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Écoles et étudiants en guerre

Introduction

Les écoles publiques, les collèges et les universités sont largement reconnus comme des établissements d’apprentissage et d’accréditation. Toutefois, pendant la Grande Guerre, les écoles de l’Ontario sont mobilisées dans le cadre de l’effort de guerre. Les établissements sont transformés en centres d’entraînement, d’expériences militaires et de réadaptation pour les soldats de retour. Certaines incitent également leurs étudiants à s’enrôler et acceptent de faire de leurs campus des terrains de recrutement. L’étude du rôle des établissements scolaires en Ontario montre comment la Grande Guerre suscite la mobilisation totale de la province, faisant des enfants et des jeunes adultes des participants à la guerre et non de simples spectateurs.

Recrutement parmi les étudiants

Dès octobre 1914, des professeurs de l’Université de Toronto (qui était alors un établissement sous contrôle provincial) défendent la légitimité de la guerre au cours d’une série de conférences retraçant les origines du conflit. Ces conférences connaissent un succès immédiat et attirent un public moyen de 800 personnes par événement.

Les administrateurs scolaires cherchent également à mobiliser les énergies à l’appui de l’effort de guerre. En novembre 1914, le ministre de l’Éducation, le Dr R.A. Pyne, conçoit une approche systématique en intégrant du contenu encensant la guerre dans le curriculum officiel. Les écoles reçoivent ainsi une brochure mensuelle intitulée « The Children’s Story of the War » (Histoire de la guerre pour les enfants). Le président de l’Université de Toronto, Robert Falconer, lance directement des appels aux étudiants. Le 21 octobre 1914, il annule toutes les conférences et tient une assemblée pour inciter les jeunes hommes à s’engager dans l’armée. En une journée, 550 étudiants répondent à l’appel. Les étudiantes des collèges fédérés poussent également les jeunes hommes à s’enrôler, et un concours est même organisé pour déterminer qui aura convaincu le plus grand nombre. Ces initiatives et d’autres encore montrent à quel point la ferveur patriotique est répandue dans le système éducatif. Face à ces pressions croissantes, de nombreux jeunes hommes abandonnent leurs études pour rejoindre l’armée.

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Des recrues de l’Université de Toronto s’entraînent sur le campus. Archives de la Ville de Toronto, fonds 1244, article 763. Date de création du ou des documents [1918?].

En 1914, l’âge minimum pour l’enrôlement est fixé à 18 ans (il sera porté à 19 ans par la suite). Il existe cependant des moyens de contourner cette restriction. Les candidats mineurs peuvent s’enrôler moyennant une lettre de consentement d’un de leurs parents. D’autres mentent dans l’espoir qu’on ne leur demandera pas de présenter leur acte de naissance. Lorsque les taux d’enrôlement commencent à ralentir en 1915, les recruteurs sont moins enclins à faire cette demande. Par ailleurs, le droit des parents de retirer leurs fils mineurs de l’armée est supprimé.

Le ministère de l’Éducation facilite l’enrôlement des élèves en offrant des mesures d’adaptation et d’incitation. En 1916, il annonce que les élèves du secondaire se verront rembourser les cours nécessaires à l’obtention de leur certificat après une période de service outre-mer. De même, si leurs études secondaires sont bientôt terminées, ils pourront obtenir leurs certificats plus tôt. En 1916 et 1917, respectivement 395 et 154 élèves du secondaire acceptent cette offre. Les universités et les collèges adoptent une approche similaire et accordent les crédits d’une année complète aux étudiants enrôlés.

Les collèges et les universités jouent un rôle direct dans la mobilisation des troupes. Le Corps-école d’officiers canadiens, les services hospitaliers et les batteries d’artillerie sont organisés en association avec des universités de toute la province, dont l’Université de Toronto, l’Université d’Ottawa, l’Université McMaster, l’Université Queen’s, l’Université Western et le Collège de médecine vétérinaire de l’Ontario. Les nouveaux entrants à l’université font l’objet d’examens physiques visant à déterminer leur aptitude au combat et à l’entraînement militaire. Les étudiants qui refusent un tel examen se voient interdire l’accès aux cours et aux activités parascolaires.

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Camp militaire, campus de l’Université de Toronto. L’avion représenté est un Jenny JN-4, construit à l’usine de munitions Leaside de Toronto. Archives de la Ville de Toronto, fonds 1244, article 752 [1914?].

À la fin de la guerre, l’armée compte un total de 15 087 étudiants. Parmi les étudiants originaires de l’Ontario, 1 025 étudiants de premier cycle et 2 374 étudiants des cycles supérieurs sont alors officiers, tandis que 945 étudiants de premier cycle et 453 étudiants des cycles supérieurs rejoignent les rangs. À l’échelle du Canada, 60 p. 100 de l’ensemble des étudiants de premier cycle sont en service actif. Les étudiants qui restent sur les campus sont généralement ceux qui ne sont pas aptes sur le plan physique à servir, qui étudient la médecine ou qui sont exclus en raison de leur genre ou de leur race. Des élèves du secondaire s’enrôlent également. Selon des estimations passées, le CEC compte jusqu’à 20 000 soldats mineurs servant à l’étranger.

Autres activités de mobilisation

Les universités contribuent de manière substantielle à l’effort de guerre, notamment dans les domaines de la santé et de la médecine. Les laboratoires universitaires sont mobilisés pour fournir des médicaments, des antitoxines et des fournitures médicales tout au long de la guerre. Ainsi, lorsque le camp de l’Exposition de Toronto est frappé d’une épidémie de méningite cérébrospinale en 1915, le département des pathologies de l’Université de Toronto produit les médicaments nécessaires.

Toujours pour aider à soigner les malades et les blessés, certains campus sont convertis en hôpitaux, notamment à l’Université Queen’s et à l’Université de Toronto. Cette dernière établit même un hôpital ambulant de 1 040 lits. L’hôpital est déployé à l’étranger et participe à des voyages dangereux en Angleterre, en Grèce et sur le front occidental. Des installations scolaires, comme le Collège Victoria, sont également transformées en centres de réadaptation, et proposent des cours de rééducation des soldats.

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Hôpitaux ontariens, Angleterre. L’hôpital militaire de l’Ontario est mis sur pied à Orpington, en Angleterre, le 19 février 1916. Il compte parmi les hôpitaux militaires les plus avancés au monde à l’époque et est financé par la province de l’Ontario à hauteur de 2 millions de dollars. Il emploie des infirmières et des médecins canadiens et traite des soldats canadiens, britanniques, australiens et néo-zélandais. Archives publiques de l’Ontario, I0007457.

Une autre contribution des universités et collèges de l’Ontario tient à l’amélioration de l’équipement et du matériel militaires. Ainsi, les métallurgistes universitaires tentent de fabriquer de nouveaux alliages, tandis que les scientifiques améliorent les fusées éclairantes, testent des gaz ininflammables pour les sous-marins et découvrent de nouvelles sources d’hélium pour les dirigeables. Des scientifiques sont même sollicités pour former des pilotes. En décembre 1916, l’Air Board de Londres, en Angleterre, décide que le Canada se dotera d’une force aérienne et se chargera de ses approvisionnements en matériel. Les premières unités de vol sont postées à l’aérodrome de Long Branch à Mississauga, et, comme le programme prend de l’ampleur, l’Université de Toronto fait don d’une partie de son Convocation Hall et de ses bâtiments d’ingénierie pour en faire un centre de formation.

Le personnel enseignant contribue plus largement à l’effort de guerre de diverses manières. Certains enseignants font faire à leurs élèves des activités patriotiques, comme la fabrication de vêtements et de bandages. D’autres font participer les élèves à des campagnes caritatives, par exemple pour recueillir des fonds destinés au Fonds patriotique canadien. Des éducateurs incitent également leurs élèves à participer à la campagne Soldats de la terre. Au printemps 1916, les agriculteurs sont aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre. Étant donné que la production de vivres est indispensable à la victoire des Alliés, le problème mérite une attention particulière. Pour y remédier, des enseignants d’écoles primaires aident leurs élèves à jardiner dans leur arrière-cour, sur des parcelles communautaires (y compris dans l’enceinte des écoles) et sur des terrains vacants. Pour encourager la participation, les garçons plus âgés qui se portent volontaires comme ouvriers agricoles pendant au moins trois mois peuvent valider leur année sans examen final. Même les garçons des établissements d’éducation surveillée qui se portent volontaires sont autorisés à quitter leur programme en contrepartie de leurs services.

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Campement de l'armée, Kingston, 7e Batterie. Pendant la Première Guerre mondiale, le fort Henry (que l'on voit à l'arrière-plan) a servi de camp d'internement pour les prisonniers de guerre. F01411-S8-f2-2, Archives de l'Université Queen's.

En 1917 et 1918, la pénurie de main-d’œuvre agricole devenant critique, les décideurs politiques recrutent des élèves filles dans le cadre de l’initiative Soldats de la terre. Ces agricultrices en herbe cueillent fruits et légumes dans la péninsule du Niagara et ailleurs. Il n’est pas rare qu’on leur confie le soin de s’occuper des chevaux, de ramasser du foin, de conduire des camions, de planter des semences, de biner la terre et de désherber, entre autres tâches. En 1918, 18 000 à 19 000 élèves du secondaire participent à ces activités, soit 70 p. 100 de l’effectif total de la province. De plus, 2 400 enseignantes, étudiantes universitaires et femmes mariées répondent à l’appel pour effectuer des tâches agricoles. À l’instar des ouvrières dans les usines de guerre, les « soldates de la terre » sapent les normes de genre alors en vigueur voulant que les femmes soient inaptes à des travaux physiques pénibles.

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Agricultrices. Archives de la Ville de Toronto, fonds 1244, article 640. Date de création du ou des documents [1917 ou 1918].