Menu

L'école en brique rouge

Le samedi 16 septembre 2006 à 15 h, la Fiducie du patrimoine ontarien et l’Elgin and Area Heritage Society ont dévoilé une plaque provinciale commémorant l’école en brique rouge d’Elgin, en Ontario.

Voici le texte bilingue de la plaque :

L'ÉCOLE EN BRIQUE ROUGE

    Cette charmante école en brique, de deux salles, qui a ouvert ses portes en 1887, a été construite par l’entrepreneur local, Fred Taber. Elle remplaçait un plus petit bâtiment à ossature de bois. La School Section No. 5 de Crosby Sud est un exemple précoce de la campagne lancée à la fin du 19e siècle pour améliorer le système d’éducation publique en Ontario en construisant des bâtiments plus adéquats. Le ministère provincial de l’Éducation, qui souhaitait favoriser le progrès social, moral et économique a encouragé les conseils scolaires de la fin de l’époque victorienne à ériger des écoles plus grandes et plus modernes. Bien que les responsables locaux aient souvent hésité à augmenter les impôts permettant de financer des initiatives ministérielles aussi coûteuses, certaines collectivités tournées vers l’avenir, comme Elgin, ont parrainé la construction d’écoles intéressantes sur le plan architectural qui témoignaient de la fierté locale et de l’engagement envers le progrès grâce à l’éducation.

THE RED BRICK SCHOOL

    Opened in 1887, this charming two-room brick school, built by local contractor Fred Taber, replaced a smaller wood-frame building. School Section No. 5 in South Crosby is a very early example of the late 19th century campaign to improve Ontario’s system of public education through the construction of better buildings. Committed to fostering social, moral and economic progress through formal classroom instruction, the province’s Department of Education encouraged late Victorian era school boards to erect larger, more sophisticated schools. Although local officials were often reluctant to raise the taxes necessary to finance such expensive departmental initiatives, some forward-looking communities, such as Elgin, sponsored the construction of architecturally elaborate schools, which showcased their local pride and commitment to progress through education.

Historique

Inaugurée en 1887, l’école en brique d’un étage et de deux salles de la School Section (SS) No. 5 du hameau d’Elgin est un remarquable exemple d’école de la fin de l’ère victorienne.

Dans un contexte provincial plus large, la SS No. 5 South Crosby témoigne des efforts déployés à la fin du 19e siècle par les autorités provinciales et municipales pour assurer l’avenir socio-économique de l’Ontario en favorisant l’éducation dans les zones rurales. Le développement de l’éducation en milieu rural devint d’autant plus urgent quand il apparut, en 1885, que les zones urbaines avaient officiellement commencé à dépasser les zones rurales par le nombre d’habitants de l’Ontario qui y résidait.

L’éducation en Ontario, comme partout au Canada, résultait d’un partenariat entre un organisme provincial central (le ministère de l’Éducation à partir de 1877), qui définissait la politique et les règles; et les municipalités, dont les conseils finançaient la quasi-totalité des coûts de l’éducation locale. Cette responsabilité partagée conduisait à un système dans lequel la qualité de l’éducation dépendait de l’équilibre entre les directives provinciales et les réalités fiscales et politiques locales. L’assemblée provinciale pouvait voter des lois exigeant un niveau élevé d’éducation; le ministère de l’Éducation pouvait créer un cadre réglementaire reflétant ces objectifs législatifs; et les inspecteurs régionaux de l’enseignement pouvaient enquêter sur l’application au niveau local des lois et des règlements. Néanmoins, la qualité de l’enseignement était principalement déterminée par les responsables municipaux qui construisaient et équipaient les écoles, recrutaient les enseignants, leur versaient leurs salaires, et d’une façon générale tenaient compte des exigences locales en matière d’éducation, plutôt que de celles prescrites par la province.

Au 19e siècle, les autorités provinciales ont concentré leurs efforts sur quatre domaines principaux : l’assiduité des élèves, le curriculum, la formation des enseignants et les caractéristiques physiques des écoles elles-mêmes. Les représentants du ministère pressaient les parents d’envoyer leurs enfants à l’école locale comportant une seule salle (en 1850, 90 pour cent des écoles de la province étaient de cette taille; parmi elles, 52 pour cent étaient construites en rondins, 44 pour cent avaient une charpente en bois et le reste était constitué par des constructions en pierre ou en brique), et une loi votée en 1871 exigeait que les enfants âgés de six à 12 ans fréquentent l’école pendant au moins une partie de l’année. Ils modifièrent le curriculum en créant des programmes d’études, en autorisant des manuels et en instaurant des examens normalisés à certains niveaux. Ils modifièrent aussi la qualité de l’enseignement en adoptant une réglementation professionnelle pour les enseignants, en créant des écoles pour les enseignants et en fixant les salaires des enseignants en fonction de leurs qualifications.

Les autorités du début de l’ère victorienne étaient profondément inquiètes de la qualité des bâtiments scolaires. Dans son premier rapport annuel sur l’état des écoles de la province en 1844, le surintendant adjoint de l’éducation, le pasteur Egerton Ryerson, déplorait la qualité des bâtiments qui avaient été érigés. C’était souvent tout simplement des espaces ouverts non chauffés, non aménagés et sans sièges. Le pasteur Ryerson était convaincu que l’éducation ne pouvait pas se dérouler favorablement dans un tel environnement.

Pour améliorer la conception des écoles, les autorités provinciales entreprirent une série de mesures réformatrices. En 1848, elles lancèrent la publication d’un magazine mensuel destiné aux conseillers scolaires, le Journal of Education for Upper Canada, qui contenait de nombreux articles sur la conception et l’équipement des écoles — nombre d’entre eux s’inspirant de l’édition de 1848 du livre précurseur américain School Architecture, du célèbre bostonien Henry Barnard. Deux ans plus tard, la loi exigeait la nomination d’inspecteurs régionaux de l’enseignement. Ces fonctionnaires, choisis et payés par les autorités provinciales, permirent au ministère de l’Éducation de rassembler des informations sur la qualité des écoles locales, tout en transmettant directement aux conseillers scolaires les souhaits et les directives du gouvernement.

L’amélioration des écoles au 19e siècle

La plus importante initiative gouvernementale visant à essayer d’améliorer la qualité de la conception des écoles de la province se trouvait peut-être dans des publications qui prônaient un point de vue réformiste en matière d’architecture scolaire. En 1857, le pasteur Ryerson autorisa la publication du premier manuel de conception scolaire de la province, The School House : Its Architecture, Internal and External Arrangements, qui a été écrit par l’assistant du pasteur Ryerson, John George Hodgins. Son objectif était clair : faire de l’école rurale « ce qu’elle aurait toujours dû être –– l’endroit le plus attirant de tout le voisinage ».1 Les structures illustrées dans The School House ne ressemblaient pas à la grande majorité des bâtiments existants. Les modèles recommandés étaient d’une taille plus grande, plus ambitieux dans leurs prétentions architecturales, mieux situés et disposaient d’un chauffage et d’une ventilation appropriés. Ils étaient équipés d’un approvisionnement en eau fiable et de toilettes utilisables, et disposaient de fournitures et de matériel pédagogiques adéquats. Pour mettre plus rapidement à disposition les livres et autres fournitures, le pasteur Ryerson créa l’Entrepôt éducatif, où les conseils d’administration pouvaient acheter une vaste gamme de fournitures scolaires à un prix subventionné par le gouvernement inférieur de 50 pour cent à leur coût. En 1876, le ministère de l’Éducation réédita le guide Hodgins de 1856 et remplaça de nombreuses illustrations originales par des plans et élévations d’origine canadienne. De façon plus significative, le ministère publia, dix ans plus tard, une nouvelle étude de conception d’école, également réalisée par John George Hodgins, intitulée School Architecture : Hints and Suggestions on School Architecture and Hygiene, qui représentait les points de vue les plus modernes de la province sur la conception des écoles de la fin de l’ère victorienne.2

Bien que le pasteur Ryerson ait agi comme si l’Ontario possédait un système éducatif hautement centralisé dans lequel les autorités locales appliquaient des normes provinciales, les conditions de la formation étatique et de la politique démocratique dans l’Ontario du 19e siècle impliquaient que les autorités locales déterminent le niveau d’éducation proposé dans une région spécifique, alors que les exigences économiques et les besoins familiaux spécifiques déterminaient qui fréquentait l’école et pendant combien de temps. « Dans une large mesure », constatent les historiens Douglas Lawr et Robert Gidney, « ce sont les valeurs et les intérêts locaux qui ont défini les pouvoirs réels, par opposition aux pouvoirs formels, du ministère en matière de contrôle et de leadership »3 (traduction libre).

Les écoles locales respectaient des normes défendues par la province et constituaient un éloquent reflet des attitudes locales à l’égard de l’importance de l’éducation. Inaugurée en 1887, la SS No. 5 South Crosby d’Elgin est une charmante illustration de deux tendances parallèles : l’insistance grandissante du ministère de l’Éducation de l’Ontario en faveur d’une architecture plus élaborée pour les écoles rurales, et la conviction locale que les anciens modèles scolaires n’étaient plus adaptés à une communauté comme Elgin. L’avenir d’Elgin s’annonçait brillant et la communauté tirerait profit d’installations éducatives évoluées pour la formation théorique de sa jeunesse.

Les écoles d’Elgin

Les possibilités éducatives à Elgin suivaient un schéma architectural typique de la partie Sud de la province. Dès 1810, le voisinage de ce qui deviendrait Elgin comptait une école en rondins et le hameau lui-même disposait d’une école à ossature de bois, érigée en 1842, et qui mesurait un minuscule 20 pieds sur 24. Un bâtiment légèrement plus grand lui succéda en 1865, remplacé en 1887 par l’école actuelle.4 L’école construite en 1887 par Fred Taber de Morton,5 est un bâtiment de brique en forme de T, mesurant légèrement moins de 42 pieds de large sur 52 pieds de profondeur, la barre du T étant alignée sur la rue Halladay récemment ouverte. Bien que le bâtiment ne se dresse que sur un niveau, les pièces sont extrêmement hautes de plafond, correspondant à une structure d’un étage et demi. Cette hauteur exagérée a permis l’installation de trois fenêtres voûtées de quatre carreaux sur douze sur le mur principal (nord-ouest). Chacune de ces ouvertures était encadrée d’un linteau de pierre contrastant avec une arche en brique blanche avec clef de voûte en pierre, le tout coiffé d’un pignon, celui du centre ayant la forme librement inspirée d’une doucine et portant une pierre datée. Le mur ouest était éclairé par une seule fenêtre, dont la forme faisait écho à celles de la façade. Ce dessin reflétait l’espace intérieur, une énorme salle de classe s’étendant le long de la façade du bâtiment, éclairée (d’une manière approuvée par le ministère) par des fenêtres dispensant généreusement une lumière naturelle tombant par la gauche sur les tables des élèves. Le mur est de la classe n’avait pas de fenêtre, ce qui lui permettait d’accueillir un énorme tableau noir destiné aux démonstrations; le mur intérieur sud de la salle de classe principale porte des traces indiquant qu’il a aussi été recouvert d’un tableau noir. Le pignon latéral modifié était à l’origine couvert de bardeaux de bois et le clocher central s’ornait initialement d’un dôme en forme d’oignon, qui a été modifié depuis. Les entrées de l’école sur chaque côté du bâtiment — une pour chaque sexe — donnaient sur le pied du T, juste derrière la principale salle de classe. Ceci procurait également un accès à la petite salle de classe située à l’arrière, utilisée sans aucun doute pour l’enseignement des élèves plus âgés.

Les écoles sont, par nature, organiques et évoluent avec le temps. La SS No. 5 a servi d’école à Elgin jusqu’en 1964, lorsque fut ouverte la South Crosby Public School, et le bâtiment de 1887 fut transformé en salle communautaire. L’intérieur avait subi une profonde rénovation, bien que la répartition des espaces semble avoir été conservée. Le seul changement majeur visible à l’extérieur concerne la suppression du dôme en forme d’oignon du clocher.

Ce que l’école révèle sur la communauté

L’importance de la SS No. 5 South Crosby pour la province réside dans son statut d’exemple précoce des importantes initiatives provinciales contemporaines visant à améliorer la qualité de la conception des écoles de l’Ontario. Les écoles occupent toutefois une place importante dans l’histoire de la communauté. Le bâtiment en brique de l’école de 1887 ne fut construit que 22 ans après son prédécesseur voisin à ossature de bois, qui fut alors transformé en entrepôt pour le magasin général Dargavel. Il fut construit pendant une période de transition de l’Ontario rural. Pour les observateurs ultérieurs du ministère de l’Éducation, l’année 1885 a approximativement marqué le début d’une vaste industrialisation de l’Ontario et le début d’un abandon à grande échelle des zones rurales par de jeunes adultes attirés par les avantages des villes.6

À la fin du 19e siècle, Elgin était un centre régional animé. Bien que sa population n’ait été que d’environ 200 personnes à l’époque où l’école de 1887 fut construite, le hameau abritait un grand hôtel et 17 entreprises et usines importantes, y compris une fabrique de fromages, un ébéniste et deux négociants en outillage agricole.7 La construction d’une magnifique nouvelle école permanente reflétait la confiance de la communauté dans sa capacité de retenir sa jeunesse et de la former pour l’économie locale, face à la dépopulation rurale sévissant ailleurs.

Conclusion

L’école en brique de 1887 d’Elgin personnifiait les idées les plus avancées en matière de conception contemporaine d’école selon les critères des autorités du ministère de l’Éducation — telles qu’exprimées dans sa publication de 1886, School Architecture : Hints and Suggestions on School Architecture and Hygiene, par John George Hodgins — et constitue un exemple très précoce d’idées réformatrices sur la conception et l’équipement des écoles.8 Dans le contexte local, l’école constitue une remarquable expression de la confiance de la communauté face à la transformation des circonstances socio-économiques.


La Fiducie du patrimoine ontarien remercie vivement Dana Johnson pour la qualité de ses recherches lors de la préparation de cet article.

© La Fiducie du patrimoine ontarien, 2006


1 John George Hodgins, The School House : Its Architecture, Internal and External Arrangements (Toronto : Lovell et Gibson, 1857), Note préliminaire, p. iii.

2 John George Hodgins, School Architecture : Hints and Suggestions on School Architecture and Hygiene (Toronto : Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 1886).

3 D.A. Lawr et R.D. Gidney, « Who Ran the Schools? Local Influence on Education Policy in Nineteenth Century Ontario », Ontario History, Vol. 67, No. 2 (1980), p. 10. Leur conclusion est corroborée par Robert M. Stamp, The Schools of Ontario, 1876-1976 (Toronto : University of Toronto Press, 1982) p. 22 : « deux importants aspects des conditions éducatives en Ontario à la fin du dix-neuvième siècle : d’abord, le fait que les conditions locales déterminaient dans quelle mesure les objectifs provinciaux pouvaient être réalisés; et, ensuite, le fait que les autorités locales décidaient si les conditions de leur région justifiaient un changement de programme » (traduction libre).

4 Les informations sur les écoles de Crosby Sud sont réduites en raison de l’absence d’archives locales. Voir Susan Warren, Hub of the Rideau : A History of South Crosby Township (Cobourg : Haynes Printing for the Township of South Crosby LACAC, 1997) Chap. 32, « Chalkboards and Slates » et p. 212 et 213, et de Neil Patterson, « Elgin », discours adressé à l’Elgin and Area Heritage Society, le 22 novembre 2003.

5 Warren, Hub of the Rideau, p. 213.

6 Voir le « Report of the Chief Inspector of Public and Separate Schools », dans le Rapport annuel du ministère de l’Éducation, 1920-1921 en Ontario. Assemblée législative, Sessional Papers, Vol. 55. Article No. 17, annexe A, p. 3 : « Les changements intervenus dans la constitution des écoles publiques sont dus à trois causes principales …: (1) L’expansion industrielle qui a commencé vers 1885, a induit la tendance à l’exode rural » …. De plus, notait l’inspecteur, « La date de 1885 marque approximativement le début du mouvement vers les villes et la dépopulation progressive des districts ruraux » (traduction libre).

7 Le premier annuaire provincial couvrant Elgin à cette époque date de 1891; voir The Union Publishing Company’s (of Ingersoll) Farmers and Business Directory for the Counties of Dundas, Glengarry, Grenville, Leeds, Prescott and Stormont 1891 (Ingersoll : Union Publishing Company, 1891), p. 293 et 294.

8 L’importance architecturale et historique de la SS No. 5 South Crosby d’Elgin ressort clairement de ses dimensions, de l’élaboration de son aspect extérieur et de l’année de sa construction. Si des archives locales étaient disponibles, il serait possible de dire avec plus de certitude à quel point sa conception était conforme aux directives ministérielles. La qualité générale de l’école indique clairement que l’immeuble est l’œuvre d’un architecte professionnel, mais il n’existe pas de trace du nom de celui qui en assuré la conception et aucun plan n’a encore été découvert. Le bâtiment correspond au travail de cette époque de la société de Kingston de John Power and Sons, mais les archives de cet architecte (actuellement à Bibliothèque et Archives Canada) sont incomplètes et particulièrement fragmentaires pour les années 1880.