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La Cornwall Grammar School

Le samedi 1er juillet 2006, à 12 h, la Fiducie du patrimoine ontarien, le Upper Canada District School Board et la Cornwall Collegiate and Vocational School ont dévoilé une plaque provinciale commémorant la Cornwall Grammar School à la Cornwall Collegiate and Vocational School, à Cornwall.

Voici le texte de la plaque bilingue :

LA CORNWALL GRAMMAR SCHOOL

    L’école secondaire polyvalente Cornwall Collegiate and Vocational School a pour origine l’établissement d’enseignement que fonda John Strachan, en 1803. Le révérend Strachan, prêtre anglican, ouvrit, à Cornwall, une école privée à son domicile dans l’espoir d’y former des jeunes hommes qui joueraient par la suite un rôle prépondérant dans la société. En 1806, il construisit une école qui devint, un an plus tard, la Cornwall Grammar School. Elle fut une des premières écoles à bénéficier d’un financement de la province. De nombreux membres de l’élite du Haut-Canada y firent leurs études sous la tutelle respectée et progressiste de l’estimé révérend Strachan. Après son départ pour York (désormais Toronto) en 1812, l’établissement fut dirigé par plusieurs administrateurs. En 1871, dans le cadre de la réforme de l’éducation provinciale, il fut rebaptisé Cornwall High School, et il entama une nouvelle vie comme établissement secondaire moderne. En 1925, il devint un « collegiate » qui encourageait la diversité. On y ajouta l’enseignement de divers métiers à compter de 1938.

CORNWALL GRAMMAR SCHOOL

    Cornwall Collegiate and Vocational School traces its beginning to an educational institution founded by John Strachan in 1803. Strachan, an Anglican priest, opened a private school in his home where he hoped to educate young men to take on leading roles in society. In 1806 he built a schoolhouse that became one of the first provincially funded district grammar schools one year later. Many of Upper Canada’s elite received their education under Strachan’s respected and progressive tutelage. After he left for York (now Toronto) in 1812, various masters ran the Cornwall Grammar School. With provincial educational reform in 1871, it became Cornwall High School and began a new life as a modern secondary institution, becoming a collegiate in 1925, and adding vocational courses in 1938.

Historique

L’école secondaire polyvalente Cornwall Collegiate and Vocational School a pour origine une école privée fondée en 1803 par le révérend John Strachan. Cet établissement a emménagé dans des locaux construits à ces fins en 1806. En 1807, elle est devenue la Cornwall Grammar School lorsque la province du Haut-Canada (désormais l’Ontario) a assuré la supervision et le financement d’une forme précoce d’éducation secondaire. Sous l’égide de M. Strachan, il s’agissait probablement du meilleur établissement de ce type dans la colonie. Elle attirait des élèves des grandes familles du Haut et du Bas-Canada (désormais le Québec). M. Strachan quitta Cornwall en 1812, mais l’école continua de servir la collectivité pendant des décennies. Lorsqu’après la Confédération, la province de l’Ontario promulgua une loi modernisant l’éducation secondaire, en 1871, l’ancienne « grammar school » devint la Cornwall High School et assuma un nouveau rôle dans l’environnement en pleine mutation de la fin du 19e siècle. Au fil des ans, l’école continua de croître et d’évoluer pour tenir compte des besoins de ses élèves, comme c’est toujours le cas de nos jours.

L’école privée de John Strachan, 1803-1807

John Strachan (1778-1867) était un Écossais qui avait fait ses études dans les universités d’Aberdeen et de St. Andrews. Il enseigna dans son pays natal avant d’émigrer au Canada en 1799 pour venir travailler comme précepteur auprès de plusieurs grandes familles de Kingston. En 1803, l’évêque anglican de Québec, Jacob Mountain, nomma M. Strachan diacre et l’envoya à Cornwall pour servir la paroisse. À son arrivée à Cornwall, M. Strachan ouvrit une école privée à son domicile. Un an plus tard, Jacob Mountain l’ordonna prêtre et en 1839 M. Strachan fut consacré premier évêque du nouveau diocèse de Toronto.1

John Strachan se servit de son excellente réputation d’enseignant et des relations qu’il s’était faites à Kingston pour attirer des élèves de grandes familles à Cornwall pour les y éduquer et favoriser le développement d’un esprit de courtoisie et des vertus patriotiques et religieuses qui, selon lui, les prépareraient à assumer des rôles de chef de file dans la société. En 1804, il avait environ 20 élèves, nombre qui passa à 40 en 1808 (ces élèves étaient âgés de sept à 16 ans).2 M. Strachan déménagea son école dans son église, construite à la fin de 1805 et, en 1806, dans un nouveau bâtiment construit à ces fins, à l’angle sud-est des rues Augusta et Second.3

Le curriculum offert par M. Strachan, influencé par son expérience écossaise et adapté aux besoins canadiens, englobait les études classiques, l’histoire, la religion, la géographie, les sciences, l’anglais, l’art oratoire, la tenue des livres et l’arithmétique. Son enseignement mettait surtout l’accent sur les applications pratiques, comme l’inclusion de l’arpentage dans ses cours de mathématiques en témoigne. Il a même publié son propre manuel d’arithmétique de 214 pages, en 1809, pour tenir compte des conditions coloniales.4

Pendant son séjour à Cornwall, M. Strachan se joignit à d’autres personnes pour persuader la province d’accroître le financement de l’éducation. En 1804, il demanda avec succès des fonds pour « l’équipement philosophique » des écoles de la colonie. En 1806, l’Assemblée législative accorda à l’école 400 £ à ces fins et les instruments arrivèrent à Cornwall trois ans plus tard.5 Il est possible qu’il ait payé de sa poche une partie du coût des appareils permettant d’enseigner l’astronomie, la chimie, l’électricité, l’hydrostatique, la mécanique, l’optique, la pneumatique et d’autres matières.6

Plusieurs élèves écrivirent sur leur expérience à l’école de M. Strachan, soit lorsqu’ils étudiaient sous sa tutelle, soit plus tard dans des mémoires et autres écrits.7 L’un d’entre eux était Thomas G. Ridout de York (désormais Toronto) qui nous a fourni cette description en 1807 : « Je suis maintenant le cours d’arpentage et M. Strachan nous confie un travail que nous devons faire chaque soir. Nous avons fabriqué des quadrants en merisier… nous étudions maintenant Euclide, le sixième livre, qui est le dernier livre que M. Strachan enseigne à ses garçons… Nous sommes en train d’étudier pour l’examen… Certains élèves doivent préparer leur propre discours et je compte parmi eux. La question est de savoir si c’est l’histoire générale ou la biographie qui est la plus utile. M. Strachan est maintenant marié depuis près de deux mois [à Ann Wood McGill]; il mène grand train et a trois servantes. C’est un grand ami des pauvres et il dépense son argent aussi vite qu’il le gagne. » (traduction libre)8

La Cornwall Grammar School de M. Strachan, 1807-1812

La province du Haut-Canada a adopté la District Public Schools Act en 1807. Elle représentait une première mesure importante prise par le gouvernement dans le domaine de l’éducation secondaire et accordait 100 £ par année et par district aux directeurs d’école pour qu’ils assurent le fonctionnement d’une « école publique ». Cinq fiduciaires, choisis par le lieutenant-gouverneur, surveillaient la nomination des directeurs et leurs opérations. La loi ne créait pas d’écoles gratuites, car les parents devaient payer des frais de scolarité (cependant, M. Strachan réduisit ses frais annuels de 10 £ ou les supprima même pour un petit nombre d’élèves). Les critiques prétendirent que ces écoles profitaient principalement à l’élite, et en particulier aux familles qui vivaient à proximité. Une autre préoccupation était que ces écoles, qui mettaient l’accent sur les études classiques et préparaient les élèves à suivre des études universitaires ou à exercer des professions, ne répondaient pas à la demande urgente d’écoles publiques de niveau inférieur dans la colonie. De nombreux habitants de la province, qui comptait de nombreuses religions, s’élevaient contre l’affiliation étroite des écoles avec l’Église d’Angleterre. En guise de défense de ces écoles, des personnes prétendirent qu’elles étaient nécessaires pour offrir des études poussées, car les parents décideraient autrement d’envoyer leurs enfants aux États-Unis où, l’on alléguait, les élèves risqueraient d’être corrompus par des idées républicaines, ce qui nuirait à long terme au Haut-Canada.9

En 1812, John Strachan quitta Cornwall pour s'installer dans la capitale provinciale de York, pour devenir directeur de la Home District Grammar School, recteur de la paroisse anglicane et aumônier de la garnison et de l’Assemblée législative.10 Dans le cadre de ce déménagement, il transféra l’école et ses terres de Cornwall aux fiduciaires, car la propriété lui avait été accordée personnellement.11

Durant la guerre de 1812, M. Strachan se distingua par ses efforts inlassables qui furent récompensés par une nomination aux Conseils exécutif et législatif provinciaux. Durant ses années de service au sein du parlement colonial, il favorisa l’avancement de ses causes favorites, et en particulier celui de l’éducation aux paliers primaire, secondaire et postsecondaire. Cependant, les opinions conservatrices de M. Strachan et ses efforts visant à faire de l’Église d’Angleterre la religion d’état dans le Haut-Canada furent source de conflits avec de nombreux citoyens à une époque caractérisée par la réforme et la démocratisation. De nos jours, l’histoire a tendance à condamner son conservatisme plutôt qu’à célébrer ses réalisations dans le domaine de l’éducation et de l’anglicanisme au Canada.12

La Grammar School, 1812-1871

Après John Strachan, une succession de membres du clergé et de laïques dirigèrent la Cornwall Grammar School, le meilleur d’entre eux étant un pasteur presbytérien, le révérend Hugh Urquhart, qui fut directeur de 1827 à 1840.13 L’école perdit une partie de sa réputation avec le départ de M. Strachan et dut relever des défis provenant de l’insuffisance du financement, de l’existence de normes inégales, d’une supervision inadéquate et de la concurrence croissante en raison du phénomène de maturation de la société coloniale et de la création de nouveaux établissements éducatifs. Cependant, le nombre d’élèves continua à se maintenir. En 1827, par exemple, huit filles et 30 garçons fréquentaient l’école.14 Par ailleurs, des personnes qui allaient devenir célèbres dans l’histoire de la province continuaient de la fréquenter. Ce fut le cas de John Sandfield Macdonald, qui dirigea le gouvernement de la province unie du Canada de 1862 à 1864 et qui fut le premier ministre de l’Ontario après la Confédération, de 1867 à 1872.15

En 1854, l'école tomba davantage sous le contrôle local dans le cadre des réformes introduites par le surintendant gouvernemental de l’éducation de l’époque, le pasteur méthodiste, le révérend Egerton Ryerson. En 1856, un nouveau bâtiment en brique de deux salles construit sur le site de l’école actuelle remplaça la structure de M. Strachan datant de 1806. James Coyne, qui enseigna à l’école, relate ainsi son expérience : « J’étais le directeur — et l’ensemble du personnel enseignant… en 1871. Je me souviens qu’il y avait au moins 40 élèves, 25 classes et 25 heures d’enseignement par semaine. Les classes allaient de l’anglais élémentaire au latin, en passant par le grec, le français, Euclide et la tenue des livres. Je ne suis pas sûr, mais elles incluaient aussi l’allemand et la trigonométrie. L’enseignement de toutes ces classes nuisit à ma santé. Je devins très malade à deux reprises et je pris la décision de faire quelque chose de plus facile – et je suis retourné exercer le droit. » (traduction libre)16

L’école moderne secondaire, 1871 — jusqu’à présent

Un changement majeur se produisit avec la promulgation en 1871 de la Act to Improve the Common and Grammar Schools of the Province of Ontario, promue par le gouvernement de John Sandfield Macdonald. Cette loi créa des écoles secondaires modernes et absorba les anciennes « grammar schools » dans le système réformé. Citons parmi les changements radicaux l’admission sur un pied d’égalité d’élèves du sexe féminin et masculin, l’imposition d’examens d’entrée, l’érosion des études classiques et une attention croissante portée à l’anglais, aux langues modernes et aux sciences.17

Quelques années plus tard, en 1877, une nouvelle école de deux étages ouvrit ses portes, compte tenu de la croissance de l’effectif à la Cornwall High School, suivie en 1906 par la première série de travaux d’agrandissement et de rénovations majeures. En 1918, il y avait 240 élèves sous la supervision de neuf enseignants. En 1925, l’école respectait les normes provinciales en termes de qualifications du personnel enseignant et d'installations et devint un « collegiate institute » (école (secondaire) supérieure). Par la suite, avec l’introduction de cours dans des domaines comme la menuiserie et l’économie domestique en 1938, son nom changea pour devenir la Cornwall Collegiate and Vocational School.18 Depuis lors, l’école a continué de jouer un rôle central dans la vie éducative, sociale et culturelle de la collectivité, jusqu’à nos jours.


La Fiducie du patrimoine ontarien exprime sa reconnaissance à Carl Benn pour ses recherches lors de la préparation de cet article.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2006


1 G.M. Craig, biographie de John Strachan, Dictionnaire biographique du Canada en ligne, consulté en novembre 2005.

2 Ibid.; Susan E. Houston et Alison Prentice, Schooling and scholars in 19th-century Ontario (Toronto, 1988), 72-73; et George W. Spragge, « The Cornwall Grammar School under John Strachan, 1803-1812 », Ontario Historical Society Papers and Records 34 (1942), 66.

3 Alexander Caldwell et Mary H. Stewart, « Historical sketch », site Web de la Cornwall Collegiate and Vocational School, consulté en novembre 2005; Spragge, « The Cornwall Grammar School », 64; Lady Matilda Ridout Edgar, éd. Ten years in Upper Canada in peace and war, 1805-1815 (Toronto, 1890), 25; et D.J. Phelps, John Strachan comes to Cornwall (Cornwall, v.1967), 19.

4 Craig, Biographie de Strachan; Spragge, « The Cornwall Grammar School », 68-71; et Houston et Prentice, Schooling and scholars, 72-73. Cf. John Strachan, A letter to the Rev. A.N. Bethune, vice-chancelier de Cobourg, à propos de la gestion des grammar schools (York, 1829); et John Strachan, A concise introduction to practical arithmetic (Montréal, 1809).

5 Houston et Prentice, Schooling and scholars, 24-25; et George W. Spragge, « John Strachan’s contribution to education », Canadian Historical Review 22/2 (1941), 147-48.

6 Spragge, « The Cornwall Grammar School », 66.

7 On peut en trouver certains dans : Edgar, éd. Ten years in Upper Canada; Spragge, « The Cornwall Grammar School »; Alexander Neil Bethune, Memoir of the Right Reverend John Strachan (Toronto, 1870); et The Cornwall tribute: a piece of plate, presented to the Honourable and Venerable John Strachan (York, 1833). M. Strachan a beaucoup écrit sur l’éducation. Cependant, les textes écrits par lui concernant Cornwall figurEnt dans The Cornwall tribute; et John Strachan, A letter to the Rev. A.N. Bethune.

8 Thomas G. Ridout à son père, 16 juin 1807, dans Edgar, éd., Ten years in Upper Canada, 25.

9 Houston et Prentice, Schooling and scholars, 25-27, 44.

10 Craig, Biographie de Strachan.

11 A.H. Young, The mission of Cornwall, Ontario Historical Society Papers and Records 25 (1929), 483.

12 Craig, Biographie de Strachan.

13 Caldwell et Stewart, « Historical sketch ».

14 Rapport sur la « grammar school » et l’école publique en 1827, dans J. George Hodgkin, éd. Documentary history of education in Upper Canada, volume 1 (Toronto, 1894), 227.

15 Caldwell et Stewart, « Historical sketch ».

16 James H. Coyne, 1932, dans ibid.

17 Caldwell et Stewart, « Historical sketch », Houston et Prentice, Schooling and scholars, 329-37; et exposition en ligne des Archives publiques de l’Ontario, « Lessons learned: the evolution of education in Ontario », consultées en novembre 2005.

18 Caldwell et Stewart, « Historical sketch » et Archives publiques de l’Ontario, « Lessons learned ».