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Louise de Kiriline Lawrence, 1894-1992

La plaque provinciale commémorant Louise de Kiriline Lawrence a été dévoilée par la Fiducie du patrimoine ontarien et par le Nipissing Naturalists Club le jeudi 18 août 2016 à l’église Sainte-Bernadette à Bonfield, dans le district de Nipissing. Elle a ensuite été installée sur la Halte routière de la baie Pimisi à Bonfield.

Voici le texte de la plaque :

LOUISE DE KIRILINE LAWRENCE, 1894-1992

    Suédoise de naissance, Louise Flach grandit sur la pittoresque côte de la mer Baltique où elle se découvre un intérêt pour la nature. Elle devient infirmière à la Croix-Rouge, servant pendant la Première Guerre mondiale au Danemark, puis aux côtés de son premier mari, Greb de Kiriline, qui décède dans la Russie révolutionnaire. En 1927, elle immigre au Canada, s'installe près de Bonfield (Ontario) et devient infirmière en chef auprès des quintuplées Dionne. En 1935, elle quitte la profession d'infirmière pour étudier la flore et la faune, et notamment les oiseaux, près de sa maison en bois rond située au bord de la baie Pimisi, un peu plus à l'ouest. Elle écrira notamment cinq livres sur la nature, 17 articles scientifiques, plus de 500 recensions et une autobiographie. Ses écrits et ses travaux de recherche sont conservés à Bibliothèque et Archives Canada et au Musée royal de l'Ontario. Écologiste de la première heure et ornithologue de renommée internationale, Louise de Kiriline Lawrence a été reconnue par l'American Audubon Society, la Société des ornithologistes du Canada, l'American Ornithologists' Union et l'Université Laurentienne. Elle est la première Canadienne à avoir reçu la médaille John Burroughs, en 1969.

Historique

Louise Vendela Augusta Jana de Kiriline Lawrence (née Flach) naît dans une famille de l’aristocratie suédoise le 27 avril 1894. Son père, naturaliste, lui inculque un intérêt pour le monde naturel. Elle commence ainsi dès son enfance à observer les oiseaux sur la côte de la mer Baltique, où elle réside. Son père l’encourage également à se montrer « robuste et intrépide ». Présentée à la société royale suédoise, elle écrit s’être : « détournée de l’opulence…avide de quelque chose que je ne parvenais pas encore à déterminer ou à nommer, une occasion de ressentir la passion, d’exploiter mon énergie et mon courage sans retenue.1 » (traduction libre) À 17 ans, elle intègre une école de soins infirmiers de la Croix-Rouge et, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, elle sert dans un camp d’échange de prisonniers de guerre en territoire neutre, au Danemark. Elle y rencontre un officier russe, Greb de Kirilin, qu’elle épouse en 1918. Elle le suit en tant qu’infirmière de guerre lorsqu’il rentre en Russie pour servir en tant qu’officier de liaison entre l’Armée blanche russe et le Corps expéditionnaire britannique. Avec le triomphe de la révolution, de Kiriline est emprisonné et le couple est séparé. Dans une quête rappelant le roman Le Docteur Jivago, Louise travaille en tant qu’infirmière dans un hôpital pour enfants et auprès de la mission de secours suédoise de Nansen, tout en recherchant sans relâche son époux. Elle rentre en Suède sans être parvenue à le retrouver, et apprend plus tard qu’il a été tué lors de la révolution.

Louise émigre au Canada en 1927, « non pour soigner mon cœur brisé, mais en réponse à un besoin nouveau et irrépressible de laisser derrière moi les fragments d’un épisode révolu. Parmi tous les pays, j’ai choisi le Canada, car je savais qu’il offrait les terres vierges, l’espace fertile et le vent nouveau qui favorisent la croissance spontanée.2 » (traduction libre) Elle devient infirmière de la Croix-Rouge dans la collectivité de Bonfield dans le Nord de l’Ontario. Ses compétences linguistiques — elle parle couramment suédois, danois, russe, français et anglais — lui sont très utiles pour évoluer au sein de cet environnement fondé sur des ressources multiculturelles. Elle acquiert vite une certaine notoriété grâce à ses compétences en matière de soins infirmiers, à son allure aristocratique, et à son habitude de faire ses tournées de soins à bord d’un traîneau à chiens en hiver.3

Lorsque les célèbres quintuplées Dionne voient le jour dans les environs de Callander en 1934, le Dr Allan Roy Dafoe lui demande de devenir leur infirmière en chef, et elle aide les enfants à survivre au cours de leur première année de vie. Elle se voit décerner la Médaille du Jubilé du roi Georges V pour son travail, mais cesse d’exercer la profession d’infirmière en 1935. Peu après, elle écrit The Quintuplets’ First Year, qui relate son expérience, et cette première incursion dans le monde de l’écriture donne lieu à une série d’articles sur les quintuplées Dionne dans le magazine Châtelaine.4

En 1939, elle épouse Leonard (Len) Lawrence et ils s’installent sur un petit terrain à la limite de la baie Pimisi, sur la rivière Mattawa à mi-chemin entre North Bay et Mattawa. Dans le « nid de bois » qu’ils se construisent, elle reprend l’étude de la nature et, encouragé par Percy A. Taverner, le premier ornithologue au Musée canadien de la nature à Ottawa, ainsi que par d’autres personnes, elle commence à baguer les oiseaux dans les environs et à parfaire ses compétences en matière d’observation et de description. Elle se met sans tarder à écrire des rapports et des articles, dont certains sont publiés par la Société nationale américaine Audubon; elle devient ainsi au fil du temps leur contributrice la plus prolifique.

En 1945, elle publie son premier ouvrage sur la faune et la flore, intitulé The Loghouse Nest, dans lequel elle décrit la faune et la flore autour de son habitation, en accordant une attention particulière aux oiseaux. Sa principale étude scientifique, A Comparative Study of Four Species of Woodpeckers, est publiée par l’American Ornithologists’ Union en 1967. Elle est issue de l’observation détaillée, et de dessins et de descriptions inclus « de la territorialité, des mouvements, des communications, de l’accouplement, des comportements sexuels et rituels, de la reproduction et de la nidification chez les pics buveurs de sève, les pics chevelus et les pics mineurs » qui vivent et nichent à proximité de sa maison en bois.5 Deux ans plus tard, elle écrit The Lovely and the Wild. Pour cette étude, elle est distinguée par la John Burroughs Association aux États-unis, la plaçant aux rangs d’auteurs spécialistes de la nature tels que Rachel Carson et Ernest Thompson Seton. Elle se voit également décerner le prix Sir Charles G.D. Robertson en 1969 par la Canadian Authors Association.

En 1976, Louise de Kiriline Lawrence publie Mar: A Glimpse into the Life of a Bird, un ouvrage pour lequel elle observe et décrit méticuleusement la vie d’un unique pic maculé. L’année suivante, elle écrit l’ouvrage autobiographique Another Winter, Another Spring: A Love Remembered dans lequel elle relate ses premières expériences en Suède en tant que jeune mondaine promise à une vie aisée de privilégiée, au Danemark en tant qu’infirmière en temps de guerre, puis en Russie en tant que fugitive poursuivie par l’Armée rouge et en tant qu’infirmière à la recherche de son mari disparu, tout cela avant même d’atteindre 35 ans. En 1980, elle écrit To Whom the Wilderness Speaks au sujet des cerfs, des écureuils et des oiseaux qui peuplent les environs de son « nid de bois ». Cette étude lui vaut de recevoir le prix Francis H. Kortright Outdoor Writing du Canadian National Sportsmen’s Fund.

Louise de Kiriline Lawrence a écrit plus de 500 analyses, 17 articles scientifiques et cinq ouvrages sur la faune et la flore, ainsi qu’un ouvrage sur son expérience en tant qu’infirmière auprès des quintuplées Dionne, et une autobiographie. Ses ouvrages sont encore imprimés aujourd’hui. Elle a même décrit 22 197 cris différents d’un viréo aux yeux rouges en une seule journée de 14 heures. Elle a été élue membre de l’American Ornithologists’ Union. Elle a reçu un doctorat honorifique ès lettres de l’Université Laurentienne en 1970, et une bourse d’études de cette université porte son nom. En 1990, son ami et confrère naturaliste, le Dr Robert Nero écrit Woman by the Shore en son honneur.6 Peu après, elle se voit décerner le prix Doris Huesti s Speirs pour ses contributions à l’ornithologie au Canada par la Société des ornithologistes du Canada.7

Louise de Kiriline Lawrence est une femme extraordinaire qui a vécu une vie hors du commun. On pourrait presque dire « des vies » car il y a eu Louise Flach, l’aristocrate privilégiée qui a choisi une carrière d’infirmière et a servi au cours de la Première Guerre mondiale; Louise de Kiriline qui a exercé en tant qu’infirmière dans la Russie révolutionnaire et dans le « Nord proche » de l’Ontario, et a également aidé les quintuplées Dionne à survivre à leur prime enfance; et enfin Louise de Kiriline Lawrence, l’observatrice de la nature autodidacte qui a décrit les oiseaux présents aux alentours de sa cabane isolée, et qui est devenue une naturaliste de renommée internationale. En 1989, des amis qui lui rendent visite trouvent Louise, âgée de 95 ans, en pleine observation de ses oiseaux bien-aimés, « pieds nus, parée de boucles d’oreilles pendantes ornées de saphir, l’image même de la recluse aristocratique. » (traduction libre)

Sa vie et son œuvre sont mises à l’honneur aujourd’hui de diverses manières. Elle est reconnue comme l’une des citoyennes célèbres de Callander, en Ontario, et North Bay accueille chaque année un festival de la nature Louise de Kiriline Lawrence, organisé par le Nipissing Naturalists Club.8 Elle a fait don de ses notes d’observation, de ses dessins et de nombreuses pièces de correspondance à Bibliothèque et Archives Canada à Ottawa, où ces documents sont conservés de façon permanente pour les générations actuelles et futures de naturalistes et d’autres chercheurs. Le Musée royal de l’Ontario à Toronto détient également une collection de ses documents. De nombreux jeunes chercheurs, en particulier des jeunes femmes, sont fascinés par les expériences de Louise, par sa ténacité et par le mélange des époques et des cultures qui la caractérise. Ils se plongent dans ses notes d’observation conservées afin d’atteindre leurs propres objectifs de recherche, et publient leur travail sur Internet, rendant ainsi un juste hommage à une personne exceptionnelle qui a choisi d’élire domicile au Canada.9


La Fiducie du patrimoine ontarien remercie Robert J. Burns pour ses travaux qui ont servi à l’élaboration du présent document.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2016


1 Louise de Kiriline Lawrence, Another Winter, Another Spring: A Love Remembered, Toronto : Natural Heritage Books, 1989, p. 29.

2 Louise de Kiriline, « Why did you come to Canada? », Châtelaine, octobre 1937, p. 53.

3 Doug Mackey, « Remembering the Late, Great Lady: Louise de Kiriline Lawrence », Heritage Perspectives, Past Forward Heritage Limited, consulté en avril 2016.

4 Bibliothèque et Archives Canada, « Louise de Kiriline Lawrence fonds », repère 1742 pour le groupement d’enregistrement MG 31, J 18, documents textuels de Louise de Kiriline Lawrence.

5 Texte soumis pour une plaque commémorative en l’honneur des réalisations de Louise de Kiriline Lawrence, préparé par le Nipissing Naturalists Club pour la Fiducie du patrimoine ontarien.

6 Robert W. Nero, Woman by the Shore and other poems: a tribute to Louise de Kiriline Lawrence, Toronto : Natural Heritage Books, 1990, p. 3.

7 Site Web de la Société des ornithologistes du Canada, consulté en avril 2016.

8 « Famous Citizens », site Web de la municipalité de Callander (Ontario); « 2015 Festival a Success!! »; « Honouring Louise », Nipissing Naturalists Club.

9 Kirsten Greer et Sonje Bols, toutes deux à l’Université Nipissing, ont présenté l’article « ‘She of the Loghouse Nest’: Louise de Kiriline Lawrence (1894-1992), birds, and fieldwork in Ontario’s ‘Near North’ », International Conference of Historical Geographers 2015, Amy C. Wallace, candidate au doctorat en histoire de l’art à l’Université de Toronto, a récemment publié en ligne « Barefoot in Sapphires: Painting Louise de Kiriline Lawrence », un essai qui met en avant l’influence remarquable que Louise de Kiriline Lawrence, sa vie et son œuvre continuent à exercer, Bon à Tirer: The Western [University] Undergraduate Journal of Art History and Visual Culture, consulté en avril 2016.