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James Baby, 1763-1833

Le mardi 2 octobre 1962, une plaque provinciale destinée à célébrer le souvenir de James Baby a été dévoilée sur les terres de son ancienne demeure (aujourd’hui la maison Duff-Baby), au 221, rue Mill, à Windsor (Ontario). Cette plaque faisait partie d’une série de plaques installées dans toute la province par la Fiducie du patrimoine ontarien (autrefois la Commission des sites archéologiques et historiques de l’Ontario).

La cérémonie de dévoilement a été organisée et parrainée par la Essex County Historical Association, dont le président, M. R. Alan Douglas, était le maître de cérémonie. Parmi les participants, citons le révérend J.F. McCaffrey, S.J., directeur du Sanctuaire des martyrs canadiens de Midland et membre de la Commission des sites archéologiques et historiques de l’Ontario; l’honorable William Murdoch, député provincial d’Essex-Sud et président de l’Assemblée législative; M. Maurice Belanger, député provincial de Windsor—Sandwich; monsieur le maire de Windsor M.J. Patrick; et M. David Botsford, conservateur du parc historique national du Fort-Malden. La plaque a été dévoilée par mademoiselle Jean Beasley, propriétaire de la maison de James Baby.

En 1986, la Fondation du patrimoine ontarien (qui a succédé à la Commission des sites archéologiques et historiques de l’Ontario, actuelle Fiducie du patrimoine ontarien) et le propriétaire actuel de la maison Duff-Baby ont remplacé la plaque initiale par une plaque bilingue révisée, qui porte la mention suivante :

JAMES BABY, 1763-1833

    Premier membre de la communauté française du Haut- Canada à avoir de l'importance dans les milieux gouvernementaux, M. Baby, né à Détroit, alors sous le domination britannique, était le fils d'un commerçant prospère. Après des études à Québec, il retourna dans sa région où il travailla dans le commerce. En 1792, la position influente de sa famille lui valut des nominations à vie aux Conseils exécutif et législatif, les deux organes politiques prédominants du Haut-Canada. Trois ans plus tard, M. Baby quitta Détroit pour la rive sud et, en 1807, emménagea dans cette spacieuse demeure du XVIIIe siècle. Pour ses longs et loyaux services au sein du gouvernement, il obtint, en 1815, le poste d'inspecteur général des comptes publics. Pour remplir ses fonctions, il déménagea à York (Toronto), où il vécut jusqu'à sa mort.

JAMES BABY 1763-1833

    The first member of Upper Canada's French community to gain prominence in government circles, Baby was born in British-controlled Detroit, the son of a well-established trader. He was educated in Quebec and, after returning to this area, entered the mercantile business. In 1792, through his family's influence, he received lifetime appointments to the Executive and Legislative Councils, Upper Canada's pre-eminent political bodies. Three years later Baby moved from Detroit to the south shore and in 1807 took up residence in this commodious 18th-century house. For his long and loyal government service he was granted the post of Inspector General of Public Accounts in 1815. To attend to the duties of this position, Baby moved to York (Toronto), where he lived until his death.

Historique

Jacques Baby (plus connu sous le prénom anglicisé de James, qu'il préférait) est né le 25 août 1763 à Détroit, qui était alors sous domination britannique. Son père, Jacques Baby dit Dupéront, était bien établi en tant que négociant et agent auprès des Indiens. Après la conquête de la Nouvelle-France en 1760, il s’adapte rapidement à la vie sous le régime britannique. Sa loyauté en tant que sujet britannique, notamment pendant le soulèvement de Pontiac de 1763, le porte à l’avant-scène de l’ancienne colonie française. En 1777, Dupéront est nommé capitaine et interprète au service britannique des Affaires indiennes. Deux ans plus tard, il devient commissaire intérimaire. La famille Baby est également bien placé au Québec : le frère de Dupéront, François Baby, y occupe en effet une position influente en tant qu’homme d’affaires, officier de milice, fonctionnaire, homme politique, seigneur et propriétaire foncier. Jeune, James Baby est éduqué au séminaire de Saint-Sulpice de Montréal et au séminaire de Québec. Il termine ses études en 1782. Après un voyage en Europe de plusieurs années, Baby revient à Détroit où il travaille dans les entreprises commerciales de sa famille. Au cours de cette période, il se constitue une fortune considérable.

La division de l’ancienne province du Québec entre le Haut-Canada et le Bas-Canada en 1791, ainsi que la mise en place d’une nouvelle administration civile au sein du Haut-Canada, sont de bon augure pour James Baby. Les représentants du gouvernement décident qu’ils ont besoin d’établir des relations avec un porte-parole issu de la communauté française catholique de la province, c’est-à-dire une personne capable d’assurer la loyauté des Canadiens français. La liste des candidats aux Conseils exécutif et législatif de la nouvelle province, dressée par Sir John Johnson, porte la mise en garde suivante : « il sera recommandé d’ajouter un ou deux Canadiens de Détroit ». En novembre 1791, quatre des cinq membres du Conseil exécutif sont déjà choisis. Le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, préconise de nommer James Baby

    « au premier poste vacant des Conseils exécutif et législatif, car je sais qu’il est la personne la plus convenable de ce district; par conséquent, ce n’est que justice que soit choisi un gentilhomme français d’une loyauté indiscutable ».

Admis en tant que membre du Conseil exécutif du Haut-Canada, James Baby prête serment le 9 juillet 1792. Trois jours plus tard, il devient membre du Conseil législatif.

Premier Canadien français à se hisser dans les milieux gouvernementaux, James Baby se heurte à une certaine opposition à Détroit. En septembre 1792, un commerçant influent, John Askin, prononce une mise en garde contre la désignation de James Baby en tant que lieutenant-colonel de la milice de Détroit : « Plusieurs personnes abandonneraient leurs Commissions... cela provoquerait un mal-être dans le pays ». En fait, James Baby est nommé lieutenant du comté de Kent et devient ainsi membre de la nouvelle aristocratie promue par John Graves Simcoe. En tant que lieutenant de comté, James Baby formule des recommandations sur les désignations de magistrats et d’officiers de milice, et supervise leurs activités. Certains des officiers réguliers de la garnison britannique de Détroit ressentent de l’amertume à l’égard de l’autorité conférée à James Baby, ce qui accroît les tensions ressenties à son égard dans la région.

En 1794, confrontée à des mouvements hostiles à la frontière américaine, l’Assemblée législative adopte un projet de loi visant à placer chaque lieutenant à la tête de la milice de son comté. Les actions de James Baby en tant que colonel du 1st Regiment of Kent semblent parfois aller contre les intérêts de la communauté canadienne, du moins tels qu’elle les perçoit. À titre d’exemple, lorsque le commodore Grant ne parvient pas à trouver des volontaires pour constituer l’équipage des navires de la marine provinciale, James Baby fait appliquer d’anciennes lois canadiennes abrogées, puis détache plusieurs Canadiens français sur des navires du roi en tant que miliciens. Salué par les représentants du gouvernement pour ses actions, James Baby voit sa considération diminuer chez les Canadiens français.

Après le transfert du fort britannique de Détroit aux mains des Américains en vertu du traité de Jay de 1794, James Baby abandonne son entreprise et sa propriété de la région. Dès l’automne 1795, il s’installe à Sandwich (Windsor), nouveau siège du gouvernement du district de l’Ouest. Sa décision de quitter Détroit le place dans une situation financière très difficile. Après la mort d’Alexander McKee, agent auprès des Indiens, il implore Simcoe « d’user de [son] influence afin d’obtenir la vacance » du poste de surintendant général adjoint des Affaires indiennes. James Baby figure parmi les trois personnes nommées, mais se voit retirer la fonction deux mois plus tard.

En juillet 1799, son avenir s’éclaire quelque peu lorsqu’il se voit octroyer une dotation royale de 3 000 acres de terres grâce à sa fonction de membre du Conseil exécutif. En 1802, Baby épouse Elizabeth Abbott, s’installe à Sandwich, fonde un magasin et élève une famille de six enfants. En 1807, il fait l’acquisition de la spacieuse maison à deux étages du marchand et négociant de fourrures écossais Alexander Duff, située rue Russell Est, à hauteur de la rue Mill. La famille Baby vit dans cette maison jusqu’aux environs de l’année 1815.

Outre ses responsabilités aux Conseils exécutif et législatif, James Baby occupe plusieurs autres postes locaux, notamment celui de juge de la Cour des successions, juge de paix et commissaire de district pour l’acquisition de chanvre marchand. Au cours de la guerre de 1812, il est en service actif en tant que lieutenant de comté et colonel de milice.

En 1815, à titre de récompense pour ses années au service du gouvernement, James Baby est nommé inspecteur général des comptes publics pour le Haut-Canada. Il s’installe alors à York (Toronto) où, dans les années qui suivent, il compte parmi ses amis des membres du « Pacte de famille » comme John Strachan, Thomas Clark ou encore John Beverley Robinson.

Figure politique mineure, James Baby reste le symbole du Canadien français loyal, remplissant ses fonctions assidûment et consciencieusement. Au fil des années, il reçoit d’autres titres, notamment en 1822 celui d’arbitre du Haut-Canada sur les litiges douaniers avec le Bas-Canada. James Baby était un fervent catholique : il a agi plusieurs fois en tant que médiateur de l’évêque Alexander Macdonell auprès de l’administration de Maitland et a été le fer de lance du mouvement de construction de l’église Saint-Paul, première église catholique de York.

James Baby meurt à York le 19 février 1833, devenu le plus vieux conseiller législatif et exécutif de la province. John Strachan écrit en hommage à son ami :

    « C’est la mort dans l’âme que nous annonçons au public la perte du membre si estimé et si respecté de cette société que fut l’honorable James Baby. Il était un Chrétien sans malice, affable et poli, courtois de conversation, digne de comportement, chaleureux dans ses affections, régulier dans ses amitiés et inébranlable dans ses principes. L’objet ultime de sa vie était l’utilité et la source de toutes ses actions était religieuse. Un vide immense a été laissé autour de nous et l’un de nos aînés les plus estimables s’en est allé rejoindre ses pères. »

La Fiducie du patrimoine ontarien achète la maison Duff-Baby en 1979. Elle a depuis été restaurée.


© Fiducie du patrimoine ontarien, 1962, 1992, 2011