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La parade du père Noël

Le vendredi 19 novembre 2004, la Fondation du patrimoine ontarien a inauguré une plaque provinciale célébrant la centième Parade du père Noël. En voici le texte bilingue :

LA PARADE DU PÈRE NOËL

    En 1905, le grand magasin de Timothy Eaton a commencé la tradition de la Parade du Père Noël. À l'origine, la vedette de cette parade était le Père Noël, dans un chariot tiré par des chevaux. La parade prit de l'envergure et embellit. Elle incluait des clowns marchant sur les mains, des fanfares hautes en couleur, des mascottes, des personnages en costumes élaborés, des chars magnifiquement décorés et, bien sûr, le Père Noël en personne. Au fil des ans, le Père Noël est arrivé du pôle Nord en train, en diligence, sur de la glace flottante, en avion ou en traîneau tiré par neuf rennes. En 1982, un groupe de bénévoles local a assumé la responsabilité de cette parade. Une des plus longues traditions canadiennes, la parade a pour objectif de divertir les enfants et continue d’enchanter et d’amuser les personnes de tous âges.

THE SANTA CLAUS PARADE

    In 1905, Timothy Eaton's department store began the tradition of the Santa Claus Parade. Initially, the parade featured Santa Claus on a horse-drawn cart. The parade has grown in size and splendour to include upside-down clowns, colourful marching bands, mascots, characters in elaborate costumes, ornately-decorated floats and — of course — Santa Claus himself. Over the years, Santa has travelled from the North Pole by train, coach, ice floe, airplane and sleigh pulled by nine reindeer. In 1982, a local volunteer group assumed responsibility for the parade. One of Canada's longest-running traditions, the parade remains focussed on bringing joy to children and continues to enchant and entertain people of all ages.

Historique

Depuis que le grand magasin de Timothy Eaton a commencé à organiser une Parade du Père Noël en 1905 à Toronto, cet événement est devenu l’une des plus longues traditions du Canada. Cette parade, qu’on croit être la première du genre au monde, a pris tellement d’ampleur qu’elle se classe parmi les plus grandes d’Amérique du Nord.1

Pour de nombreux Canadiens, Eaton — un des plus grands magasins à rayons d’Amérique du Nord au XIXe siècle — jouait un rôle important dans la préparation des fêtes de Noël. Cet établissement a publié son premier catalogue de Noël en 1897 et, dès 1903, il a complété sa publication, attendue avec impatience, par la présentation du Père Noël dans son rayon des jouets. Aucune période des fêtes n’était complète sans une visite des étalages élaborés de Noël, dans les vitrines du magasin Eaton principal, rue Yonge. Les « tableaux animés » transportaient tant les enfants que les adultes dans le pays merveilleux de Noël.

Eaton a tenu la première Parade du Père Noël le samedi 2 décembre 1905. Au terme de son voyage mythique en provenance du pôle Nord, le Père Noël faisait son apparition à la vieille gare Union, rue Front, pour prendre place sur une caisse d’emballage aux couleurs vives installée sur une remorque de livraison Eaton tirée par des chevaux. Son trajet à Toronto à destination du magasin Eaton de la rue Yonge était annoncé dans les journaux par la compagnie et regardé par les familles longeant les rues. L’objet premier de l’événement consistait à attirer la clientèle dans le magasin. La parade a commencé comme célébration non commerciale visant à enchanter et à divertir, et elle a continué sur cette lancée.

Ampleur et splendeur

À l’origine, la parade ne présentait que le Père Noël, mais, au cours des ans, elle a pris de l’ampleur tout en devenant de plus en plus belle. Les premières années, le Père Noël voyageait dans une diligence tirée par quatre chevaux accompagnés de quatre trompettistes. Par la suite, on a ajouté un orchestre à l’escorte. Dès 1910, on a lancé l’idée d’un char décoré et, au lieu de voyager dans une diligence, le Père Noël semblait sortir de la cheminée d’une cabane en rondins reconstituée. Dès 1911, des participants déguisés, des cavaliers et des clowns se sont joints à la procession. La parade de 1913 a été vraiment captivante, des rennes en chair et en os (amenés du Labrador) ayant accompagné le Père Noël sur son char. On fit encore mieux en 1919, lorsque le Père Noël arriva en avion à l’aérodrome situé sur l’avenue Eglinton.

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, la Parade du Père Noël, ayant pris de l’ampleur, comptait sept chars décorés. Venaient s’ajouter des enfants portant des fanions, qu’on encourageait à se joindre pendant le dernier tronçon, et qui faisaient donc partie du spectacle. Vers la fin de la guerre, la parade comptait plus de 600 participants, de nombreux orchestres et des dizaines de chars illustrant des contes de fées populaires.

L’itinéraire de la parade a également changé pendant cette période. Avant 1950, il a été modifié pas moins de dix fois. De 1907 à 1909, le Père Noël arrivait à la station de Toronto-Nord. De 1910 à 1916, son voyage commençait plus loin dans le Nord — dans la ville de Newmarket — et, compte tenu d’une halte d’une nuit à York Mills, il fallait deux journées pour terminer le voyage jusqu’au magasin Eaton. Pendant plusieurs années, ces excursions ont culminé au Massey Hall où, lors d’une grande réception dite de la « Cour royale », le Père Noël et d’autres personnages de contes de fées recevaient des milliers d’enfants et de parents. Mais, après qu’Eaton eut inauguré le Royaume des jouets — tout un étage de vente consacré à un rayon — la parade se terminait par le spectacle du Père Noël qui grimpait de façon spectaculaire une échelle à incendie conduisant au rayon des jouets situé au deuxième étage. L’itinéraire actuel emprunté par la Parade du Père Noël remonte à 1981.

De 1928 à son départ à la retraite en 1963,2 le directeur des Relations publiques d’Eaton, M. Jack Brockie, a régi toutes les facettes de la parade. Dans les années 1950, ce fut l’apogée de la parade, un personnel de chez Eaton œuvrant à longueur année à cet événement élaboré et bien coordonné, et la compagnie affectant un budget distinct à l’événement (en 1955, le montant s’élevait à 70 000 $).3 On demandait aux employés de quitter leur poste pendant quelques heures pour marcher et se produire dans la parade. Cependant, une fois que le nombre de participants atteignit plus de 1 000 personnes, le système devint difficile à gérer. On recrutait les marcheurs dans les écoles de district et on leur offrait une petite somme pour leur participation.4 Les enfants présentaient une demande pour avoir l’honneur de participer à la parade, certains attendant trois ans pour l’occasion. Les cadres subalternes de chez Eaton étaient chargés du recrutement et ils fondaient souvent leurs décisions sur les tailles des costumes. Eaton ne voulait absolument pas peupler la parade de célébrités ni de politiciens, car c’était une journée réservée aux enfants.

La Parade du Père Noël avait bien lieu à Toronto, mais Eaton organisait aussi des parades dans d’autres villes du Canada. La tradition de la parade de Winnipeg a débuté elle aussi en 1905, mais l’événement fut annulé en 1967.5 La parade de Montréal, qui a débuté en 1925, se tenait une semaine après l’événement de Toronto. On visait ainsi, par ce décalage, à partager les ressources. Dès que la parade se terminait à Toronto, on chargeait la plupart des chars et des costumes dans des wagons couverts à la gare Union pour leur transport à Montréal.6 Les organisateurs de Toronto remarquaient avec plaisir que les spectateurs du Québec semblaient même plus réceptifs et manifester encore plus d’entrain que ceux de Toronto — « Les Canadiens français voient dans l’événement une sorte de carnaval, alors qu’ici (à Toronto) ce n’est qu’une parade. »7 L’annulation permanente de la parade de Montréal par le gérant du magasin Eaton de cette ville, en 1968, à la suite d’alertes à la bombe du Front de libération du Québec (FLQ), fut d’autant plus regrettable que la parade y remportait beaucoup de succès.

L’ère de la télévision

Toutefois, dès les années 1950, les familles du Canada et d’ailleurs pouvaient regarder la parade à la télévision. La première transmission, à l’antenne de Radio-Canada, remonte à 1952.8 Un film de l’événement, distribué aux États-Unis et dans d’autres pays étrangers, fut projeté dans des villes comme Londres et Paris. Dès les années 1970, en Amérique du Nord, plus de 30 millions de personnes regardaient ainsi la parade.9

Entre le nombre estimatif d’un million de gens se tenant le long de l’itinéraire de la parade de cinq milles et les personnes la regardant à la télévision, Eaton était sûr d’atteindre un vaste auditoire. Toutefois, on restreignit strictement la commercialisation du spectacle, du moins pendant les 50 premières années. Le mot « Eaton » n’apparaissait nulle part dans la parade. En 1953, un journaliste faisait remarquer : « Un homme de Mars, voire de Cleveland, n’aurait pas la moindre idée de l’identité des organisateurs. »10

Ce ne fut qu’en 1959 que la compagnie se mit à éprouver le besoin de tirer parti de la parade. Eaton avait beaucoup investi dans celle-ci et les cadres de cette compagnie insistèrent sur la nécessité, pour la parade, d’attirer l’attention sur le « magasin de Noël du Canada ». En particulier, le fait que Radio-Canada vendait du temps d’antenne pour des messages publicitaires qui permettaient à une autre entreprise de profiter de son investissement11 à un coût modique, préoccupait beaucoup ces cadres. Toutefois, la mention de la compagnie demeura discrète même durant les années 1970 car, comme le signalait le Service des relations publiques d’Eaton, la Parade du Père Noël était un spectacle pour les enfants.

« Sauvez notre Père Noël »

À la consternation générale, la compagnie Eaton annonça qu’elle allait annuler la Parade du Père Noël, qui s’était tenue pendant 77 années de suite, en ayant survécu à la Dépression et à deux guerres. En août 1982, l’abandon de la parade fit la une des journaux. Des lettres de plainte à Eaton et aux journaux de la ville montrent que, pour bien des gens, « La Parade Eaton, c’est Noël ». Or la valeur de la parade, sur le plan des relations publiques, n’en justifiait plus le coût, qui s’approchait alors d’un demi-million de dollars.12 De plus, la compagnie avait fait l’objet de plus en plus de critiques au sujet de la date de la parade : on jugeait que l’événement se tenait soit trop tôt (précipitant ainsi les préparatifs de Noël et entrant en conflit avec le jour du Souvenir) soit trop tard (exposant les jeunes enfants au mauvais temps).13 Vu le nombre d’employés mis à pied pendant la récession des années 1980, la compagnie Eaton estima qu’elle ne pouvait pas justifier le coût de la parade.

Dans la semaine qui suivit l’avis, une campagne « Sauvez notre Père Noël » allait bon train et un comité local de bénévoles se mit rapidement à trouver des sociétés commanditaires. Eaton ayant convenu de céder l’ensemble des costumes, des chars et le matériel divers de la parade à la nouvelle organisation sans but lucratif, la parade eut lieu cette année-là et toutes les années par la suite, la stabilité financière étant assurée par des commandites de sociétés et le programme des clowns célébrités.

La parade, qui en est à sa centième année, présente des clowns célébrités et des clowns qui marchent sur les mains, des fanfares hautes en couleurs, des mascottes, des personnages portant des costumes élaborés, des chars magnifiquement décorés et, bien entendu, le Père Noël lui-même. Important spectacle axé sur le divertissement des enfants, la Parade du Père Noël Claus continue d’enchanter et d’amuser les personnes de tous âges.


La Fondation du patrimoine ontarien exprime sa gratitude pour la recherche de Mme Sharon Vattay, recherche ayant servi à rédiger le présent document.

© Fondation du patrimoine ontarien, 2004


1 Mary-Etta MacPherson, Shopkeepers to a Nation: The Eatons (Toronto: McClelland and Stewart, 1963): 55; Robert Grant, « Behind the Parade », Northern Circuit (Noël 1951): 8.

2 William Stephenson, The Store that Timothy Built (Toronto: McClelland and Stewart, 1969): 235.

3 H.R. How, « The Père Noël Claus Parade is a year-round job », Canadian Business Magazine (novembre 1955): 86.

4 Lettre du 16 novembre 1968, Archives publiques de l’Ontario, Eaton’s Fonds (F229-162-0-597).

5 Patricia Phenix, Eatonians: The Story of the Family Behind the Family (Toronto: McClelland & Stewart Ltd., 2002): 61.

6 How: 86.

7 Cité dans Phenix: 61.

8 Broadcast Week Magazine, le 12 novembre 1983.

9 Santa Claus Parade Office notes, Archives publiques de l’Ontario (F229-162-0-585).

10 Robert Thomas Allen, « How Santa Claus comes to town », Canadian Business Magazine (1953): 33.

11 Lettre du 27 octobre 1959, Archives publiques de l’Ontario (F229-162-0-585).

12 Globe and Mail, le 10 août 1982.

13 Communiqué de presse de Eaton, le 9 août 1982, Archives publiques de l’Ontario (F-229-162-0-598).