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L’Ontario Paper Company Ltd.

La plaque provinciale de l’Ontario Paper Company a été dévoilée par la Fiducie du patrimoine ontarien et par la Ontario Paper Thorold Foundation le jeudi 5 septembre 2013. Elle a ensuite été installée au Thorold Tourism Centre, près du Welland Canal Trail.

Voici le texte de la plaque :

ONTARIO PAPER COMPANY LTD.

    En 1912, l'Ontario Paper Company est constituée en société en tant que filiale du journal Chicago Tribune, sous l'égide de l'éditeur Robert McCormick. Une usine de papier est construite au sud, sur les rives du canal Welland. Le 5 septembre 1913, la machine à papier no 1 commence à produire du papier journal pour le Tribune. Comme il n'y a pas assez de bois d'œuvre dans le Sud de l'Ontario, le bois à pâte y est expédié par voie navigable en provenance du nord du lac Supérieur et de la Côte-Nord du Québec. Conçue et gérée par l'ingénieur Warren Curtis Jr., cette usine novatrice de pâtes et papiers utilise l'hydroélectricité des chutes Niagara. Certains de ses premiers employés forment la section locale 101 de l'International Brotherhood of Paper Makers, le premier syndicat de papetiers au Canada. En 1980, la société construit une nouvelle usine à Thorold. En 1996, la société est vendue. L'Ontario Paper Company Ltd. est une société qui a les intérêts de ses employés et de la communauté à cœur. C'est également un chef de file dans le domaine technologique. Elle innove en adoptant des méthodes opérationnelles modernes, notamment la fabrication de sous-produits chimiques valorisables.

Historique

Introduction

L’Ontario Paper Company est constituée en société en 1912 comme filiale du journal Chicago Tribune pour répondre exclusivement à ses besoins en papier journal.1 Le Tribune est fondé en 1847 par un groupe d’entrepreneurs qui compte Joseph Medill. En 1910, deux petits-fils de Medill, Robert R. McCormick et Joseph M. Patterson, se joignent à l’entreprise familiale lorsqu’ils apprennent que ses directeurs prévoient vendre le papier.2 Pour revitaliser le Tribune, McCormick a convaincu son conseil d’administration d’affecter 1 000 000 $ à la construction d’une nouvelle usine de papier journal qui assurerait une source fiable d’approvisionnement en papier pour le Chicago Tribune.

L’usine de Thorold

Robert McCormick et l'ingénieur en papetière Warren Curtis Jr. ont visité plusieurs sites potentiels avant que McCormick ne choisisse Thorold, en Ontario. Cet emplacement présentait un certain nombre d'avantages. Il était situé sur les rives du canal Welland et à seulement 10 milles de la source d'énergie hydroélectrique des chutes du Niagara. Il était également relié à Chicago par les voies ferrées à proximité. En outre, la région abritait un certain nombre d'usines de papier de différents types datant des années 1860 et 1870 qui pouvaient fournir à la nouvelle entreprise une main-d'œuvre qualifiée.3 Ce qui manquait à Thorold, c'était du bois à pâte, la matière première nécessaire pour alimenter l'usine. À une époque où les usines produisaient de la pâte de bois, soit du papier, Curtis a convaincu McCormick d'ériger une usine mixte de pâte de bois et de papier journal. De nombreux membres de l'industrie ont jugé cette entreprise risquée et c'était en effet la première usine mixte de ce type à fonctionner au Canada. Cela signifiait également que le bois de sciage à pâte devrait être apporté à Thorold depuis des concessions forestières éloignées.4

Les premières années

Le bois à pâte était broyé mécaniquement dans la nouvelle usine à l'aide de 24 broyeurs à bois que Curtis a décidé de faire fonctionner à l’énergie électrique, plutôt qu’à l’énergie hydraulique commune à l'époque. Il s'agissait également d'une innovation incertaine, mais finalement couronnée de succès. Il a importé de Suède deux moteurs électriques spéciaux de 2 800 chevaux-puissance qui pouvaient absorber directement les 12 000 volts d'électricité provenant des générateurs de la Niagara Falls Power Company. Cela signifiait que des transformateurs abaisseurs étaient inutiles pour réduire la puissance disponible et la tension requise par des machines plus normalisées.5 L'usine utilisait du sulfite pour dissoudre ou décomposer la lignine (le polymère naturel du bois qui le rend rigide) qui maintenait le bois ensemble. Le processus a abouti à des fibres de bois plus longues, et donc plus résistantes, pour la fabrication du papier, que celles qui pourraient être obtenues à partir d'un processus de mise en pâte strictement mécanique. La technique au sulfite était plus coûteuse, donc au départ l'usine a acheté de petites quantités de pâte chimique à mélanger avec la pâte broyée mécaniquement pour donner au papier la résistance requise. En 1917, Curtis établit un lessiveur à sulfite pour rendre l'usine plus autonome.6

À l'origine, deux machines à papier ont été achetées auprès des fabricants américains de machines à papier, Pusey et Jones Corporation. Chaque machine mesurait 202 pouces de large, les plus grandes au Canada à l'époque. L'usine de Thorold produit son premier papier journal le 5 septembre 1913.7 L'année suivante, l'usine produit 31 707 tonnes de papier journal, soit la quasi-totalité des besoins annuels du Tribune. En 1919 et avec deux autres machines en service, la production annuelle de l'usine atteint 63 985 tonnes. En 1921, une cinquième machine est ajoutée et la production annuelle passe à 81 140 tonnes.8 Bien que le bois à pâte arrivât à l'usine par voie maritime, la majeure partie du papier journal fini était expédiée à Chicago par train au cours des premières années d'exploitation. Lorsque les frais ferroviaires ont augmenté à la fin des années 1920, McCormick a investi dans des navires spécialement conçus pour transporter du papier journal et est passé au transport maritime. Les réseaux ferroviaires et hydrauliques ont été utilisés au cours de la seconde moitié du 20e siècle.

L’Ontario Transportation and Pulp Company

McCormick s'est tourné vers le gouvernement de l'Ontario, sans succès, comme source de bois à pâte. Il s’est ensuite adressé au Québec où l'usine a d'abord obtenu son bois de l'île d'Anticosti, puis à compter de 1915, à partir de ses propres concessions forestières louées sur la Côte-Nord escarpée du Bas-Saint-Laurent. Plutôt que de dépendre du transport maritime commercial, McCormick a constitué en société l'Ontario Pulp and Transportation Company en 1914 pour louer ou acheter des navires de transport du bois à Thorold, un autre exemple d'entreprise autonome et verticalement intégrée qu'il a créée. Ultérieurement renommée Quebec and Ontario Transportation Company, la société s’est finalement développée jusqu’à exploiter 17 navires avant de fermer ses portes en 1984.9 Ses navires ont fourni du bois à pâte à l'usine de Thorold et du papier journal au Tribune et, à partir de 1919, au New York News nouvellement créé.

L’établissement de Baie-Comeau

Au milieu des années 1930, et malgré la Grande Dépression qui réfrénait la croissance des affaires, McCormick espérait un avenir meilleur et était déterminé à ériger une nouvelle usine de pâtes et papiers à la fine pointe de la technologie sur les concessions forestières de la Côte-Nord de la société. À cette époque, le Chicago Tribune et le New York Daily News avaient besoin de près du double du papier journal que ce que l'usine de Thorold pouvait produire, ce qui a également influencé sa décision. Les travaux ont commencé en 1936 et l'usine était opérationnelle en 1938. L'effort comprenait également la création d'une collectivité pour les travailleurs de l'usine et leurs familles. Baie-Comeau a été fondée en tant que ville en mai 1937. Le journaliste Carl Wiegman a en effet souligné l'ampleur de cet effort :

    Tout au long de 1935, le personnel de la société à Thorold a travaillé à plein régime pour édifier les plans des bâtiments du moulin, la ville, la voie ferrée menant au quai, l'approvisionnement en eau, la centrale électrique de la rivière aux Outardes, la ligne de transport d'électricité, les soixante-douze milles de route, les améliorations de la rivière pour les opérations forestières et les quatorze milles de canaux pour transporter le bois à pâte à l'usine. En même temps, des spécifications devaient être établies pour tous les équipements - les machines à papier, l’usine à bois moulu, les lessiveurs au sulfite, l’usine à vapeur et d'autres machineries. Au total, huit cents éléments majeurs devaient être planifiés dans le cadre des programmes de conception, d'achat, de transport et de construction.10

L’innovation au fil des ans

Dès ses débuts, l’Ontario Paper Company a expérimenté des innovations et de nouvelles techniques. La décision de combiner la production de pâte de bois et de papier journal dans une seule usine mixte était peut-être le premier pari de ce type, ainsi que l'utilisation de l'hydroélectricité plutôt que de l'énergie hydraulique pour faire fonctionner ses défibreurs. Au fil du temps, l'entreprise a amélioré sa production de pâte à base de produits chimiques ou de sulfite, ce qui a assuré la création d’un papier journal de haute qualité. La société a joué un rôle important dans les activités de la section technique de l’Association canadienne des pâtes et papiers pendant la crise, deux de ses chimistes occupant le poste de président de section.11 Au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle a développé la production commerciale d'alcool à partir de déchets destinés à la fabrication de caoutchouc synthétique. Après la guerre, elle a mis au point une technique pour produire de la vanilline, un produit utilisé dans un certain nombre de processus industriels, à partir des déchets de sulfite de l'usine.12 Au fil des années, un effort soutenu a également permis d’améliorer la rapidité et la productivité des machines de fabrication du papier de l'entreprise.

Données importantes sur la croissance de l’Ontario Paper Company

Robert R. McCormick (1880-1955) a été la force motrice du Chicago Tribune et de l'Ontario Paper Company de 1910 jusqu'à sa mort en 1955.13 Homme aux nombreuses contradictions et personnage plus grand que nature, McCormick était particulièrement attiré par les grands projets d'ingénierie et aimait relever les défis soulevés d'abord par l'usine de Thorold, puis par ceux inhérents à la création d'une grandiose usine de papier et d'une ville entièrement développée sur la Côte-Nord du Québec, isolée et escarpée. Il a maintenu un contrôle fort de ses entreprises, mais il avait aussi une remarquable capacité à reconnaître le talent de ses subordonnés et à leur déléguer des pouvoirs.

Warren Curtis Jr. (décédé en 1930) était un propriétaire et concepteur talentueux d’usine de papier qui, sous la direction de McCormick, a construit l'usine de l’Ontario Paper Company à Thorold. Il a été nommé président de l'entreprise en 1913 et en a dirigé le développement jusqu'à sa mort en 1930. De nombreuses innovations et nouvelles techniques employées à l'usine de Thorold étaient directement attribuables à sa vision et à son expertise.

Arthur A. Schmon (décédé en 1964) était l'adjudant de McCormick pendant la Première Guerre mondiale et a rejoint l'organisation du Chicago Tribune en 1919 en tant que directeur des opérations liées au bois à pâte sur la Côte-Nord. À la mort de Curtis en 1930, McCormick confie à Schmon la responsabilité de l'usine de Thorold et des opérations au Québec. Il modernise celles-ci et dirige l'établissement de l'usine et de la ville de Baie-Comeau. Arthur Schmon a également contribué à la création de l'université Brock, en siégeant à son comité fondateur. À sa mort en 1964, son fils Robert M. Schmon lui succède à la présidence de l'Ontario Paper Company et de la Quebec North Shore Paper Company.

Faits récents

L'usine d'origine de Thorold a poursuivi sa production jusqu'en 1982, date à laquelle une nouvelle installation, amorcée en 1980, est entrée en service. Dans les années 1990, l'industrie canadienne du papier a subi une série de fusions, notamment en 1997, la fusion d'Abitibi-Price et de Stone-Consolidated pour former Abitibi-Consolidated, dans laquelle l’Ontario Paper Company Ltd. a été absorbée. L'entreprise est devenue AbitibiBowater à la suite d'une autre fusion en 2007 et est maintenant connue sous le nom de Produits forestiers Résolu. En 2007, les 395 employés de l’usine produisaient 420 000 tonnes de papier journal par an.14 En 2013, l'usine de Thorold continue de produire du papier journal pour divers journaux au Canada et aux États-Unis.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à exprimer sa gratitude à Robert J. Burns pour le travail de recherche effectué dans le cadre de la rédaction de cet article.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2013


1 Carl Wiegman, Trees to News: a Chronicle of the Ontario Paper Company’s Origin and Development (McClelland & Stewart Limited: Toronto, 1953), p. 10-15; ci-après Wiegman, Trees to News.

2 Richard Norton Smith, The Colonel: the Life and Legend of Robert R. McCormick, 1880-1955 (Houghton Mifflin Company: Boston, 1997), p. 126-30; ci-après Smith, The Colonel.

3 Wiegman, Trees to News, p. 15-22.

4 Les concessions forestières étaient des portions de terres publiques boisées, généralement de grandes zones que les gouvernements provinciaux louaient aux exploitants forestiers. Les bûcherons payaient un certain montant pour louer chaque concession et un droit de coupe pour ce qu'ils abattaient. Ils avaient ensuite un accès exclusif aux ressources forestières de la zone définie. Ils pouvaient apporter des améliorations telles que la construction de routes d'exploitation, de glissières et de barrages pour aider à sortir le bois coupé du sous-bois. Ils n'avaient pas d'autres droits sur la terre comme les ressources minérales ou les droits d’établissement.

5 Wiegman, Trees to News, p. 16.

6 Wiegman, Trees to News, p. 41. « Dans le processus de fabrication au sulfite de la pâte, les copeaux de bois sont cuits à hautes température et pression dans une liqueur acide dérivée d'une combinaison chimique de soufre, de calcaire et d'eau. Cette cuisson se fait dans un lessiveur, un cylindre d'environ 15 pieds de diamètre et 48 pieds de hauteur en tôle d'acier épaisse, doublé à l'intérieur de briques de porcelaine. Les copeaux, préparés par une machine à couteaux rotatifs à grande vitesse, sont déposés dans le haut du lessiveur. Le lessiveur est ensuite fermé et de l’acide de cuisson chaud est pompé tandis que de la vapeur est injectée pour élever la température à 300-325 degrés et la pression est réglée à 70 livres par pouce carré. Cuits pendant environ sept heures, les matériaux de liaison dans le bois sont dissous, laissant les fibres de bois longues et résistantes intactes. Ces fibres sont la pâte au sulfite. Les matières dissoutes sont égouttées et la pâte est lavée, puis stockée dans des réservoirs en attendant d'être mélangée avec du bois de défibrage. »

7 Wiegman, Trees to News, p. 19.

8 Wiegman, Trees to News, p. 351.

9 Al Sypes and Skip Gillham, Pulp and Paper Fleet: a History of the Quebec and Ontario Transportation Company (Stonehouse Publications: St. Catharines, ON, 1988), p. 19-21.

10 Wiegman, Trees to News, p. 162.

11 Wiegman, Trees to News, p. 137.

12 Wiegman, Trees to News, p. 312-15.

13 Smith, The Colonel, p. 40.

14 Zsolt Patakfalvi, “Papermaking at Abitibi-Consolidated’s Thorold Division,” Pulp and Paper Canada.