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La première communauté noire de Hamilton

Le vendredi 15 février 2008, à 10 heures, la Fiducie du patrimoine ontarien a dévoilé une plaque provinciale au Scottish Rite Club de Hamilton, en Ontario, pour commémorer la première communauté noire de Hamilton.

Voice le texte de cette plaque bilingue :

LA PREMIÉRE COMMUNAUTÉ NOIRE DE HAMILTON

    Au début des années 1800, comme les Afro-Américains cherchaient à s’affranchir de l’esclavage et de l’oppression dont ils étaient victimes aux États-Unis, Hamilton devint une importante destination du chemin de fer clandestin. Dans les années 1830, on trouvait dans la ville deux établissements noirs distincts, un premier établissement appelé la « Petite Afrique », situé sur la montagne Hamilton, près des rues Concession et Upper Wentworth, et un second établissement regroupé autour de l’Église épiscopale méthodiste africaine Saint Paul (1835), rue Cathcart. Les membres de la première communauté noire de la ville s’adonnaient à l’agriculture et exerçaient divers métiers et professions. Le capitaine William Allen dirigea la compagnie africaine Durant la Rébellion de 1837 pour défendre la Couronne ainsi que la liberté des Noirs. Luttant pour l’égalité sociale, Paola Brown mena le mouvement contre la ségrégation scolaire imposée aux enfants noirs au milieu du 19e siècle, mouvement qui aboutit à l’établissement d’une norme en matière d’éducation qui fut en vigueur pendant des décennies. De nombreux autres Noirs ont contribué de façon notable à l’essor de leur ville et ont ouvert la voie à de nouveaux établissements et accomplissements noirs.

THE EARLY BLACK COMMUNITY IN HAMILTON

    During the early 1800s, as African Americans sought freedom from slavery and oppression in the United States, Hamilton became an important terminus on the Underground Railroad. By the 1830s, two distinct enclaves of Black settlement had developed, “Little Africa,” located on Hamilton Mountain in the area of Concession and Upper Wentworth streets, and another neighbourhood around St. Paul’s African Methodist Episcopal Church (1835) on Cathcart Street. Members of the early Black community farmed and worked in a variety of trades and professions. Captain William Allen led the African Company during the Rebellion of 1837 in defence of the Crown and of Black freedom. In pursuit of social equality, Paola Brown led the fight against segregated schooling for Black children during the mid-1800s and set a standard for decades to come. Many others contributed significantly to their city and paved the way for future Black settlement and achievement.

Historique

Cela fait au moins 200 ans que des populations d'origine africaine – y compris des esclaves – résident dans la région de Hamilton.1 L'esclavage existait en Nouvelle France et a continué à exister après la défaite des Français en 1760. Dans les années 1790, des Africains réduits en esclavage vivaient dans la région frontalière de Windsor-Detroit, à Niagara, à York (Toronto) et Ie long du fleuve Saint-Laurent (Kingston et alentours). Un grand nombre d'entre eux ont accompagné leurs propriétaires, des Loyalistes de l'Empire-Uni, qui se sont enfuis après la Révolution américaine (1775-1783). Certains Noirs se sont battus avec les forces britanniques et ont par conséquent regagné leur liberté avant d'arriver dans la province.

Suite à I'adoption dans Ie Haut-Canada de la Loi de 1793 intitulée Act to Prevent the Further Introduction of Slaves, and to Limit the Term of Contracts for Servitude within this Province (loi visant I'abolition progressive de I'esclavage dans Ie Haut-Canada), des Afro-Américains ont commencé à échapper à I'esclavage et à I'oppression aux États-Unis. En vertu de cette Loi, I'introduction de nouveaux esclaves dans la province était interdite, et les enfants nés de mères esclaves étaient décrétés libres à I'âge de 25 ans, tandis que les enfants de leurs enfants I'étaient dès la naissance.2 Situé à 64 km de la frontière américaine, Hamilton est devenu une importante destination du chemin de fer clandestin. Lors des premières décennies du 19e siècle, un grand nombre d'Afro-Américains a émigré dans la région appelée « Head of the Lake » (devenue aujourd'hui la région de Hamilton) en quête de liberté et d'un avenir. Bien qu'un grand nombre d'entre eux ne soit resté que brièvement dans la ville portuaire en pleine expansion, d'autres se sont installés et ont créé une communauté.

L'un des premiers établissements noirs de Hamilton était situé sur la montagne Hamilton. Sur ce site, Ie noyau de ce qui était à I'époque les rues Concession et Upper Wentworth, des familles propriétaires de terrains ont donné ou vendu des parcelles a des Afro-Canadiens qui les squattaient depuis les années 1820 et 1830. Les familles noires ont alors commencé à cultiver ce terrain accidenté, que l'on a par la suite appelé la « Petite Afrique » .3

Dans la partie basse de la ville, un second quartier s'est développé autour de la rue Cathcart. Il s'agissait de I'emplacement de l'Église épiscopale méthodiste africaine Saint Paul, un édifice en rondins construit en 1835 sur la rue Cathcart et déplacé par la suite sur la rue Rebecca. Connue aujourd'hui sous Ie nom de Stewart Memorial Church et située sur la rue John Nord, cette église est devenue Ie centre de la vie civique et religieuse d'un grand nombre de résidents noirs de Hamilton. Une autre église, la Coloured Baptist Church, était située sur la rue MacNab Nord. Elle a été inaugurée à la fin des 1830 par Ie révérend Washington Christian, Ie leader fougueux des Baptistes noirs de l'Ontario.4

Au 19e siècle, la communauté noire de Hamilton se composait d'hommes et de femmes qui travaillaient la terre, qui possédaient des entreprises et qui travaillaient comme cordonniers, plâtriers, menuisiers, forgerons, tailleurs, couturiers, enseignants et cuisiniers. Selon un historien, environ 83 familles noires résidaient à Hamilton en 1861, un quart d'entre elles étant propriétaires de leur domicile.5 Une réévaluation de la population noire – basée sur Ie recensement de 1861– a cependant dénombré 616 personnes dans Ie canton de Barton, dont 476 dans les cinq circonscriptions de la ville de Hamilton proprement dite.6 Un petit nombre de Noirs résidant à Hamilton était riche. Thomas Morton, par exemple, possédait une société de taxis, à savoir quatre chevaux et deux voitures, et conduisait lui-même I'une d'entre elles.7 On a estimé que sa richesse en capital était d'environ 15 000 $.8 Ceci étant, la majorité des citoyens noirs de Hamilton survivaient avec un revenu modeste.

Lorsque Ie parlement britannique a officiellement aboli l'esclavage dans l'Empire britannique en 1834, les Afro-Hamiltoniens ont organisé un événement à I’occasion du jour annuel de I’émancipation, en vue de célébrer I'abolition de I'esclavage. Cet événement a attiré des personnes de St. Catharines, de Niagara, de Brantford, d'Ancaster, de Toronto et de plusieurs localités entre ces villes, Pendant de nombreuses années, le ministre du parlement provincial, Isaac Buchanan, a prêté sa propriété Auchmar, située à Clairmont Park sur la montagne Hamilton, afin qu'elle serve de lieu de célébration.9 Au 19e siècle, outre Ie jour de l’émancipation, la communauté noire de Hamilton participait à des activités religieuses, faisait partie de troupes de danse et de groupes de musique et s'impliquait dans la Prince Hall Grand Lodge of Free and Accepted Masons. La Mount Olive Lodge no 1 de Hamilton fut Ie premier ordre établi en 1851 en Ontario et au cours des années suivantes, C'est également là que Ie Women's Order of the Eastern Star, Esther Chapter no 3, a été créé.10 Une poignée de conférenciers et de porte-parole divertissait et éduquait également Ja collectivité noire. Vers la fin du siècle. Ie « professeur » Charles Augustus Johnson, par exemple, publia un journal mensuel intitulé Ie British Lion. On y trouvait des articles sur une variété de sujets. Johnson a également fréquemment organisé des conférences publiques portant sur des questions scientifiques.11

Un grand nombre d'hommes noirs de Hamilton accomplissaient également leur service militaire. Profondément loyaux envers Ie gouvernement britannique qui leur avait octroyé la liberté, durant la rébellion de 1837, dix-huit hommes noirs de la localité de Hamilton signèrent une « Déclaration de loyauté des hommes de couleur... " (traduction libre) Ie 18 décembre 1837, en vertu de laquelle « il revient à chaque homme loyal en ces temps de crise de venir soutenir Ie gouvernement de Sa majesté la Reine » (traduction libre).12 Ils formèrent une compagnie noire sous les ordres du « capitaine » William Allen, l'une des nombreuses compagnies dans la province qui contribua à réprimer la rébellion de 1837.13 Allen tut fun des deux chefs militaires noirs connus pour avoir commandé une unité miliaire composée de Noirs au Canada lors de ces premières années, I'autre étant Ie révérend Josiah Henson de Dresden, en Ontario.14

La lutte contre la discrimination et le racisme et les appels à l’égalité sociale pour les Afro-Canadiens furent des causes importantes embrassées activement par la communauté noire de Hamilton, tout au long du 19e siècle. En 1837, Paola Brown – la personne en charge de faire raisonner les cloches et crieuse du village de Hamilton – prit la tête d'une marche de protestation contre I'arrestation et I'emprisonnement de Jesse Happy, un esclave en fuite originaire du Kentucky dont les autorités américaines souhaitaient obtenir I'extradition pour avoir volé Ie cheval de son maître pour s'échapper.15 Fort heureusement, Happy tut autorisé à rester au Canada.

L'une des questions les plus importantes du 19e siècle concernait Ie fait que les écoles publiques de nombreuses régions de la province refusaient d'accueillir les enfants afro-canadiens. En 1843, Paola Brown et les « personnes de couleur de Hamilton » écrivirent une lettre au Gouverneur général, Sir Charles Metcalfe, dans laquelle ils expliquèrent que « bien qu'ayant payé nos impôts, aucun effort n'a été entrepris pour mettre fin à ce traitement [discriminatoire] » au sein du système scolaire. La pétition eut un impact important, Le Gouverneur général Metcalfe demanda au surintendant de I'éducation, Ie révérend Robert Murray, de se pencher sur la question. Murray écrivit au président du conseil d'administration de la police de Hamilton, George S. Tiffany, qui I'informa que les parents blancs avaient des « préjugés réels » à I’égard des enfants noirs. Il remarqua cependant que « indépendamment de I’état actuel de I'opinion vis-à-vis de I'admission des enfants de couleur ", Ie conseil d'administration de la police estimait unanimement « qu'il n'était pas conseillé de s'y plier, mais que la loi devait être respectée, sans distinction de couleur ». Les enfants noirs furent par conséquent autorisés à fréquenter les écoles publiques de Hamilton.16

En 1866, les membres de la communauté noire de Hamilton condamnèrent I'utilisation d'images minstrelles dans des publicités locales.17 Le spectacle minstrel était au départ une forme américaine de divertissement constituée de parodies comiques, de numéros de variété, de danse et de musique. Les spectacles étaient interprétés par des Blancs portant un maquillage facial noir ou, en particulier après la guerre de Sécession, par des artistes noirs au visage noir. Les spectacles minstrels raillaient les Noirs et les représentaient de manière irrespectueuse et souvent méprisante. Les populations noires commençant à remporter de plus en plus de victoires juridiques et sociales contre Ie racisme et étant en mesure de revendiquer avec succès un pouvoir politique, les minstrels perdirent de leur popularité.

Les origines de la communauté noire de Hamilton reposent sur Ie phénomène de migration et sur l’expérience collective des esclaves en fuite et des Afro-Américains libres arrivant des États-Unis. Les esclaves affranchis arrivaient souvent en empruntant Ie chemin de fer clandestin. Les luttes, les efforts et les succès – en particulier ceux impliquant une action communautaire et une certaine solidarité entre les premiers Hamiltoniens noirs – ont créé des bases solides qui ont favorisé I’établissement d'autres immigrants noirs dans la ville de Hamilton.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient a remercier Martin Weger, étudiant de deuxième cycle au Département d’histoire de l’Université York, pour les recherches qu’il a effectuées en vue de rédiger cet article. La Fiducie tient a remercier également Adrienne Shadd pour ses recherches.

Cette plaque provinciale a été conçue avec la soutien financier du gouvernement de l’Ontario et du Groupe Financier Banque TD.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2008


1 Richard Butler, Saturday Musings: A Series of Weekly Articles from the Spectator, dealing with the early history of the City of Hamilton, vol. 1, Collections spéciales, Bibliothèque publique de Hamilton. Selon Butler, qui a écrit une chronique pour le Hamilton Spectator au tournant du 20e siècle, les premiers Noirs ayant réside dans la région étaient des esclaves. Selon lui, un esclave nommé Jackson résidait dans la demeure du colonel Henry Beasley en tant que domestique. De plus amples recherches sent cependant nécessaires pour déterminer de manière définitive si des esclaves vivaient effectivement dans la région de Hamilton.

2 Bien que les esclaves résidant déjà dans la province n'aient pas été affranchis de manière catégorique, la Loi conduira graduellement à l'abolition de l'esclavage. Suite à l'adoption de la Loi en 1793, le Haut-Canada est devenu un refuge pour les esclaves fuyant I’Amérique. Environ 30 000 esclaves ont voyagé en direction du nord vers la liberté en empruntant Ie chemin de fer clandestin, jusqu'à l'abolition de l’esclavage en 1865, après la guerre de Sécession.

3 Daniel G. Hill, The Freedom-Seekers: Blacks in Early Canada. Agincourt, Ont: The Book Society of Canada, 1981, 48, 58; « Plaque commémorative de la Petite Afrique, Hamilton, Ontario Reviewer's Package », Ville de Hamilton, Services communautaires, Culture et loisirs, janvier 2007.

4 Daniel G. Hill, The Freedom- Seekers, 145; Donald G. Simpson, Under the North Star: Black Communities in Upper Canada Before Confederation (1867), Trenton, NJ: Africa World Press, 2005, 198. Selon Hill, I’église baptiste a été fondée en 1847. L'estimation de Simpson, qui estime qu'elle a été fondée à la fin des années 1830, est cependant bien plus crédible. Christian était originaire de Virginie, mais après être arrivé au Canada, il résida principalement à Toronto.

5 Michael Katz. The People of Hamilton, Canada West: Family and Class in a Mid Nineteenth Century City. Cambridge, MA: Harvard University Press, 1975.

6 Les cinq circonscriptions étaient St. Andrew, St. George's, St. Lawrence, St. Mary's et St. Patrick's. Michael Wayne, « The Black Population of Canada West on the Eve of the American Civil War: A Reassessment Based on the Manuscript Census of 1861 », Histoire sociale, Vol. XXVIII, no 56 (novembre 1995), 485.

7 William Wells Brown, "The Colored People of Canada", une série d'articles basés sur ses voyages dans I'Ouest du Canada (Ontario) qui a été diffusée dans Ie Pine and Palm pendant l’automne 1861, cite dans Peter Ripley, ed., The Black Abolitionist Papers: Volume II, Canada, 1830-1865. Chapel Hill, ON et Londres, R,-U, : University of North Carolina Press, 1986,464.

8 Reverend W.M. Mitchell, The Under-Ground Railroad, Westport, Conn: Negro Universities Press, (1860/1970, 133.

9 Daniel G. Hill, The Freedom-Seekers, 183.

10 Arlie Robbins, Prince Hall Masonry in Ontario, 1852-1933, North Buxton, ON : Most Worshipful Prince Hall Grand Lodge Free and Accepted Masons of the Province of Ontario and Jurisdiction, 1980, iv, 132.

11 Bibliothèque publique de Hamilton, Collections spéciales; A. Jeffers Toby, éd. Hamilton: a Black Perspective. Hamilton: Afro-Canadian Caribbean Association of Hamilton and District, 1991; Robin Winks, The Blacks in Canada: A History, Montreal : McGill-Queen's University Press, 1971, 398. Selon Winks, aucune copie du journal de Johnson n'a été retrouvée.

12 De la bibliothèque publique de Hamilton, comme cite dans Daniel G. Hill, The Freedom-Seekers, 121.

13 Depuis, les Hamiltoniens noirs ont servi dans les rangs des Forces canadiennes lors de chaque guerre. Ils faisaient partie de I’unité ségréguée, 2e bataillon de construction, Corps expéditionnaire canadien, par exemple, qui a senvi lors de la Première Guerre mondiale. On comptait parmi cette unité : Leslie Young, Ernest Bell, Charles Bryant, Frederick Lewis, Joshua Miller, Samuel Thornton et George Wimbish. (Calvin W. Ruck, The Black Battalion, 1916-1920: Canada's Best Kept Military Secret, Halifax: Nimbus Publishing, 1987, 85-6).

14 Henson (1796-1883) est également reconnu pour ses nombreuses contributions au sein du mouvement abolitionniste et pour ses travaux sur Ie chemin de fer clandestin. II a acquis une renommée mondiale lorsque Harriet Beecher Stowe s'est servie de ses mémoires pour écrire son roman anti-esclavagiste de 1852, La case de l'oncle Tom. C'est Ie vécu de Henson qui a inspiré Mme Stowe lorsqu'elle a créé le personnage de l'oncle Tom dans son cri du cœur de 1852 contre l’esclavagisme. La vie et tes travaux de Henson sont commémorés et interprétés sur Ie site historique de la Case de I'oncle Tom situé à Dresden, en Ontario.

15 Daniel G. Hill, The Freedom-Seekers, 95.

16 Ibid, 150; Sampson, Under the North Star, 200.

17 A. Jeffers Toby, éd., Hamilton: a Black Perspective.