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Ferme industrielle Burwash

Le dimanche 6 août 2006, à 14 heures, la Fiducie du patrimoine ontarien, le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario et le Burwash Alumni Committee ont dévoilé une plaque provinciale pour commémorer la ferme industrielle Burwash, dans le village de Burwash, durant le pique-nique des anciens élèves de Burwash.

Voici le texte bilingue de la plaque :

FERME INDUSTRIELLE BURWASH

    La Ferme industrielle Burwash fut fondée en 1914. Le principe qui la gouvernait reposait sur le concept révolutionnaire selon lequel les détenus à faibles risques profiteraient de l’exercice et des compétences acquises lors de l’accomplissement de travaux en plein air dans des établissements autonomes. La ferme industrielle Burwash hébergea entre 180 et 820 contrevenants présentant un risque minimum à moyen et condamnés à des peines allant de trois mois à deux ans, moins un jour. Au fil du temps, elle s’agrandit jusqu’à occuper un terrain d’une superficie de 35 000 acres, en tant que propriétaire, et de 101 000 acres, en tant que locataire. Elle incluait trois camps permanents et plusieurs camps temporaires, ainsi qu’une ville destinée à accueillir les familles du personnel pénitentiaire, soit une population de 600 à 1 000 personnes. Les détenus construisirent toute la collectivité et exploitèrent une vaste ferme à vocation mixte, un magasin de confection, ainsi qu’une exploitation forestière prospère. La Ferme industrielle Burwash fut l’un des plus grands établissements correctionnel réformatoires en Ontario, au 20ème siècle. Elle ferma ses portes en 1975 suite à l’adoption de nouvelles pratiques correctionnelles.

BURWASH INDUSTRIAL FARM

    Burwash Industrial Farm was established in 1914 based on the revolutionary premise that low-risk inmates would benefit from the exercise and skills learned while working outdoors at self-supporting institutions. Burwash Industrial Farm accommodated between 180 and 820 minimum and medium security offenders with sentences of three months to two years less a day. Over time, it grew to occupy 35,000 acres owned and 101,000 acres leased, housing three permanent camp sites, several temporary ones, and a town of prison staff families with a population of 600 to 1,000 people. Prison inmates provided labour to build the entire community and ran an extensive mixed farm, a tailor shop, and a prosperous logging operation. Burwash Industrial Farm was one of the largest reform institutions in 20th-century Ontario. It closed in 1975 because of changes in correctional practices.

Historique

Burwash est le nom de la ferme industrielle qui servit à l’Ontario d’établissement correctionnel réformatoire entre 1914 et 1975. C’est également le nom de la ville qui y est associée. Toutes deux sont situées à 40 km au sud de Sudbury, dans les cantons non organisés de Laura, Secord, Servos et Burwash, dans le district de Sudbury. L’établissement ferma ses portes en 1975,1 et en l’espace d’une décennie, la ville disparut.2 Tous les bâtiments furent démolis lorsque le site, d’une superficie de 35 000 acres, devint un terrain d’entraînement du ministère de la Défense nationale, au milieu des années 80.3

La ferme industrielle Burwash fut la plus grande ferme réformatoire de longue durée du système correctionnel de l’Ontario. Au moment de sa fondation, l’établissement reflétait la philosophie pénitentiaire de l’époque, qui considérait l’ancienne pratique de la « construction de prisons [uniques et fortifiées] regroupant toutes les catégories de détenus » comme étant « à la fois chère et sans fondement scientifique ». Au début du 20ème siècle, on préconisait de classer les prisonniers par niveau de sécurité, et on reconnaissait que les prisonniers à faibles risques gagneraient à être actifs et qu’ils avaient rarement besoin d’être confinés.4 En 1907, cette nouvelle approche fut adoptée en Ontario, suite aux recommandations d’un comité nommé pour étudier la question. Selon un compte-rendu datant des années 30 : « Les conclusions de ce comité furent présentées en 1908 et permirent de réaliser les progrès significatifs les plus importants de l’histoire du système pénitentiaire canadien à ce jour ».5 En 1911, l’Ontario ouvrit les portes de sa première prison agricole, à Fort William. Elle était destinée à accueillir les prisonniers du Nord de la province, pour que ceux-ci n’aient pas à être déplacés dans le Sud pour y être incarcérés. D’autres fermes furent inaugurées à Langstaff et Concord, en 1912, puis à Mimico, en 1913. La construction de fermes bien plus vastes fut par la suite entreprise en collaboration avec le collège d’agriculture de Guelph, en 1913, et dans le Nord de l’Ontario, à Burwash, en 1914.6 Avant que Burwash ne puisse ouvrir ses portes, l’Assemblée législative adopta une loi autorisant le lieutenant-gouverneur en conseil à « adopter des règlements permettant d’exploiter une ferme industrielle dans un district judiciaire provisoire et d’y faire régner la discipline ». Ces règlements autorisèrent les détenus à travailler au-delà des limites géographiques de l’établissement, sous surveillance provinciale.7 Lorsque l’Ontario ferma les portes de l’ancienne prison centrale de Toronto, en 1915, tout le monde était persuadé que l’on était sur la bonne voie :

    Les expériences passées ont montré qu’une prison agricole s’avère tout aussi bénéfique pour la collectivité que pour les prisonniers. D’un côté, la ferme se suffit à elle-même et la collectivité n’a pas à subvenir aux besoins des prisonniers. De l’autre, ces derniers sont pratiquement mis en liberté conditionnelle, et se voient confiés un emploi sain et vivifiant, ainsi que des avantages psychologiques. Tout ceci serait impossible à réaliser avec les anciennes méthodes.8

La mission de ces nouvelles fermes industrielles était de faire office de fermes modèles, de développer des techniques agricoles dans leurs zones géographiques respectives, d’approvisionner en nourriture leurs propres établissements correctionnels, et de réduire les dépenses de la province en fournissant aux autres établissements provinciaux un approvisionnement en nourriture supplémentaire.9

À l’origine, Burwash hébergeait entre 200 et 400 prisonniers dont la durée des peines variait entre trois mois et deux ans, moins un jour. Ils travaillaient sans être placés sous la surveillance de gardiens armés, dans un environnement en plein air similaire à celui d’une ferme, persuadés que « lors de leur sortie, fortifiés aussi bien physiquement que mentalement par une nourriture de qualité et un dur labeur, ils verraient la vie sous un autre angle et chercheraient à l’avenir à mieux se comporter ».10 Les premiers prisonniers de Burwash vécurent dans des tentes alors qu’ils travaillaient au défrichage de la vallée, large de 3 milles et longue de 7, qui allait devenir le premier site de l’établissement. Ils creusèrent ensuite une tranchée de drainage et construisirent sept bâtiments afin de créer le premier complexe. « Tout cet ouvrage fut le fruit du travail accompli en milieu carcéral par des hommes qui seraient autrement restés assis derrière des barreaux d’acier ou occupés à des tâches qui, par comparaison, n’auraient pas été productives », pouvait-on lire dans un journal local.11 Tous les prisonniers de Burwash ne semblaient pas aussi enthousiastes — plusieurs d’entre eux préférèrent finir leur peine dans des établissements aux programmes moins exigeants.12

Jusqu’en 1931, le choix des établissements correctionnels provinciaux dans lesquels les prisonniers ontariens étaient envoyés se faisait sur la base de leur origine géographique. Cet état de fait fut appelé à changer entre 1932 et 1934, lorsque des responsables admirent qu’il était préférable de regrouper les détenus en fonction du degré de surveillance qu’ils nécessitaient, « d’une confiance totale à une surveillance constante »,13 et répartirent les détenus en conséquence. En 1934, « les prisonniers les plus dangereux de nos établissements correctionnels réformatoires» furent isolés à Burwash. Ces derniers étaient des « individus qui, visiblement, n’avaient pas répondu au traitement qui leur avait été donné ».14 Cela entraîna la construction de nouveaux blocs de cellules inviolables, qui s’ajoutèrent aux installations récréatives et d’enseignement professionnel dont la construction rentrait également dans le cadre d’une politique ministérielle. Au milieu des années 30, la ferme industrielle Burwash fut agrandie grâce aux travaux accomplis par les prisonniers « placés sous la direction d’ouvriers spécialisés dans divers métiers, et sous la supervision du Provincial Secretary’s Department ».15 En 1939, l’institution hébergeait 720 prisonniers. Elle exploitait également une ferme, une exploitation forestière incluant une scierie, et un magasin de confection qui fournissait les prisonniers en vêtements et les gardiens de prison en chemises. Elle pouvait se targuer de posséder son propre hôpital de 20 lits, sa salle de réunion et son journal, et d’organiser ses propres activités sportives et récréatives. La ferme expérimentale Monteith, située à proximité, en Ontario, avait été annexée pour en faire un site supplémentaire.16

Le plan Ontario, qui rationalisa les établissements correctionnels après la Deuxième Guerre mondiale, insista encore plus sur l’importance de la réadaptation des détenus. Au cours de cette période, les détenus de la plupart des établissements correctionnels de la province furent redéployés, avec à l’esprit des objectifs éducatifs et de réinsertion spécifiques. En revanche, tel ne fut pas le cas de Burwash :

    Dans la ferme industrielle Burwash, le corps carcéral se compose entièrement de récidivistes, la plupart desquels ont un lourd passé criminel. Le pronostic de réadaptation d’un grand nombre de détenus est par conséquent moins prometteur que celui des détenus des autres établissements, plus jeunes et moins avertis.17

En dépit de l’ajout de nouvelles initiatives à vocation éducative à son programme, c’est son autonomie, l’aide apportée par l’établissement en termes d’aménagement de terres provinciales situées dans une zone éloignée et, plus particulièrement, son isolement qui constituaient toujours, aux yeux de l’Ontario, l’attrait principal de Burwash. En 1954, la Ferme industrielle Burwash contenait « le plus vaste établissement correctionnel réformatoire de la province — propriétaire de 35 000 acres et locataire de 101 000 acres ». Il se composait de trois camps permanents séparés les uns des autres et de deux camps temporaires, hébergeant une population carcérale de 784 adultes présentant un risque minimal à moyen.18

Ni le rôle, ni la population carcérale générale de l’établissement ne changèrent entre 1954 et 1974, et ce, même lorsque l’approche que l’on tenait vis à vis de l’incarcération se modifia pour privilégier la liberté conditionnelle, la mise en liberté surveillée et le recours à des établissement plus petits.19 Lorsque sa fermeture fut décidée, en 1974, Burwash était la plus grande ferme industrielle et le deuxième plus grand établissement correctionnel réformatoire du système carcéral de l’Ontario. Cela était cependant loin de constituer un avantage.

    Le ministère considère que le maintien de liens étroits et de contacts réguliers entre le contrevenant et sa famille constitue un facteur essentiel de réadaptation, et que de tels contacts s’avèrent presque impossibles à Burwash. À l’origine, l’établissement avait pour objectif de voir les personnes condamnées dans le Nord de l’Ontario y purger leurs peines. Aujourd’hui, les foyers de 90 % de sa population carcérale se situent dans le Sud de l’Ontario. La majorité des détenus de Burwash ne peuvent par conséquent rendre visite à leurs proches que rarement, s’ils le font, du fait du coût élevé des transports.20

Après la fermeture de l’établissement, la collectivité des membres du personnel qui s’était constituée et qui avait grandi avec elle disparut également. Baptisée à l’origine Burwash, puis Farmlands (1918), Burwash Station (1927), avant d’être rebaptisée Burwash une nouvelle fois (1974),21 la ville s’agrandit de façon notable dans les années 30, 40, et 50, du fait de la construction, par les détenus, de maisons destinées au personnel et de bâtiments publics.22 « Environ 175 maisons se trouvaient sur la propriété, et environ 600 à 1 000 personnes vivaient sur place à tout moment. » Les enfants des membres du personnel de la prison grandirent dans le lotissement urbain : « Nous avons vécu à un endroit où il n’y avait ni pauvre, ni riche, et où il n’existait pas de structure de classe… vous connaissiez tout le monde. Tout le monde connaissait tout le monde ». La ville disposait d’un bureau de poste, d’une église, d’une école, d’un centre récréatif, d’équipes sportives, d’un salon de barbier et d’une épicerie. Un ancien résident se souvient que « la seule chose dont la collectivité ne disposait pas était ... un magasin de vêtements ».23 Une grande solidarité se noua au niveau local, nourrie par l’isolement géographique de la ville. C’est cet esprit, alimenté par les souvenirs d’une vie passée dans un environnement exceptionnel, qui constitue l’héritage durable de Burwash.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier Margaret Carter de ses travaux de recherche sur lesquels repose le présent document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2006


1 « Stop Press », Ontario, ministère des Services correctionnels, Newsletter, Vol. 2 n°4, août 1974, p. 5.

2 Floreen Ellen Carter, Place Names of Ontario (London: Phelps Publishing Company, 1984), p. 171 rapporte que la ville disposa d’une adresse postale jusqu’en 1983.

3 http://groups.msn.com/burwashmemories.

4 Alfred Hopkins, Prisons and Prison Building (New York: Architectural Book Publishing Co. 1930), pp. 7-8.

5 « Report of the Deputy Provincial Secretary », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending March 1934 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1935), document parlementaire n° 18, p. 6.

6 « Report of the Deputy Provincial Secretary », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending March 1934 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1935), document parlementaire n° 18, pp. 7-8.

7 Chapitre 52, « An Act to amend The Industrial Farms Act », 1er mai 1914, Ontario, Statutes of the Province of Ontario [1914] passed in the Fourth Year of the Reign of His Majesty King George V, being the Third Session of the Thirteenth Legislature of Ontario (Toronto : Imprimeur du Roi, 1915), pp. 262-264.

8 « Prison Farm for Sudbury and District », The Sudbury Star, 12 septembre 1914, p. 5.

9 « Ranching has Great Future in District », The Sudbury Star, 17 mars 1917, p. 10.

10 « Burwash Industrial Farm a Wonderful Institution », The Sudbury Star, 20 mars 1915, p. 2.

11 « Burwash Industrial Farm a Wonderful Institution », The Sudbury Star, 20 mars 1915, p. 2.

12 « Burwash Not Popular with Escaped Men », The Sudbury Star, 14 juin 1919, p. 6.

13 « Report of the Deputy Provincial Secretary », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending March 1934 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1935), document parlementaire n° 18, p. 8.

14 « Report of the Deputy Provincial Secretary », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending March 1934 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1935), document parlementaire n° 18, p. 13 et p. 14, respectivement.

15 « Architect’s Report », Ontario, ministère des Travaux publics, Annual Report for the Fiscal Year ending 31st March 1937 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1938), document parlementaire n° 3, p. 13.

16 « Industrial Farm, Burwash », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending March 1939 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1940), pp. 21-22.

17 « Report of the Deputy Minister of Reform Institutions », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending 31st March 1950 (Toronto : Imprimeur du Roi, 1951), document parlementaire n° 8, p. 9.

18 Ontario, Report of the Select Committee Appointed by the Legislative Assembly of the Province of Ontario to Study and Report upon Problems of Delinquent Individuals and Custodial Questions and the Place of Reform Institutions Therein (Toronto : 8 mars 1954), p. 123-126, et Tableau 1, « Movement of Population in Ontario Reformatories and Industrial Farms, » Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for the fiscal year ending 31st March 1953 (Toronto : Imprimeur de la Reine, 1954), document parlementaire n° 8, p. 10. Ce chiffre ne tient pas compte des détenus de la ferme Monteith.

19 « Report of the Deputy Minister », Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report for 1968-69 [intitulé The Ontario Plan in Corrections] (Toronto : Imprimeur de la Reine, 1970), pp. 10-11.

20 « Stop Press », Ontario, Department of Reform Institutions, Newsletter, Vol. 2 n° 4, août 1974, p. 5.

21 Floreen Ellen Carter, Place Names of Ontario (London: Phelps Publishing Company, 1984), p. 171.

22 « Industrial Farm, Burwash, » Ontario, Department of Reform Institutions, Annual Report of Reformatories and Prisons for 1939, document parlementaire 53, p. 21, for 1948, document parlementaire 18, p. 43, et Ontario, Report of the Select Committee Appointed by the Legislative Assembly of the Province of Ontario to Study and Report upon Problems of Delinquent Individuals and Custodial Questions and the Place of Reform Institutions Therein (Toronto : 8 mars 1954), p. 126.

23 Bob Vaillancourt, « Memories of Prison Farm Life », The Sudbury Star, 4 août 2003, tiré de ce site Web.