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Très vénérable frère William Mercer Wilson 1813-1875

Le 18 août 2013, la Fiducie du patrimoine ontarien et la Grande Loge du Canada de la province de l’Ontario ont inauguré une plaque provinciale à l’église anglicane St. John à Simcoe, en Ontario, à la mémoire du Très Vénérable Frère William Mercer Wilson (1813-1875).

La plaque bilingue est libellée comme suit :

TRÈS VÉNÉRABLE FRÈRE WILLIAM MERCER WILSON 1813-1875

    William Mercer Wilson est né en Écosse et immigre dans le Haut-Canada à l’âge de 19 ans. Il déménage à Simcoe où il travaille comme greffier du tribunal, avocat, procureur de la Couronne et finalement juge du Comté Norfolk. Durant les rébellions de 1837-1838, il sert dans la cavalerie de Norfolk et atteint le rang de lieutenant-colonel. Il introduit la première presse à imprimer dans le district et il publie pendant deux ans le Norfolk Observer. En 1840, Wilson devient franc-maçon à Simcoe. Son leadership et sa vision contribuent à la création de la Grande Loge du Canada qui est indépendante de la Grande Loge d’Angleterre. Grâce à ses efforts d’unification, les francs-maçons de l’Ontario prospèrent. Le Très Vénérable Frère Wilson est élu premier Grand Maître de la Grande Loge en 1855, un poste qu’il occupe à deux autres reprises avant sa mort. Sa tombe est située à l’extrémité est du cimetière.

M.W. BRO. WILLIAM MERCER WILSON 1813-1875

    William Mercer Wilson was born in Scotland and immigrated to Upper Canada at the age of 19. He moved to Simcoe where he worked as a court clerk, lawyer, Crown attorney and finally judge for Norfolk County. During the Rebellions of 1837-38, he served in the Norfolk Cavalry and attained the rank of Lieutenant-Colonel. He introduced the first printing press in the district and for two years published the Norfolk Observer. In 1840, Wilson became a Freemason in Simcoe. His leadership and vision were instrumental in the creation of the Grand Lodge of Canada, independent of the authority of the Grand Lodge of England. The legacy of Ontario Freemasons can be traced to his unifying efforts. Most Worshipful Brother Wilson was elected the Grand Lodge’s first Grand Master in 1855, a position that he held twice more before his death. His grave is located at the far eastern end of the cemetery.

Historique

La prospérité actuelle des francs-maçons de l’Ontario peut être attribuée aux efforts d’unification de William Mercer Wilson, premier Grand Maître de la Grande Loge du Canada.

William Mercer est né en 1813 dans le Perthshire, en Écosse. Adopté par son oncle, il prend le nom de Wilson.1 À l’âge de 19 ans, il émigre dans le Haut-Canada et, en 1834,2 il est nommé à la cour des requêtes du district de Talbot. C’est ainsi que commence sa carrière juridique. Au cours des années suivantes, il travaille comme greffier, avocat (inscrit au barreau en 1853), procureur de la Couronne et, en 1868, il est nommé juge du tribunal du Comté Norfolk.

Wilson reste fidèle à son âme d’Écossais et, outre le droit, se passionne pour l’alphabétisation et l’éducation. Il contribue à la création de la société de Saint-André locale dont il devient président;3 il introduit la première presse à imprimer dans le district de Talbot; il publie le journal Norfolk Observer et devient également président de l’Institut d’artisans.4 Lors des rébellions de 1837-1838, il sert en tant qu’officier dans la cavalerie de Norfolk et accède, à l’âge de 35 ans, au rang de lieutenant-colonel de la milice locale.5 Le 11 juin 1840, William Mercer Wilson devient franc-maçon à Simcoe, le chef-lieu du Comté Norfolk.6 À peine cinq ans plus tard, ambitieux et travailleur, Wilson est élu Maître de la Loge.7 Très vite, il se rend compte des principaux problèmes auxquels la franc-maçonnerie fait face. Dans la première moitié du siècle, les francs-maçons du Haut-Canada commencent à se plaindre d’un fossé grandissant entre eux et la Grande Loge d’Angleterre. Nombre d’entre eux pensent notamment que la distance entre les deux côtés de l’Atlantique rend la communication trop lente et fastidieuse, que la Grande Loge joue un rôle trop important dans la sélection des officiers canadiens et qu’elle perçoit une part trop importante des fonds provinciaux qui devraient plutôt être répartis au niveau local.8

La franc-maçonnerie est, depuis toujours, une organisation fraternelle dotée d’un sens aigu de la tradition. Ses origines remontent au Moyen Âge et aux guildes de travailleurs de la pierre ou de maçons « opératifs », qui se forment autour des grands projets de construction de l’époque.9 Au cours des siècles, les guildes élargissent progressivement l’accès à des membres pouvant inclure des hommes qui ne sont pas maçons. Au 17e siècle, des témoignages de la formation de loges de maçonnerie « spéculative » se multiplient tant en Angleterre qu’en Écosse.10 Au cours des premières décennies du 18e siècle, les petites loges se regroupent sous l’égide des Grandes Loges d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse.11 À la même époque, les loges maçonniques commencent à prospérer en France et ailleurs en Europe continentale.

La franc-maçonnerie du 18e siècle en Grande-Bretagne reflète de nombreuses caractéristiques du mouvement intellectuel et culturel connu sous le nom de Lumières.12 Les premiers francs-maçons accordent de l’importance à la fraternité et à la sociabilité, ainsi qu’à l’amélioration de soi et à la promotion du bien commun. À une époque marquée par les privilèges et la division croissante des classes, les rassemblements maçonniques fonctionnent selon les principes de l’unité, de l’ordre et de la représentation démocratique.13 L’État ne fournit alors pratiquement aucune assistance au peuple. La franc-maçonnerie agit à ses débuts comme une société caritative, en contribuant d’abord au bien-être de ses membres et de leurs familles et en orientant ensuite son action de bienfaisance envers les moins fortunés de la communauté.

William Mercer Wilson considère qu’une rupture nette avec la Grande Loge d’Angleterre constitue la meilleure option, et il n’est pas le seul à le penser. En octobre 1855, les représentants de 41 loges (28 du Canada-Ouest et 13 du Canada-Est) se réunissent à Hamilton et ratifient une proposition visant à former une Grande Loge distincte de l’autorité de l’Angleterre.14 Un mois plus tard, Wilson est nommé premier Grand Maître de la nouvelle Grande Loge.15 La décision de se séparer de la Grande Loge d’Angleterre, toutefois, ne suscite pas l’adhésion générale. Les francs-maçons des deux côtés de l’Atlantique débattent de l’importance future de la nouvelle Grande Loge à la fois au Canada et dans le monde. Une lettre adressée en 1856 au mensuel Freemason’s Magazine and Masonic Mirror publié en Grande-Bretagne déplore cette situation :

    La récente défection du Canada de l’autorité de la Grande Loge d’Angleterre est une question sur laquelle la Société a le droit d’obtenir les explications les plus complètes. De deux choses l’une : soit il s’agit d’un acte précipité tout à fait contraire à l’esprit maçonnique de la part des Canadiens, soit c’est de la négligence et un manquement au devoir tout à fait coupables de la part des responsables de la G. L. Il est absolument nécessaire que nous comprenions clairement laquelle de ces deux douloureuses variantes est la bonne.16

Certains maçons membres de la Grande Loge provinciale du Canada-Ouest, établie de longue date, n’acceptent pas la nouvelle Grande Loge du Canada et son nouveau chef. Ils adressent donc une pétition à l’Angleterre, afin de former leur propre Grande Loge, et élisent Sir Allan MacNab (en opposition à Wilson) comme Grand Maître.

Tandis que les francs-maçons débattent des ramifications futures de la nouvelle Grande Loge, Wilson se met à parcourir la Grande-Bretagne, l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis pour diffuser un message soulignant l’importance de la gouvernance locale sous l’égide de la franc-maçonnerie. Il s’efforce de rapprocher les positions des uns et des autres et de parvenir à un consensus avec les opposants. En conséquence, en 1858, lors d’une réunion à Toronto, les deux Grandes Loges du Canada s’unissent, et Wilson est élu Grand Maître à l’unanimité. L’année suivante, la Grande Loge du Bas-Canada se joint à la Grande Loge du Canada.17 Les talents d’orateur de Wilson et ses discours deviennent légendaires dans toute l’Amérique du Nord. Ainsi, en 1860, il exprime avec passion ce qu’il croit être les valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie :

    La Maçonnerie, depuis son origine jusqu’à nos jours, dans toutes ses vicissitudes, a invariablement accompagné et soutenu l’homme... Elle réconforte les personnes en deuil, elle parle de paix et de consolation à l’esprit troublé, elle apporte le réconfort et la joie aux êtres dans le besoin et la misère, elle sèche les larmes de la veuve et de l’orphelin, elle révèle les sources de la connaissance, elle élargit le champ du bonheur humain, elle cherche même à chasser les ténèbres et l’obscurité de la tombe, en montrant l’espoir et la promesse d’une vie meilleure. Tout cela, la Maçonnerie l’a fait et continue de faire.18

Cette conviction résonne encore aujourd’hui chez les francs-maçons de tout le Canada, ainsi que dans certaines régions des États-Unis, où l’on mémorise et récite encore ces paroles prononcées il y a 150 ans.

L’organisation estime à plus de 47 000 le nombre de ses membres qui vivent, travaillent et font du bénévolat dans les collectivités de tout l’Ontario.19 La franc-maçonnerie peut être considérée comme l’une des plus anciennes organisations du Canada, dont les membres — parmi lesquels des premiers ministres, des athlètes, des soldats, des mécaniciens et des agriculteurs — ont laissé une empreinte indélébile dans la province. Après des débuts quelque peu tumultueux et incertains, William Mercer Wilson, grâce à ses efforts et à sa vision, a rétabli l’unité des francs-maçons de l’Ontario et a jeté les bases de l’organisation de bienfaisance qui existe aujourd’hui.


La Fiducie du patrimoine ontarien tient à remercier Michael Eamon pour les recherches qu’il a effectuées dans le cadre de la préparation de cet article.

© Fiducie du patrimoine ontarien, 2013


1 Sniderman, Anne E. F. « William Mercer Wilson » Dictionnaire biographique du Canada en ligne. Volume X (consulté le 30 avril 2013).

2 Au cours de cette même année 1834, Wilson épouse Jane Brown. Le couple aura dix enfants. Jane Brown décède vers 1849.

3 Les sociétés de Saint-André ont été créées à l’origine pour aider les immigrants d’Écosse.

4 Les Instituts d’artisans étaient créés pour assurer l’enseignement technique et l’éducation des adultes en Grande-Bretagne. Cette pratique s’est avérée populaire et s’est répandue dans le monde entier.

5 Pearce, Bruce M. First Grand Master: A Biography of William Mercer Wilson. Hamilton : Grande Loge du Canada, 1973, p. 59.

6 ibid., 44.

7 Bibliothèque de la Grande Loge du Canada, Manuscrits maçonniques, Grandes Loges provinciales, 1822-1858, Haut-Canada et Canada-Ouest, volume II, « Provincial Grand Lodge for Canada West, Sir Allan Napier McNab, R.W. Provincial Grand Master... at a Meeting Holden at Hamilton, on Saturday the 9th day of August, 1845 », p. 37.

8 McLeod, Wallace et coll., dir. Whence Come We? Freemasonry in Ontario 1764-1980. Hamilton : Grande Loge de l’Ontario, 1980, p. 68-69.

9 Freed, A.T. « The Mother Grand Lodge », dans Sheppard, Osborne, dir. A Concise History of Freemasonry in Canada. Hamilton : R. Duncan (1924), p. 5-7; Stevenson, David. The Origins of Freemasonry: Scotland’s Century, 1590-1710. Cambridge : Cambridge University Press, 1988, p. 13-25.

10 Stevenson, David. The Origins of Freemasonry, p. 212-233.

11 Robertson, J. Ross. The History of Freemasonry in Canada: From Its Beginnings in 1749, Volume I. Toronto : The Hunter, Rose Co., 1899, p. 62-111; Gould, Robert Freke. The Concise History of Freemasonry, 3e édition, Londres : Gale & Polden Ltd., 1951, p. 170-251.

12 Bullock, Steven C. Revolutionary Brotherhood: Freemasonry and the Transformation of the American Social Order, 1730-1840. Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1996, p. 35-36.

13 Melton, James Van Horn. The Rise of the Public in Enlightenment Europe. Cambridge : Cambridge University Press, 2001, p. 252-272. L’historienne Margaret Jacob affirme que la franc-maçonnerie était une force sociale radicale sur le continent européen. Voir Jacob, Margaret C. The Radical Enlightenment: Pantheists, Freemasons and Republicans. Londres : George Allen and Unwin, 1981.

14 Robertson, J. Ross. The History of Freemasonry in Canada: From Its Introduction in 1749. Volume II. Toronto : The Hunter, Rose Co., 1899, p. 721, et Sheppard, dir. Concise History of Freemasonry in Canada, p. 69.

15 Au cours de cette même année 1855, la deuxième femme de Wilson, Susan Grace Codner, décède. Trois enfants sont nés de ce mariage. Wilson épouse ensuite Mary Elizabeth Dixon, avec laquelle il a une fille.

16 « To the Editor of the Freemasons’ Magazine and Masonic Mirror ». Freemasons Magazine and Masonic Mirror, January, 1856, p. 99.

17 Cette union sera de courte durée. Après la Confédération de 1867, les membres de la nouvelle province de Québec considèrent qu’il devrait y avoir des Grandes Loges provinciales distinctes. En 1869, 28 loges décident de quitter la Grande Loge du Canada pour une Grande Loge du Québec. En 1874, la Grande Loge du Canada accepte officiellement l’autorité de la Grande Loge du Québec, qui gagne 20 loges supplémentaires sous son contrôle. Sheppard, dir., Concise History of Freemasonry in Canada, p. 69-70.

18 Herrington, Walter S. History of the Grand Lodge of Canada in the Province of Ontario, A.F. & A.M. in the Province of Ontario. Hamilton : Robert Duncan, 1933, p. 93.

19 « Who Are Masons ». Grande Lodge du Canada de la province de l’Ontario, site Web (consulté le 30 April 2013).


Bibliographie

Sources primaires

Jenkyns, Michael. « 010Norfolk.pdf » (L’histoire des Loges de Simcoe et de Townsend et de William Mercer Wilson). Manuscrit non publié.

Bibliothèque de la Grande Loge du Canada de la province de l’Ontario, Hamilton, Ontario.

The Freemasons Magazine and Masonic Mirror, 1856-1857.

Manuscrits maçonniques, 1792-1845. Haut-Canada. Volume I.

Manuscrits maçonniques, Grandes Lodges provinciales, 1822-1858. Haut-Canada et Canada-Ouest. Volume II.

Esquisses, gravures et dessins maçonniques. Canada, Grande-Bretagne.

Bibliothèque et archives la Grande Loge d’Angleterre, Londres, Angleterre.

GBR 1991 AR/467 Merchants’ Lodge, No. 151 [supprimé], Québec, 1765-1789. « A List of Members of Merchants Lodge, No. 1 held at Free Masons Hall in the City of Quebec, Quebec 9 November 1789 ».

Andrew’s Lodge, no 152 [supprimé], Québec, 1760-1789. « List of the Members of St. Andrew’s Lodge No. 2 Quebec acting under a Warrant of Constitution dated at Quebec 20th October A.L. 5760, Quebec 25th October 1789 ».

GBR 1991 AR/467 Merchants’ Lodge, No. 153 [supprimé], Québec, 1777-1789. « A List of the members of the St. Patricks Lodge, No. 3 Quebec held at the Cork Arms. 20th October 1789 ».

Sources secondaires

Bullock, Steven C. Revolutionary Brotherhood: Freemasonry and the Transformation of the American Social Order, 1730-1840. Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1996.

Gould, Robert Freke. The Concise History of Freemasonry. 3e édition. Londres : Gale & Folden Ltd.

Harland-Jacobs, Jessica. « Hand Across the Sea: The Masonic Network, British Imperialism, and the North Atlantic World », Geographic Review, 89(2), p. 237-253, 1999.

Herrington, Walter S. History of the Grand Lodge of Canada A.F. & A.M. in the Province of Ontario. Hamilton : Robert Duncan, 1933.

Herrington, Walter S., Roy, S. Foley et Dunlop, William, J. The First One Hundred Years: A History of the Grand Lodge A.F. & A.M. of Canada in the Province of Ontario, 1855-1955. Toronto : McCallum Press. 1955.

Jacob, Margaret C. The Radical Enlightenment: Pantheists, Freemasons and Republicans. Londres : George Unwin and Allen, 1981.

McLeod, Wallace et coll., dir. Whence Come We? Freemasonry in Ontario, 1764-1980. Hamilton : Grande Loge de l’Ontario, 1980.

Melton, James Van Horn. Rise of the Public in Enlightenment Europe. Cambridge : Cambridge University Press, 2001.

Pearce, Bruce M. First Grand Master: A Biography of William Mercer Wilson. Hamilton : Griffin and Richmond Co, 1973.

Robertson, John Ross. The History of Freemasonry in Canada, From Its Introduction in 1749. Volumes I et II. Toronto : The Hunter, Rose Co., Ltd., 1899.

Runnalls, J. Lawrence, dir. Our Grand Masters 1855-1980. Hamilton : Grande Loge du Canada, 1979.

Sheppard, Osborne, dir. A Concise History of Freemasonry in Canada. Hamilton : R. Duncan, 1924.

Sibley, W.G. The Story of Freemasonry. Chicago : Masonic History Company, 1904.

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Stevenson, David. The Origins of Freemasonry: Scotland’s Century, 1590-1710. Cambridge : Cambridge University Press, 1988.