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Les « Flying Frenchmen »

Une série de trois plaques à la mémoire des « Flying Frenchmen » rend hommage à un groupe de trois joueurs originaux des Canadiens de Montréal. Une plaque est apposée dans la ville natale de chaque joueur.

Le 23 juin 2016, la plaque Jean-Baptiste « Jack » Laviolette a été dévoilée par la Fiducie du patrimoine ontarien au Quinte Sports & Wellness Centre de Belleville. La plaque Edouard « Newsy » Lalonde a été dévoilée par la Fiducie au Complexe civique de Cornwall le 21 juillet 2016. Enfin, la plaque commémorative de Didier « Cannonball » Pitre a été dévoilée par la Fiducie à Renfrew le 20 janvier 2017, puis installée de façon permanente au Ma-Te-Way Activity Centre.

La plaque bilingue comporte le texte suivant :

LES « FLYING FRENCHMEN »

    Le hockey professionnel en est à ses balbutiements à l’automne 1909, lorsque les promoteurs en charge de l’Association nationale de hockey, qui laissera place par la suite à la Ligue nationale de hockey, créent l’équipe des Canadiens de Montréal pour attirer des spectateurs canadiens-français. Jean-Baptiste « Jack » Laviolette, né à Belleville, est désigné capitaine-joueur et gérant de l’équipe. Laviolette fait signer l’attaquant Édouard « Newsy » Lalonde, originaire de Cornwall, et recrute son ami Didier « Cannonball » Pitre, membre des Creamery Kings (« Millionnaires ») de Renfrew, pour jouer en défense. Le trio de joueurs francophones forme le noyau dur de l’équipe durant plusieurs saisons et permet aux Canadiens de Montréal de remporter leur première Coupe Stanley en 1916. Leur vitesse et la finesse de leur jeu sont telles que les journalistes sportifs commencent à les appeler les « Flying Frenchmen », définissant un style de jeu caractéristique qui sera perpétué par de nombreuses générations de joueurs de l’équipe. Laviolette prend sa retraite en 1918, Lalonde est échangé avec un joueur des Crescents de Saskatoon en 1922 et Pitre met fin à sa carrière de hockeyeur en 1923. Les trois joueurs sont par la suite intronisés au Temple de la renommée du hockey en raison du rôle qu’ils ont joué dans la création d’une franchise mythique de ce sport.

THE FLYING FRENCHMEN

    Professional hockey was in its infancy in the autumn of 1909 when the promoters behind the National Hockey Association, forerunner of the National Hockey League, created the Montreal Canadiens team to attract French-Canadian spectators. Belleville-born Jean-Baptiste "Jack" Laviolette was hired as the playing-manager and captain. Laviolette signed Cornwall's Édouard "Newsy" Lalonde to play forward and recruited his friend Didier "Cannonball" Pitre from the Renfrew Creamery Kings ('Renfrew Millionaires') as a defenceman. This trio of francophone players formed the nucleus of the roster for several seasons and led the Canadiens to their first Stanley Cup championship in 1916. They played with such speed and finesse that sportswriters began calling them "The Flying Frenchmen," establishing the Canadiens' trademark playing style for generations. Laviolette retired in 1918, the Canadiens traded Lalonde to the Saskatoon Crescents in 1922 and Pitre retired in 1923. All three were later inducted into the Hockey Hall of Fame for their part in establishing a legendary hockey franchise.

Historique

Jean-Baptiste Laviolette (1879-1960), Didier Pitre1 (1883-1934) et Édouard Lalonde (1887-1970) sont des hockeyeurs d’origine canadienne-française du début du 20e siècle. À la base, Laviolette, Pitre et Lalonde sont des athlètes ayant beaucoup voyagé, et ils entament leur carrière au moment où les professionnels prennent le pas sur les amateurs en qualité de meilleurs pratiquants de la discipline.

À l’époque, le hockey professionnel est une activité précaire. Les équipes vont et viennent chaque saison et les ligues ne tiennent rarement longtemps. Les promoteurs recrutent les joueurs pour une seule saison, ces derniers ne pouvant jamais être certains qu’ils joueront toujours d’un hiver à l’autre.

Au fil des six années entre 1903 et 1909, Laviolette joue une saison pour le National de Montréal, trois pour les Indians de Sault Ste. Marie (Michigan) et deux pour les Shamrocks de Montréal. Pitre met ses talents au service du National, des Indians, des Shamrocks, des Silver Kings de Cobalt, des Professionals d’Edmonton et des Creamery Kings de Renfrew. De ces nomades du hockey, Lalonde est celui qui mérite le plus ce qualificatif, puisqu’il lui arrive d’être transféré d’une équipe à une autre en l’espace d’un seul hiver. Pendant ces six saisons, il joue pour des équipes de sa ville natale de Cornwall, de Woodstock, de Sault Ste. Marie (Ontario), de Cobalt, de Portage-la-Prairie (Manitoba), de Toronto, de Haileybury et de Montréal.2

L’automne de 1909 ne charrie guère plus que le degré habituel d’incertitude pour Laviolette, Pitre et Lalonde, comme, au demeurant, pour le reste de la minuscule fraternité des hockeyeurs professionnels. Comme toujours, leur destin et leur fortune se trouvent entre les mains des promoteurs et cet automne-là, les promoteurs de premier plan de Montréal et d’Ottawa entrent dans un conflit majeur. Deux factions se forment. Ne parvenant guère à accorder leurs violons à la faveur des réunions précédant le début de la saison, ils partent chacun de leur côté et créent des ligues concurrentes, l’Association canadienne de hockey (ACH) et l’Association nationale du hockey (ANH), entamant chacune la saison avec cinq équipes.

Cette déplorable tournure des événements déclenche une âpre guerre d’enchères qui fait d’un joueur, Fred « Cyclone » Taylor, l’athlète le mieux payé en Amérique du Nord,3 et en enrichit brièvement plusieurs autres, dont Laviolette, Pitre et Lalonde. Non contente de coûter très cher aux promoteurs en termes de pertes financières, elle contraint l’ACH à se dissoudre à la fin du mois de janvier 1910. L’ANH accueille alors deux équipes de l’association rivale et termine la saison comme ligue à sept équipes.

L’ANH et six de ses sept clubs, les Wanderers de Montréal, les Sénateurs d’Ottawa originels, les Millionnaires de Renfrew, les Silver Kings de Cobalt, les Comets de Haileybury et les Shamrocks de Montréal, finissent tous par s’affaiblir, ployer et disparaître au fil du temps. Cependant, une équipe formée au début de cette saison chaotique et turbulente, le Club de hockey Canadien puis les Canadiens de Montréal, deviendra au cours des décennies suivantes, l’équipe la plus prospère de l’histoire du hockey.

Les promoteurs de l’ANH forment les Canadiens le 4 décembre 1909 à des fins commerciales. À l’époque, Montréal est une ville comptant quelque 465 000 âmes, à deux tiers françaises. Selon le raisonnement des artisans de l’ANH, une équipe représentant la majorité canadienne-française dans la plus grande ville du Canada fera exploser la vente de billets.4

Ils s’empressent ainsi de recruter Laviolette avec un contrat de joueur et gérant des Canadiens, une décision qui s’avère judicieuse. Figurant parmi les plus grands athlètes de son temps, Laviolette est renommé et très admiré dans les cercles sportifs de Montréal. Il porte le prénom de Jean-Baptiste, qui reflète ses origines canadiennes-françaises, mais tout le monde le connait sous le surnom de « Jack », reçu durant sa jeunesse à Belleville, en Ontario, où il est né.

Lorsque sa famille déménage à Valleyfield, petite ville du Sud-Ouest du Québec proche de la frontière ontarienne, le surnom reste et sa carrière sportive débute pour de bon. Laviolette joue à la crosse pendant l’été et au hockey en hiver, mais bien qu’excellant dans les deux disciplines, il est plus connu pour sa prouesse au hockey. Il s’installe à Montréal en 1902, à l’âge de 23 ans. Il est rapidement promu de la ligue commerciale à la ligue senior, puis passe professionnel et complète son revenu en tenant une taverne au centre-ville baptisée « Jack’s Cage ».

En tant que joueur et gérant des Canadiens, Laviolette porte plusieurs casquettes. Il est l’entraîneur, le capitaine sur la glace et le joueur de pointe, un des deux postes défensifs. Au début, toutefois, il lui faut former une équipe de sept joueurs et il commence par recruter Pitre et Lalonde, deux athlètes d’origine canadienne-française aussi talentueux que renommés.

Originaire de Valleyfield, au Québec, Pitre travaille dans l’atelier de réparation automobile de son beau-frère lorsque Laviolette lui envoie un télégramme pour lui proposer un contrat. C’est un homme imposant selon la norme d’alors. Malgré son poids avoisinant habituellement les 90 kilogrammes et les dépassant parfois, il est un patineur véloce et un tireur tellement puissant que les journalistes sportifs comme les partisans le surnomment « Cannonball » (boulet de canon). À l’époque, comme de nos jours, le hockey est un sport rude, souvent violent, mais Pitre n’est jamais homme à donner du coude, à darder ou à tailler un adversaire en pièces. « Beaucoup jouaient avec brutalité », écrira un jour le journaliste sportif Elmer Ferguson dans le Montreal Herald. « Je doute que l’aimable géant français ait jamais eu le moindre geste mauvais ou déloyal de toute sa carrière. » Voici comment le décrira un journaliste canadien-français : « Les partisans appréciaient son caractère vif, sa charmante répartie, son extraordinaire dynamisme et la vitesse phénoménale de ses charges. »

Lalonde, en revanche, compte parmi ces joueurs qui rendent coup pour coup. Un article du Montreal Star publié durant la saison 1909-1910 donne un aperçu éclairant du personnage et de sa querelle au long cours avec Lester Patrick, de Renfrew : « D’un mouvement de sa crosse, Patrick ouvre le crâne de Lalonde qui, aussitôt le meneur de Renfrew de retour en jeu, le cueille d’un vicieux double-échec qui envoie le célèbre rover dans les airs comme un boulet de canon. »5

Lalonde apprend très tôt qu’il lui faut être rude. Natif de Cornwall, il fait un bref stage dans la salle des impressions du Cornwall Freeholder, qui lui vaudra à jamais le sobriquet de « Newsy ». Pendant la saison 1904-1905, alors qu’il a dix-sept ans, il fait ses débuts au sein de l’équipe junior locale, mais rejoint rapidement le club senior de la ville. L’adolescent se retrouve ainsi face à des hommes plus âgés que lui de plusieurs années. Il montre qu’il sait se défendre et pour le restant de sa carrière, ses adversaires y réfléchiront à deux fois avant de se frotter à lui.

Pendant sa première décennie d’existence, Laviolette, Pitre et Lalonde forment le noyau dur de l’équipe des Canadiens. Ils parviennent à gagner le respect et la loyauté des Montréalais francophones, qui les adoptent et dès 1914, se mettent à les appeler l’« équipe des habitants ».6 L’expression fait son chemin dans les journaux de langue française, avant de migrer vers les journaux anglophones, qui commencent à surnommer les Canadiens les « Habitants » puis les « Habs ».

Les trois Canadiens originels forment la ligne d’attaque lorsque l’équipe décroche sa première Coupe Stanley en 1916, l’emportant sur les Rosebuds de Portland appartenant à la Pacific Coast Hockey Association, une ligue professionnelle créée par Lester Patrick et son frère Frank. Établissant le style de jeu caractéristique des Canadiens, un jeu au rythme effréné alliant vitesse et finesse, ils impressionnent les journalistes sportifs anglophones à tel point qu’ils commencent à les appeler les « Flying Frenchmen » (les Français volants).

Lorsqu’ils raccrochent leurs patins, Laviolette, Pitre et Lalonde sont des héros dans le milieu sportif de Montréal et la plus grande partie du Québec, peu importe aux yeux des partisans que deux des membres du trio soient originaires de l’Ontario. En réalité, malgré son ascendance canadienne-française, Lalonde ne parle pas un mot de français, une lacune sur laquelle les Montréalais sont d’autant plus prompts à fermer les yeux qu’il s’agit d’un de leurs marqueurs les plus prolifiques.

Laviolette prend sa retraite après la saison 1917-1918, mais pas par choix. Impliqué dans un grave accident automobile qui le blesse grièvement au pied droit, il doit se faire amputer. Lalonde joue jusqu’à la saison 1921-1922, alors que ses aptitudes se sont érodées. Le club profite de la basse saison pour l’échanger contre un joueur des Sheiks de Saskatoon (appartenant à la Ligue de hockey de l’Ouest canadien), un attaquant de petite taille mais dynamique nommé Aurèle Joliat. Pitre reste jusqu’à la fin de la saison 1922-1923, bien que devenu un remplaçant qui passe le plus clair de son temps sur le banc, n’en conservant pas moins son caractère bon enfant et le respect des partisans. Finalement, des années après avoir déchaussé les patins, Laviolette, Pitre et Lalonde seront intronisés au Temple de la renommée du hockey pour leur rôle central dans la création, avec les Canadiens, de la franchise la plus mythique de la discipline.


La Fiducie du patrimoine ontarien exprime sa reconnaissance à D'Arcy Jenish pour ses recherches lors de la préparation de cet article.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2016


1 Dans certaines mentions à Didier et sa famille, le patronyme est également orthographié « Petrie » et « Pietre ».

2 Site web

3 Taylor rejoint le Renfrew Hockey Club pour la somme présumée de 5 250 dollars pour une saison. Cela en fait l’athlète canadien le mieux payé, gagnant plus d’argent que le premier ministre canadien de l’époque. En raison des salaires élevés qu’ils touchent, les partisans appellent les joueurs les Millionnaires de Renfrew. Il existe une plaque provinciale dédiée aux Millionnaires de Renfrew. Elle se situe à l’entrée du complexe sportif du parc Ma-te-way, à Renfrew.

4 D. Jenish, The Montreal Canadiens: 100 Years of Glory, Toronto, 2008, pp. 7-20.

5 Montreal Star, 20 janvier 1910.

6 La Patrie, février 1914.