique

Tout au long de sa vie, Marie-Rose Turcot considéra sa machine à écrire comme son lien avec le monde, son sixième sens comme elle l’appelait dans sa vieillesse.1 Cette machine lui servit d’abord à gagner sa vie comme secrétaire lorsqu’elle travaillait au sein de la fonction publique, et par la suite, comme journaliste. C’est aussi sa machine à écrire qui lui permit de s’adonner à ses activités littéraires et intellectuelles et d’écrire les sept ouvrages qu’elle publia ainsi que les nombreuses communications qu’elle présenta devant diverses associations culturelles et professionnelles à Ottawa.

Marie-Rose Turcot naquit à Laurierville, au Québec, le 2 juillet 1887. Ses parents s’appelaient Georges Turcot et Belzémire Rousseau. Elle eut deux sœurs, Jeanne et Blanche. Son père, un commerçant, fut député libéral fédéral du comté de Mégantic, au Québec.2 Ses entrées dans le monde politique aidèrent Marie-Rose à obtenir, à vingt ans, un poste de secrétaire au sein de la fonction publique. C’est à ce moment que toute la famille décida de s’installer à Ottawa, et c’est aussi vers ce moment que M. Turcot décéda.3

Mme Turcot termina ses études à Plessisville, au Québec, à l’école pour jeunes filles que dirigeaient les Sœurs de la Charité, aussi connues sous le nom de Sœurs grises. Elle suivit ensuite des cours de philosophie et de littérature à l’Université d’Ottawa et fut parmi les premières Canadiennes-françaises à faire des études universitaires. Elle s’inscrivit à des cours donnés par Léon LeBel, prêtre oblat qui était agrégé de la Sorbonne. Elle considéra ce professeur comme son plus important mentor. M. Lebel encouragea la jeune étudiante à écrire, loua ses premiers succès et suivit ses progrès même une fois qu’il eut regagné sa France natale.4

Le premier récit de Mme Turcot à être publié s’intitulait « Les impressions d'un homme dans une carafe ». Cette histoire parut dans le quotidien La Presse en 1918.5 Elle s’inspire du monde fantastique et traite d’un homme qui rêve d’être en possession d’une carafe contenant les restes de son rival amoureux. La même année, l’écrivaine soumit le récit « Nestor et Picolo » au jury littéraire constitué par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour attribuer son prix. Il s’agit d’une description, légèrement cynique bien qu’attendrissante, de l’ascension sociale d’un jeune homme, Nestor Laceraye, et de son chien Picolo. Le récit obtint un prix et fut publié un an plus tard avec les autres œuvres primées.6 Ces deux récits figurèrent dans le premier livre de Mme Turcot, une collection de nouvelles portant le titre de L'Homme du jour, qui parut en 1920.7 Le manuscrit de ce livre pourrissait dans le fonds d’un tiroir et fut finalement publié grâce à la notoriété que le concours valut à Mme Turcot et grâce au concours de deux personnes, Marie Gérin-Lajoie, éditrice de la revue La Bonne Parole, que l’écrivaine considérait comme sa marraine dans le monde littéraire, et Émile Miller, secrétaire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.8

L’amour ne joue qu’un rôle secondaire dans « Nestor et Picolo » alors que c’est le thème central des autres récits composant L'Homme du jour. Le titre de la collection est aussi le titre du premier récit de la collection qui décrit la relation tendue entre un candidat politique et sa femme au cours de sa première campagne électorale. Le livre en entier est dédié au père de Mme Turcot dont le mandat de député à la Chambre des communes fut renouvelé trois fois et qui fut élu député pour la première fois en 1887, année de la naissance de l’écrivaine.9 La collection compte sept récits, dont cinq sont présentés du point de vue du personnage féminin qui traverse une crise dans ses relations personnelles.

Au moment de la publication de L'Homme du jour, Mme Turcot venait d’obtenir une promotion au sein de la fonction publique, ayant été nommée secrétaire du Dr Henri Séverin Béland, député libéral de Beauce, au Québec, alors ministre du Rétablissement des soldats à la vie civile et ministre chargé de la Santé.10 Cette promotion coïncida avec la fin d’une époque que Mme Turcot décrivit comme l’époque de l’insouciance heureuse lorsque la vie dans les ministères fédéraux pouvait être décrite comme « une attachante monotonie de routine sans souci comme sans ambition [qui] permettait d'ajuster notre vie aux invitations reçues ».11 Au cours des dix prochaines années, elle fut secrétaire de cinq ministres fédéraux.”12

Tout au long de sa vie, Mme Turcot s’adonna simultanément à diverses activités. Elle gagna sa vie comme secrétaire, et ensuite comme journaliste, tout en étant membre de plusieurs associations professionnelles et culturelles et en publiant des œuvres littéraires originales et des contes populaires. Mme Turcot fut toujours animée du « besoin d’écrire »13 comme en témoigna sa participation de 1920 à 195014 aux travaux de la section d’Ottawa de la Société des écrivains canadiens. Elle réussit à mener une vie sociale et professionnelle aussi occupée en partie parce qu’elle demeura célibataire. Elle raconta dans « Simple Aveu » qu’elle eut trois prétendants, mais qu’au dernier moment, elle hésita à épouser chacun d’eux et poursuivit son chemin, soulagée en dernier ressort « de ne pas avoir à me plier à aucune discipline engageant la vie durant, heureuse de respirer librement l'air et la lumière d'une solitude volontaire qui me permettait d'évoluer à ma fantaisie, d'utiliser mes loisirs pour lire et écrire ».15

En 1924, plusieurs des nouvelles de Mme Turcot parurent dans Annales. Lettres – histoire – sciences – arts, publication de l’Institut canadien-français d'Ottawa, important organisme culturel fondé en 1852 dans le but d’œuvrer au bien-être moral, intellectuel et physique de ses membres qui appartenaient surtout à l’élite canadienne-française. En 1925, l’Institut comptait quelque 600 membres. Il organisait des pièces de théâtre, des conférences et des débats sur des sujets littéraires, culturels et patriotiques et comptait une bibliothèque.16

La période la plus productive de Mme Turcot, de 1920 à 1950, coïncida avec une époque agitée et tumultueuse pour l’élite canadienne-française. D’une part, cette élite comptait de nombreuses associations artistiques et culturelles lui permettant de développer et de partager son patrimoine culturel. D’autre part, ce même patrimoine culturel était menacé par l’adoption de l’infâme Règlement XVII qui supprimait, en 1912, le droit à l’enseignement en français en Ontario. Les Canadiens-français de tout le pays manifestèrent leur appui aux francophones de l’Ontario, prouvant ainsi que l’identité canadienne-française était pancanadienne. Les répercussions sociales et politiques du Règlement XVII furent durables. Bien que les livres de Mme Turcot ne fassent pas spécifiquement mention de ces événements, ses récits montrent qu’elle s’estimait procéder de cette identité canadienne-française pancanadienne, puisqu’ils ont pour protagonistes des personnages canadiens-français qui vivent au Québec, à Ottawa, à Regina et à Ponteix, en Saskatchewan, ainsi qu’à Détroit, en Nouvelle-Angleterre, et à New York, reflétant la diaspora canadienne-française.

Peu de temps après la publication de ses premiers récits, Mme Turcot fit un voyage qui marqua un point tournant dans sa vie. En 1925, elle se rendit à Washington comme membre d’une délégation francophone à la conférence du Conseil international des femmes. Elle fut la seule Canadienne-française parmi les déléguées provenant de quarante-trois pays qui se rassemblèrent pour discuter des problèmes de l’après-guerre. Les discussions que Mme Turcot eut avec les autres déléguées, dont un bon nombre avaient déjà participé à des débats sur les mêmes thèmes à la Ligue des nations, lui ouvrirent de nouveaux horizons.17

À la conférence, Mme Turcot rencontra l’écrivaine estonienne Aino Kallas qui avait consigné et publié des contes populaires provenant de son pays natal. À peu près du même âge que Mme Turcot, Mme Kallas était une écrivaine établie qui vivait depuis plusieurs années à Londres avec son mari, un diplomate. Les œuvres de Mme Kallas accordaient une grande place au nationalisme romantique et ses travaux folkloriques visaient à contenir l’hégémonie culturelle russe dans les satellites soviétiques. Mme Turcot trouva une véritable source d’inspiration dans l’œuvre de Mme Kallas qui encouragea personnellement la jeune écrivaine canadienne-française à continuer à écrire.

À l’issue de cette rencontre, Mme Turcot publia sept contes populaires que lui avaient transmis, en 1930-1931, trois Canadiens-français âgés ayant vécu en l’Ontario. Évariste Nadeau était un bûcheron de 80 ans vivant à l’Hospice Saint-Charles, à Ottawa. Né à Rivière-du-Loup en 1848, il avait été contremaître dans les camps de bûcherons le long de la rivière Gatineau. Le samedi soir, les draveurs et les bûcherons se rassemblaient pour l’écouter raconter les histoires qu’il connaissait par cœur. Il n’avait lu qu’un seul livre, Les mille et une nuits, d’où il avait tiré les personnages du Grand Vizir et du Prince d'Orient qu’on retrouvait dans son histoire intitulée « Le Chevreuil merveilleux ». Outre cette histoire, M. Nadeau raconta à Mme Turcot le conte « La Poileuse » (qui porte le titre « La souris » dans certaines versions) et « Les Bessons ». Il lui a sans doute aussi raconté le conte « Le Dragon vert ».

C’est auprès d’Éliane Angrignon, de Montréal, que Mme Turcot recueillit les histoires « La Belle Marie » et « L'Oiseau vair ». Mme Angrigon tenait cette dernière histoire de son arrière-grand-père maternel, Michel Chartrand, qui venait à l’origine de Sainte-Martine, dans le comté de Chateauguay, au Québec, et avait vécu la majeure partie de sa vie à Orléans, en Ontario.

Mme Alarie, originaire de Québec qui résidait à Ottawa en 1930, était âgée de 92 ans lorsqu’elle raconta à Mme Turcot une histoire qu’elle se souvenait avoir entendu enfant,18 soit « La Reine des Ormeaux ».19

Tous ces contes appartiennent à la tradition populaire canadienne-française et à des catégories de récits établies par des ethnologues. Tous les contes à l’exception du « Dragon vert » contiennent des éléments fantastiques. Tous ces contes comportent aussi d’autres versions canadiennes-françaises bien que la « Souris » soit un conte très rare au Canada-français dont les motifs s’apparentent davantage à ceux qu’on trouve dans la tradition irlandaise.20

Sous l’influence d’écrivains comme Mme Kallas, mais aussi par intérêt personnel, Mme Turcot décida de regrouper ces contes en un recueil dont plusieurs éditions parurent par la suite. L’imagination de Mme Turcot lui faisait apprécier les aspects fantastiques des contes. Voici ce qu’elle écrivit à ce sujet : « Mes impressions les plus vives, celles qui me reviennent avec les lueurs indécises du « petit jour » tiennent de la fascination qu'exerçaient les fées sur mon cerveau d'enfant ».21 L’amour de Mme Turcot pour les contes populaires datait de son enfance et de l’époque où son père racontait des histoires à ses trois jeunes filles au moment du coucher.22

Parmi les autres œuvres littéraires ayant exercé une grande influence sur Mme Turcot,23 mentionnons les contes de fée des frères Grimm et de Charles Perreault de même qu’une œuvre intitulée The Peasants (Les paysans) de l’auteur polonais Ladislas Reymont.24 Ce roman en quatre parties, publié entre 1902 et 1909, mérita à son auteur le Prix Nobel de littérature en 1924.25 Rédigé dans un style imitant le langage parlé des personnages qu’il met en scène, le roman dépeint la paysannerie polonaise de façon idéalisée.

Grâce à Mme Turcot, les contes populaires qui lui furent racontés furent réimprimés plusieurs fois. Elle publia d’abord six de ces contes (à l’exception du conte « Le Dragon vert ») entre 1930 et 1932 dans la revue pour enfants intitulée L'Oiseau bleu et ensuite en 1937, dans le livre Au Pays des géants et des fées. Dans ces versions ultérieures, Mme Turcot abandonna la forme orale des contes originaux qui lui avaient été transmis pour adopter un style hautement littéraire. Dans la préface à la première édition de son recueil, Alphonse de Larochelle, directeur de L'Oiseau bleu, conseille aux jeunes lecteurs de se munir d’un dictionnaire s’ils veulent bien comprendre les contes.26

Sur les conseils de Marius Barbeau, éminent ethnologue, Mme Turcot réécrivit les contes dans un style correspondant mieux à la façon dont ils lui avaient été transmis de vive voix. Elle dut faire ce travail de mémoire puisqu’elle avait jeté les notes qu’elle avait prises au moment où ces contes lui furent racontés pour la première fois.27 En 1946 et 1948, elle réédita cette version des contes (c’est en fait la première publication du conte « Le Dragon vert ») dans Les Archives de folklore, nouveau journal publié sous la direction de l’ethnologue Luc Lacourcière.28

Plusieurs versions des contes furent réimprimées dans les années 1950. Au pays des géants et des fées fut réédité par Fides en 1951 et 1955. Toutes les éditions de ce recueil comportaient des illustrations de la main de James McIsaac. Les contes furent aussi publiés individuellement dans deux séries distinctes illustrées par Maurice Petitdidier. Mme Turcot s’éleva contre le style choisi par M. Petitdidier au moment de la parution de la première série de contes dans « Albums du gai lutin » en 1958, et réclama des illustrations de style classique. La maison d’édition Fides acquiesça à la demande de Mme Turcot qui se dit satisfaite des illustrations figurant dans la série des « Légendes dorées » publiée en 1959.29

Dans une lettre adressée à Luc Lacourcière vers la fin de sa vie, Mme Turcot affirma avoir pris plaisir à rédiger ces contes et exprima le regret de ne pas avoir consacré tout son temps à la préservation des contes populaires.30 Cette observation et le fait qu’elle ait publié ces contes à plusieurs reprises au cours de sa carrière indiquent l’importance qu’elle attachait aux récits folkloriques.

Tout au long des années pendant lesquelles Mme Turcot travailla à la rédaction de ces contes populaires, elle écrivit aussi d’autres livres. En 1928, elle publia Le Carrousel, livre de mémoires de son enfance décrivant la vie dans la petite ville où elle grandit.31 Ce livre reçut le prix de l’Association des auteurs canadiens. Bien que bon nombre des récits que renferme ce livre mettent en scène des familles de classe moyenne à l’aise, ils donnent aussi une idée de la simplicité de la vie dans les milieux ruraux. Mme Turcot écrivit ceci à ce sujet: « Mon enfance à la campagne fut pour moi une intarissable source d'inspiration ».32

En 1930, Mme Turcot publia Nicolette Auclair, qui n’est pas un roman comme le sous-titre l’indique, mais un recueil de brèves nouvelles, l’histoire éponyme étant un roman court et les trois autres histoires, des nouvelles.33 Toutes ces histoires traitent de l’amour et de son pouvoir de transformation. Ces histoires, comme la majeure partie des œuvres de fiction de Mme Turcot, sont racontées du point de vue du personnage féminin, lequel cherche à accomplir son destin. À cet égard, Mme Turcot se rapproche des autres écrivaines canadiennes-françaises de l’époque comme Jovette Bernier, Éva Sénécal, Alice Lemieux et Simone Routier, qui innovaient dans le domaine du roman et de la poésie en créant une nouvelle voix et sensibilité féminines. Les personnages de Mme Turcot demeurent traditionnels cependant, dans la mesure où ils atteignent la paix et la satisfaction dans le cadre de l’ordre social établi, normalement en contractant mariage, par opposition aux personnages de Mme Bernier, par exemple, qui sont plus susceptibles de s’inscrire en faux par rapport aux conventions sociales.

Un autre recueil de nouvelles suivit en 1932. Il portait le titre de Stéphane Dugré.34 Les sept nouvelles de ce recueil traitent de façon légèrement différente des thèmes de l’amour et de la vie villageoise. L’idée de la rencontre des cultures est aussi développée dans ce livre ainsi que deux thèmes qu’on retrouve souvent dans la littérature canadienne-française du début du vingtième siècle, à savoir l’impact de la culture américaine et les conséquences de l’urbanisation.

Les voyages constituaient l’une des activités favorites de Mme Turcot.35 Elle fit trois importants voyages dans les années 1930, le premier dans l’Ouest canadien, le deuxième dans les Maritimes, et le troisième en Europe.36 Les voyages au Canada avaient pour objet de permettre à l’écrivaine de participer à des congrès du Cercle des femmes journalistes tenus à Calgary et à Halifax.

Quand elle se rendit à Calgary, Mme Turcot eut l’occasion de visiter la région des Rocheuses où elle situa l’action dans son roman intitulé Un de Jasper, publié en 1933.37 L’histoire met en vedette Danielle Montreuil qui visite Jasper avec son fiancé, un peintre. À Jasper, elle tombe amoureuse d’un médecin qui nourrit des ambitions politiques, l’épouse et s’installe avec lui. Le médecin devient jaloux lorsqu’il apprend que l’ex-fiancé de sa femme a peint son portrait. Danielle quitte son époux qui a décidé de se lancer en politique. Au cours de la campagne électorale, il renonce à ses visées politiques pour se réconcilier avec elle.

Mme Turcot effectua son troisième important voyage de la décennie en 1936 lorsqu’elle séjourna en Europe pendant deux mois. Après avoir visité tout le continent, y compris l’Italie, et après s’être arrêtée à Lourdes, Mme Turcot séjourna cinq semaines à Paris en compagnie de l’écrivaine Simone Routier et de l’ethnologue Luc Lacourcière.38 M. Lacourcière devait commencer une année d’enseignement en Suisse, et Mme Routier vivait à Paris depuis qu’elle avait gagné le Prix David 1929, important prix littéraire au Québec. Mme Turcot prit grand plaisir à passer du temps avec ses bons amis et à discuter avec eux des événements politiques d’actualité. Elle considéra ce voyage en Europe comme un jalon important dans sa vie qui la transforma; elle dit par la suite ne plus avoir lu des livres ni interprété des films de la même façon. À partir de ce moment, il y eut pour Mme Turcot la période ayant précédé ce voyage et celle qui le suivit.39 Elle présenta une communication sur son voyage au Club de presse des femmes dont elle fut membre de 1923 à 1951.40

Peu de temps avant de se rendre en Europe, Mme Turcot apporta un changement important à sa vie professionnelle en acceptant un poste de journaliste au journal Le Droit, poste qu’elle occupa de 1934 à 1950. Après avoir été pendant dix ans secrétaire d’un ministre fédéral, elle se sentit plus ou moins contrainte de prendre une retraite anticipée de la fonction publique. Elle décrivit dans « Simple Aveu » la position très délicate dans laquelle elle se retrouva : le nouveau ministre élu, chancelier de l’Église presbytérienne de Saint Jean et ancien directeur du Corps médical de l’Armée, ne voyait pas d’un très bon œil ses activités littéraires; elle estima aussi qu’il ne pouvait pas accepter qu’elle soutint le parti constituant l’opposition. Le changement fut traumatisant pour Mme Turcot, mais elle s’adapta à la situation et accepta un poste de rédactrice dans les pages féminines du journal Le Droit.41 Les articles de Mme Turcot traitaient de sujets divers dont les arts, la littérature, l’histoire, la politique, l’économie domestique et les enfants.42

Après son départ de la fonction publique, Mme Turcot se joignit à l’Association des confrères artistes du Caveau. Au cours des années 1930 et 1940, Le Caveau fut l’un des cercles artistiques les plus actifs à Ottawa. D’après Mme Turcot, le cercle connut sa période de gloire absolue de 1934 à 1940 : « Ces années d'effervescence, d'entrain, caractérisèrent la montée bruyante, l'accomplissement d'une réussite à laquelle prirent part tous les membres d'un mouvement artistique et littéraire dont les Corporations du Théâtre, des Lettres, de la Musique et des Arts ».43 L’écrivaine fut présidente de la Corporation des lettres du Caveau en 1935-1936.44

Les années 1940 furent très occupées pour Mme Turcot. En 1940, elle publia Le Maître, livre de prose et de poèmes évangéliques comportant notamment certains contes de Noël traditionnels.45 Ses articles parurent dans 20ème siècle, mensuel d’Ottawa, ainsi que dans Notre Temps et Le Samedi, hebdomadaires de Montréal dans les deux cas. En 1946, elle rédigea pour La Revue populaire des chroniques mensuelles sur des événements artistiques et musicaux ayant lieu à Ottawa ainsi qu’à Montréal. Cette même année, dix de ses nouvelles parurent dans diverses publications : Le Droit, Notre Temps, La Tribune (Sherbrooke), Le Nouvelliste (Trois-Rivières) ainsi que dans deux journaux publiés dans des collectivités canadiennes-françaises de la Nouvelle-Angleterre, soit L'Impartial (Nashua, New Hampshire) et Le Phare (Woonsocket, Rhode Island).46 La Revue Dominicaine ouvrit aussi ses pages à Mme Turcot.47

En 1940-1941, Mme Turcot ajouta le journalisme parlé à sa liste déjà très variée d’activités professionnelles, animant à CKCH deux émissions par semaine sur une période de six mois. Fondée en 1933, CKCH fut la première station de radio à diffuser entièrement en français pour un auditoire franco-ontarien bien que ses bureaux fussent situés à Hull, au Québec. Les rubriques de Mme Turcot étaient diffusées dans le cadre d’une émission intitulée « Entre-Nous » et abordaient une vaste gamme de sujets comme la célébration de Noël dans l’« Habitation » de Champlain à Québec, la difficulté de la condition féminine, le peintre Maurice Gagnon, les écrivains Léo-Paul Desrosiers et Michelle Lenormand ainsi que la Grèce moderne.48 Bon nombre des émissions furent adaptées et publiées dans Le Droit.49

Présidente de la Société d'étude et de conférences d'Ottawa (Cercle Richer) de 1945 à 1951, Mme Turcot demeura membre du groupe jusqu’en 1960.50 Une liste qu’elle dressa des communications qu’elle donna à partir de 1946 au Caveau et à la Société d'étude et de conférences donne un aperçu de sa curiosité intellectuelle. Ces communications portèrent notamment sur les sujets suivants : l’histoire de la Nouvelle-France, l’histoire canadienne au 19e siècle, les personnages bibliques, des écrivains comme Supervielle, Saint-Exupéry, Cocteau, Mauriac, Claudel et Monique Saint-Hélier, des saints catholiques, l’ouvrage de Pearl Buck sur la Chine et Chopin.51 Le fait qu’elle donna deux communications sur la littérature pour enfants en 1943 devant les membres de l’Association de l'enseignement du français de l'Ontario et, en 1947, devant ceux du Club Richelieu, à Hull, témoigne également de l’étendue de ses intérêts.52

Mme Turcot continua à publier des articles jusqu’au début des années 1960 dans les publications Notre Temps et Terre et foyer.53 En 1962, elle termina ses mémoires inédits « Simple aveu », manuscrit tapé à la machine à écrire qui fait maintenant partie des archives Marie-Rose Turcot conservées à l’Université d’Ottawa avec les nombreuses lettres et autres documents qui témoignent de sa vie bien remplie et productive.54 Jusqu’à la toute fin, Mme Turcot continua de fréquenter les nombreux amis qu’elle avait rencontrés grâce à ses multiples activités. Elle décéda le 27 novembre 1977. Elle fut inhumée au cimetière de Cookshire, dans les cantons de l’Est, au Québec.55


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier sincèrement M. Yves Frenette, Ph.D., Études pluridisciplinaires, Collège Glendon, Université York, et Mme Mary Elizabeth Aubé, Ph.D., dont les travaux de recherche nous ont permis de rédiger le présent document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2005


1 Centre de civilisation canadienne-française (CRCCF), Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », aide-mémoire non publié, daté du 5 juillet 1962, p. 14. « ...mon dactylo ... me sert de sixième sens. »

2 Site Web parlementaire, Georges Turcot, né en 1851 à Sainte-Marie de Beauce, élu pour la première fois en 1887, battu en 1891, réélu en 1896 et 1900, est resté à la Chambre des communes jusqu’en septembre 1904. Site Web parlementaire.

3 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « La Providence qui se lève qques heures... », note manuscrite, p. 1.

4 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p.12. Le Fonds Marie-Rose Turcot contient 32 lettres de Léon LeBel, datées de 1922 à 1929.

5 Aurélien Boivin, « L'Homme du jour et autres recueils de contes et de nouvelles de Marie-Rose Turcot », dans Maurice Lemire (dir.), en collaboration avec Gilles Dorion, André Gaulin et Alonzo Le Blanc, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, vol. 2, Montréal, Fides, 1980, p. 571.

6 La collection de récits primés a été publiée sous le titre de Au pays de l'érable. Quatrième concours littéraire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Montréal, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, 1919, 194 p.

7 Marie-Rose Turcot, L'Homme du jour (contes et nouvelles), Montréal, Beauchemin, 1920, 206 p.

8 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

9 Site Web parlementaire, 30 mai 2004.

10 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 2.

11 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 2.

12 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 3.

13 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « La Providence qui se lève qques heures... », note manuscrite, p. 1.

14 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

15 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 2.

16 Charles Dufresne, (Éd.), Dictionnaire de l'Amérique française: francophonie nord-américaine hors Québec, Ottawa, Presses de l'Université d'Ottawa, p. 183-4, 294-5; Francophonies canadiennes, Identités culturelles. 30 mai 2004.

17 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 3, et CRCCF P22/1/1.

18 Marie-Rose Turcot, Au pays des géants et des fées. Contes de folklore canadien, [Préface d'Alphonse de Larochelle. Illustrations de James McIsaac], Ottawa, Le Droit, 1937, 71 p., « Introduction ».

19 Marie-Rose Turcot, « Trois contes populaires canadiens », dans Les Archives de folklore, Montréal, Fides, vol. 1, 1946, p. 153 et « Contes populaires canadiens (deuxième série) », dans Les Archives de folklore, Montréal, Fides, vol. 3, 1948, p. 65.

20 Vivian Labrie, « Au pays des géants et des fées, recueil de contes de Marie-Rose Turcot », dans Maurice Lemire (dir.), en collaboration avec Gilles Dorion, André Gaulin et Alonzo Le Blanc, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, vol. 2, Montréal, Fides, 1980, p. 95-96.

21 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 2.

22 Marie-Rose Turcot, Le Carrousel (contes et nouvelles), Montréal, Beauchemin, 1928, 120 p., p. 15.

23 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 13.

24 CRCCF, P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 2.

25 Ladislas Reymont, The Peasants, New York, A.A. Knopf, 1924-1925.

26 Turcot, op. cit., 1937, « Introduction ».

27 Jean-Pierre Pichette, « La Mise en scène littéraire du conte populaire en Ontario français. Le cas de Marie-Rose Turcot », dans Cahiers Charlevoix 3. Études franco-ontariennes. Sudbury, Société Charlevoix et Prise de Parole, 1998, p. 75-78.

28 Marie-Rose Turcot, « Trois contes populaires canadiens », p. 153-172, et « Contes populaires canadiens (deuxième série) », p. 65-81.

29 Pichette, op. cit., p. 29-31.

30 Archives de folklore de l'Université Laval, fonds Luc-Lacourcière (P178) : Marie-Rose Turcot à Luc Lacourcière, lettre d'Ottawa, non datée, reçue à Québec le 26 octobre 1959, citée par Pichette, op. cit., p. 22.

31 Turcot, op. cit., 1928.

32 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 2.

33 Nicolette Auclair. Roman, Montréal, Louis Carrier & Cie, 1930, 179 p.

34 Marie-Rose Turcot, Stéphane Dugré (contes), Montréal, Beauchemin, 1932, 182 p.

35 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 6.

36 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 6.

37 Marie-Rose Turcot, Un de Jasper. Roman, Montréal, Éditions A. Lévesque, 1933, 168 p.

38 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 6, 8; CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « La Providence qui se lève qques heures... », note manuscrite, p. 2.

39 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

40 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 3; CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

41 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 3.

42 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, 29 sept. 1945, ce qui suit... »; CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Causeries données par Marie-Rose TURCOT aux Émissions ENTRE-NOUS Poste CKCH », note dactylographiée, p. 2.

43 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 5.

44 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 4.

45 Marie-Rose Turcot, Le Maître (récits et poèmes), Hull, Éditions de l'Éclair, 1940, 121 p.

46 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 3.

47 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot Née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

48 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, note dactylographiée, p. 1; « Causeries données par Marie-Rose TURCOT aux Émissions ENTRE-NOUS Poste CKCH », note dactylographiée, p. 1-2.

49 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 3.

50 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée., p. 1; CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 3.

51 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu », p. 11-12.

52 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/1, « Marie-Rose Turcot, Active, 400 rue Cumberland, Ottawa, Ottawa, de Juin '45 à Juin '46... », note dactylographiée, p. 3.

53 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/1/1, « Marie-Rose Turcot née à Laurierville, P.Q., fille de Georges Turcot, M.P., décédé », note dactylographiée, p. 1.

54 CRCCF, Fonds Marie-Rose-Turcot (P 22) P22/2/3, « Simple aveu ».

55 René Dionne, ''Une grande dame marquée par les fées de sa jeunesse'', dans René Dionne, Propos sur la littérature outaouaise et franco-ontarienne, Ottawa, CRCCF, 1978, p. 50.